Marchés publics et covid-19 : l’exécutif seul capitaine à bord ?

Dans le contexte de la crise sanitaire,  l’Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 facilite la prise des décisions dans les matières permettant d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements (cf. quelques articles de notre blog sur ce sujet ici).

Concernant spécifiquement les marchés publics, l’article 1 du texte confie de plein droit au maire, sans qu’une délibération du conseil municipal ne soit nécessaire, les attributions que le conseil municipal peut en temps normal lui déléguer en application de l’article L. 2122-22 du CGCT, à savoir :

« De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget ; »

Le président du conseil départemental (article L. 3221-11 du CGCT) et le président du conseil régional (article L. 4231-8 du CGCT) jouissent de la même attribution. De même ces dispositions sont-elles applicables aux EPCI (la délégation de l’article L. 5211-10 du CGCT est donnée au maximum au Président ; attention pas au bureau mais bien au président).

Ainsi, cet article confie désormais un plein pouvoir aux exécutifs locaux là où auparavant une délibération était nécessaire afin qu’ils puissent agir.

NB: sur les limites de cette action en période électorale prolongée, comme celle que nous sommes en train de vivre, voir notre vidéo publié sur ce blog ici.

Bien sur, il faut que les crédits soient inscrits au budget mais sur ce point certains assouplissements sont prévus pendant cette période de crise sanitaire (cf. sur ce point l’article de notre blog à lire ici).

Les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités territoriales sont également simplifiées (article 4).

Cette délégation de plein droit aux exécutifs locaux, inédite et particulièrement large, s’accompagne néanmoins de quelques garde-fous.

En effet, le maire ou le président doit (article 1er de l’Ordonnance) :

« informer sans délai les membres de l’organe délibérant des décisions prises dans le cadre de cette délégation. Le conseil municipal ou l’organe délibérant peuvent à tout moment décider, par délibération, de mettre un terme à cette délégation ou de la modifier et cette question est portée à l’ordre du jour de la première réunion qui suit l’entrée en vigueur de l’ordonnance » .

Alors si cette décision de mettre terme à la délégation ou la modifier intervient en plein milieu de la passation d’un contrat alors ceci peut avoir des conséquences  fâcheuses sur la passation des contrats en cours et possiblement des indemnisations à la clé…

Surtout il est important de souligner que l’organe délibérant peut se réunir en des formes allégées (quorum allégé, possibilité de visioconférence…) ce qui peut faciliter les mutineries et les jeux de pouvoirs entre élus !

Le rapport de présentation de l’ordonnance rappelle que les décisions prises dans ce cadre par les exécutifs locaux sont soumises au contrôle de légalité.

Par ailleurs, dans le contexte de crise sanitaire, l’article 7 assouplit de façon transitoire les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité, en autorisant la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie, jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Enfin, gardons à l’esprit que, sauf sans doute pour des lancements de marchés à attribuer après la période transitoire, les élus en poste ont des compétences limitées aux affaires urgentes et courantes dont, bien évidemment, ce qu’imposent les « circonstances exceptionnelles » (théorie développée et amplifiée depuis les arrêts Dames Dol et Laurent puis Heyriès)… Voir à ce sujet :

… Pour les contrats arrivant à expiration, le mieux sera parfois de prolonger les contrats existants à la faveur des règles propres à l’état d’urgence sanitaire, le temps de lancer de nouveaux marchés avec attribution après la période de transition. Voir :

… Transition qu’il est raisonnable de prévoir pour fin octobre, même si divers scénarios restent en lice. Voir à ce sujet :

Il en résulte parfois des complexités assez grandes qu’il importe d’étudier soigneusement au cas par cas…