La réforme constitutionnelle lancée début 2018 (voir ici) est donc abandonnée et, post grand débat national, c’est vers une autre (quoique…) réforme constitutionnelle et institutionnelle (un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi organique, un projet de loi ordinaire… comme il y a 16 mois) que l’on s’engage.
Voici le texte diffusé à ce sujet à la suite du Conseil des ministres qui s’est tenu ce jour, avec quelques rapides commentaires.
Voir aussi en vidéo :
1/ Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, présenté par la garde des sceaux
Le communiqué du conseil des ministres précise que :
Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique s’articule autour de trois axes : la participation citoyenne ; la proximité territoriale par une nouvelle étape de la décentralisation ; une justice renforcée dans son indépendance.
Commentaire : ces trois volets s’avèrent assez distincts de ceux du premier projet de révision (expérimentation et territoires mis à part).
Le communiqué poursuit :
À côté de ces trois principaux axes, le projet de révision prévoit aussi d’inscrire à l’article premier de la Constitution que la République « favorise la préservation de l’environnement, de la diversité biologique et l’action contre les changements climatiques », ce qui correspond à une attente forte de nos concitoyens et aux enjeux considérables auxquels nous sommes collectivement confrontés.
Commentaire : ce point était promis par le Président de la République à la suite de ces premières annonces de débriefing post-Grand débat national (où l’environnement avait été un peu oublié). Ce premier couac passé, depuis lors, l’environnement est revenu au premier rang des préoccupations et cela avait été annoncé dès lors.
2/ Une participation citoyenne, oubliée de la réforme envisagée il y a 16 mois, axe fort de la réforme annoncée à l’instant… avec un petit côté fourre-tout
Le Conseil des ministres indique que cette participation citoyenne aura un champ d’application fort large et une importance loin de ce qui était envisagé initialement, comme annoncé par le Président de la République, sans vrai RIC cependant :
Le premier axe porte sur la participation citoyenne que le projet de révision entend introduire dans la Constitution tout en préservant les principes de notre démocratie représentative.
À cette fin, il prévoit de :
– permettre la mise en œuvre du service national universel afin de renforcer l’engagement de nos concitoyens les plus jeunes dans la vie de la cité ;
– élargir le champ du référendum de l’article 11 de la Constitution aux questions de société ;
– introduire un nouveau titre dans la Constitution spécifiquement consacré à la participation citoyenne ;
– ouvrir et rénover les conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative partagé (le « RIP ») tout en élargissant son champ ;
– créer une nouvelle institution : le Conseil de la participation citoyenne, qui remplacerait le Conseil économique, social et environnemental. Cette institution démocratique d’une forme inédite serait un lieu de rencontre entre la société civile organisée et les citoyens, avec des missions nouvelles, comme l’organisation de consultations publiques autour de conventions de citoyens tirés au sort.
3/ Un volet territorial fondé sur les différenciations et les expérimentations, comme prévu initialement
La suite s’inspire plus de ce qui est annoncé avec constance depuis cinq mois, certes, mais aussi depuis plus de deux ans maintenant :
Le projet de loi constitutionnelle entend aussi donner plus de responsabilités et de libertés à nos territoires, en introduisant un droit à la différenciation entre collectivités territoriales permettant non seulement à certaines collectivités d’exercer des compétences, dont ne disposent pas les autres collectivités de la même catégorie, mais aussi aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu, aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. Le projet de loi constitutionnelle contient également des dispositions reconnaissant dans notre loi fondamentale les spécificités de la Corse, dans le respect du principe d’indivisibilité de la République. Enfin, une nouvelle procédure sera organisée pour permettre aux collectivités d’outre-mer de fixer, plus simplement, des règles applicables sur leur territoire dans certaines matières, sous le contrôle final du Parlement.
4/ la Justice s’invite dans la réforme… y compris pour la justice des Ministres, y compris sur l’indépendance du Parquet et le Conseil constitutionnel
La Justice en lien avec la moralisation de la vie politique était au coeur des réformes annoncées par l’éphémère Garde des Sceaux F. Bayrou. Depuis, les réformes n’avaient guère vocation à s’élever au niveau constitutionnel… avant cette annonce, ce jour :
Le troisième axe du projet de révision vise à faire aboutir plusieurs réformes renforçant l’indépendance de la Justice. Il est ainsi prévu de supprimer la disposition constitutionnelle qui fait des anciens Présidents de la République des membres de droit du Conseil constitutionnel, ce qui n’a plus lieu d’être pour un Conseil dont la mission juridictionnelle a été renforcée avec l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2008.
