Fluctuat nec mergitur… à ceci près que là on va glisser vers le naufrage institutionnel dans l’ensemble parisien au point que les territoires (les établissements publics territoriaux) du Grand Paris se réunissent sans frontière partisane (depuis juin 2017 mais avec une fougue renouvelée) afin de se lancer dans une fronde (ça, c’est de tous temps : Mazarin en a déjà fait les frais il y a fort longtemps).
Il faut rappeler que la Métropole du Grand Paris (MGP), structurée en établissements publics territoriaux (EPT) dotés de la personnalité morale, tangue depuis quelques temps.
Les EPT ont la personnalité morale, mais c’est le droit des syndicats de communes qui pour l’essentiel s’appliquent à eux, avec un régime financier entre communes, EPT et Métropole du Grand Paris (MGP) qui navigue en absurdie avec :
- un partage fiscal entre EPT et MGP qui doit légalement s’arrêter en 2020 (une loi donc donc intervenir d’ici là…). En effet, les lignes devront de toute manière bouger puisque le financement fiscal des EPT n’est garanti… que jusqu’en 2020 (la CFE abonde les budgets des EPT.. jusqu’à cette date. Ensuite, mystère).
- un régime financier, notamment entre communes et EPT, qui n’est pas une vraie neutralisation de transferts de charges contrairement aux règles usuelles en intercommunalité.
- une MGP dotée de peu de moyens et de compétences, en difficultés financières alors qu’elle a d’importants défis à relever à terme.
De fait, avec son régime lourd et bigarré, la MGP et les EPT n’ont pas besoin d’ennemis supplémentaires : les lois successives qui leur ont brossé un cadre légal fort complexe et financièrement boîteux sont déjà le principal adversaire de ce grand monstre…
Voir : Carte et textes définitifs des territoires de la MGP
Face à ce bateau institutionnel à la dérive, les EPT (hors le cas particulier de Paris qui est une ville, un département et qui vaut un EPT) ont décidé de faire front uni en créant « l’Alliance des territoires » dont la présidence a été confiée à M. Jean-Didier Berger, maire (LR) de Clamart et président du territoire Vallée Sud – Grand Paris. En cause : une difficulté financière qui se tend avec la MGP.
Les intérêts des EPT ne seront pas toujours convergents (et déjà, là… ce n’est pas simple nonobstant la bonne volonté des uns et des autres, côté EPT comme côté MGP). Mais ils ont, hors Paris, fait front commun lors d’une réunion avec le Préfet de région vendredi dernier.
L’alliance des territoires va jusqu’à menacer d’une grève de la collecte des ordures ménagères si le Gouvernement ne les entend pas. En fait, la fronde avait commencé avec un communiqué commun des 11 EPT hors Paris, le 20 juin 2017, avec des demandes fortes et claires (voir ce texte ici).
Derrière cette tension, se cache aussi une incertitude persistante sur les choix institutionnels au plus haut sommet de l’Etat pour l’architecture future de la MGP.
Au contraire de ce qui se passe pour les autres très grandes métropoles, pour lesquelles le Gouvernement commence à faire connaître ses options (voir Fusion départements/métropoles : beaucoup de bruits… mais peu d’informations …), la future architecture parisienne reste, quant à elle, dans le brouillard le plus épais alors qu’on nous promettait des annonces claires… pour septembre 2017.
De son côté, dès 2015, la nouvelle présidente de la Région capitale, V. Pécresse n’y était pas allée de main-morte pour attaquer la Métropole du Grand Paris (MGP) et ses Etablissements publics territoriaux (EPT), y voyant un « contresens historique et une aberration administrative et économique ». Et la nouvelle Présidente et ancienne Ministre de s’interroger sur l’intérêt de créer « une cinquième strate au millefeuille territorial ».
Et V. Pécresse, alors, de proposer à mi-mots le remplacement de la MGP par un bon gros syndicat mixte… avec transformation des actuels EPT en communautés d’agglomérations ou en communautés urbaines.
Quel avenir pour la Métropole du Grand Paris après 2017 ?
En fait, le dernier Gouvernement du quinquennat du Président Hollande a été une immense occasion ratée de recaler cette architecture, puisque la loi 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain eût été un cadre parfait pour régler ces questions. Mais le courage et le consensus ont manqué.
Plus surprenante encore est l’absence de ces éléments presque 20 mois après… en dépit :
- de fortes propositions des juridictions financières (voir notamment ici et là) ;
- d’annonces alarmistes sur les finances de la MGP ;
- d’un rapport commandité par l’Etat.
Les scénarios évoqués sont les suivants :
- soit un tandem entre régions et établissements publics territoriaux (EPT ; [re-]devenant des communautés urbaines ou d’agglomération) avec un amoindrissement de la Métropole du Grand Paris (MGP), qui ne serait plus qu’un pôle métropolitain, un syndicat mixte, ou autre…
- soit au contraire un affaiblissement des EPT (voire une attribution de compétences uniquement par contrat avec la MGP ?) au profit d’une MGP renforcée ?
Avec à chaque fois des variantes :
- avec ou sans une part d’élection au suffrage universel direct (au moins pour la présidence de la MGP ?)
- avec ou sans disparition des départements 92, 93 et 94 ?
- avec ou sans extension (vers Roissy notamment) ?
- avec ou sans intégration différente avec la région au moins pour les politiques de transports ?
Bref, politiquement ça tangue, financièrement on écope comme on peut, et on navigue à vue. Nec mergitur. Pour l’instant.
Voir aussi :
- Les départements de première couronne, futures victimes de l’allégement du mille-feuille francilien ?
- Le Grand Paris brûle-t-il ?
- E. Macron détaille, devant les Préfets, son programme pour les territoires
NB iconographie : comment ça vous n’avez pas vu ce film de René Clément ou lu le livre éponyme de Lapierre et Collins ???
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