Par ailleurs, il est proposé de faire aboutir une réforme attendue depuis plusieurs années en prévoyant que les magistrats du Parquet seront désormais nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur avis simple. Cette formation statuera aussi comme conseil de discipline de ces magistrats.
Enfin, instituée pour juger les ministres pour les délits et les crimes accomplis dans le cadre de leurs fonctions, la Cour de Justice de la République, juridiction composée de magistrats et de parlementaires, sera supprimée. Ces ministres seront jugés par une juridiction judiciaire de droit commun : la cour d’appel de Paris. Néanmoins, afin d’éviter les procédures abusives, une commission des requêtes procèdera à un filtrage. Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle prévoit que la responsabilité pénale des ministres ne peut être mise en cause en raison de leur inaction que lorsque le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable.
A noter : en sus de l’évolution de la composition du Conseil constitutionnel, remarquons le passage de la saisine du conseil constitutionnel sur une loi récemment adoptée qui passerait de 60 à 45 parlementaires…
5/ Moins de parlementaires
Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire pour un renouveau de la vie démocratique, présentés par le ministre de l’intérieur, est moins surprenant.
Ces projets de loi traduisent le triple engagement pris par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le 3 juillet 2017, visant à renforcer la qualité du travail du Parlement par la diminution de ses effectifs (de 25 %), à améliorer la représentativité de l’Assemblée nationale (par l’introduction d’une dose de 20 % de proportionnelle) et à renouveler la vie politique par l’instauration de dispositions limitant le cumul des mandats dans le temps.
Bref, sur ce point, on colle plus étroitement avec les positions d’il y a un an… en sachant que le Sénat pourrait évoluer d’ici à 13 mois…
Citons quelques extraits du communiqué de ce jour :
S’agissant de la réduction du nombre de parlementaires, le projet de loi organique applique aux effectifs parlementaires une réduction de 25 %, en fixant à 433 le nouvel effectif des députés (contre 577 actuellement) et à 261 celui des sénateurs (contre 348 actuellement). Le rapport entre le nombre de députés et le nombre de sénateurs restera inchangé. Cette mesure essentielle nécessite de renouveler intégralement le Sénat en 2021, à titre exceptionnel, afin que la réduction des effectifs s’applique concomitamment aux deux séries, préservant ainsi l’égalité entre ces dernières.
La réduction du nombre de parlementaires impliquera de déterminer le nombre de députés et de sénateurs élus par département, par collectivité régie par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et au titre des Français établis hors de France, ainsi que d’arrêter une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives s’agissant des députés. Pour ce faire, le projet de loi ordinaire habilite le Gouvernement, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, à procéder par ordonnances à cette opération.
L’habilitation garantit l’élection d’au moins un député et un sénateur par département, collectivité régie par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et au titre des Français établis hors de France.
Nous voici donc dans la continuité des annonces de mars – avril 2018.
N.B.: sur le résultat de ce que peut donner une dose de proportionnelle, chacun attend aussi les oracles du Palais Royal sur un autre sujet (par analogie et par prudence). Voir :
Mais ce qui touche à la rationalisation interne du fonctionnement des assemblées parlementaires a été supprimé semble-t-il.
6/ redécoupage des circonscriptions
Le Conseil des ministres, dans son communiqué, précise ensuite que :
Pour le redécoupage des circonscriptions législatives, les critères de l’habilitation fixés lors de la précédente opération de 2009 visant à respecter le principe d’égalité devant le suffrage ont été repris dans le projet de loi ordinaire, tout en les adaptant à la marge dans le sens d’un plus grand encadrement de l’action du Gouvernement. Ainsi les limites des circonscriptions législatives devront respecter l’intégrité des cantons à l’exception de ceux de plus de 60 000 habitants, et les limites communales devront être respectées dans les cantons dont le territoire n’est pas entièrement compris dans la même circonscription. En dehors de ce cas, aucun découpage de commune ne sera possible.
Les projets d’ordonnance délimitant les circonscriptions législatives et modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs seront soumis à l’avis de la commission indépendante prévue par l’article 25 de la Constitution.
Rien de très neuf donc…
7/ un peu de proportionnelle à l’A.N.
Le communiqué poursuit en posant que :
En outre, le projet de loi ordinaire traduit l’objectif d’une meilleure représentation de la diversité des sensibilités politiques à l’Assemblée nationale par l’élection de 20 % de son effectif (soit 87 députés) au scrutin de liste national à la représentation proportionnelle. Ce mode de scrutin nouveau sera soumis aux règles en vigueur pour les autres scrutins de liste en France (listes paritaires, représentation à la plus forte moyenne, seuil d’accès à la répartition des sièges fixé à 5 % des suffrages exprimés). Seront également élus au scrutin de liste, dans une circonscription désormais unique, les députés élus par les Français établis hors de France. Les autres députés resteront élus, comme aujourd’hui, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Le scrutin proportionnel aura lieu le même jour que le premier tour du scrutin uninominal majoritaire, chaque électeur disposant pour voter de deux bulletins, le premier pour le député de sa circonscription, le second pour une liste nationale.
On notera une plus grande précision donc sur les modalités de vote.
8/ communication électorale
Le communiqué poursuit comme il y a 16 mois en posant que :
Les modalités de la propagande électorale sont adaptées à ce nouveau mode de scrutin. Les professions de foi des listes seront dématérialisées, mais resteront consultables en mairie par voie d’affichage. Le projet de loi adapte également le dispositif de campagne audiovisuelle officielle pour tirer les conséquences de la décision n° 2017-651 QPC du Conseil constitutionnel du 31 mai 2017, et garantir ainsi le respect du pluralisme des opinions et du caractère équitable de la participation à la vie démocratique des partis et groupements politiques. Pour favoriser la clarté du débat électoral et garantir une représentativité minimale des listes candidates, ces moyens ne seront accessibles qu’aux listes qui justifieront du soutien de candidats au scrutin majoritaire dans au moins 44 circonscriptions.
9/ cumul des mandats
Est aussi repris le projet d’il y a un an d’un non cumul de plus de trois mandats consécutifs dans le temps, de manière continue, masi avec prise en compte du mandat en cours (et non de leurs devanciers) :
Par ailleurs, les deux projets de loi limitent le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires et les détenteurs de fonctions exécutives locales, empêchant l’exercice d’un quatrième mandat successif et, par là-même, une excessive professionnalisation de la vie politique. Seront ainsi concernés les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen. S’agissant des fonctions exécutives locales, les présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre seront soumis à cette interdiction, à l’exception des maires des communes de moins de 9 000 habitants et des titulaires de fonctions dans les établissements publics de moins de 25 000 habitants. Cette mesure de limitation, strictement proportionnée à l’objectif poursuivi, concernera 3 % des maires et 48 % des présidents d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle se traduira dès à présent par la prise en compte du mandat ou de la fonction en cours dans le calcul des trois mandats ou fonctions complets et consécutifs.
Nous aurions donc à très peu de choses près la même chose que ce qui était prévu il y a 16 mois et que nous avions alors ainsi commenté :
- Quelles devraient être les règles de cumul des mandats dans le temps ? [MINI TUTO – courte VIDÉO]
- Non cumul des mandats dans le temps : que prévoient les projets de loi ?
10/ entrée en vigueur
Le communiqué finit en précisant que :
L’entrée en vigueur de la réforme institutionnelle est prévue au prochain renouvellement de l’Assemblée nationale s’agissant des dispositions relatives à l’élection des députés, et au prochain renouvellement du Sénat en septembre 2021 pour les dispositions relatives à celle des sénateurs.
Enfin, le projet de loi organique contient une disposition relative à la procédure du référendum d’initiative partagée, qui précise les règles de caducité opposables aux initiatives introduites par un cinquième des membres du Parlement sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 11 de la Constitution dont l’objet serait identique ou contraire à celui d’une loi ultérieurement promulguée. Il confie au Conseil constitutionnel la tâche de constater la caducité de l’initiative et de mettre un terme à la procédure de recueil des soutiens le cas échéant.
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