Dissolution d’un EPCI => ventilation (équilibrée selon les participations de chacun) entre communes au moins dans un premier temps (et non entre les EPCI qui récupèreront ensuite les compétences correspondantes)

Un intéressant jugement du TA de Poitiers vient de confirmer qu’en cas de dissolution d’un EPCI, la ventilation des biens, droits et obligations doit être opérée, au moins dans un premier temps, entre communes (et non entre les EPCI qui récupèreront ensuite les compétences correspondantes), et ce avec un « partage équilibré entre les communes compte-tenu de l’importance de leur participation dans la communauté de communes ».

 

 

I. Les textes prévoient une ventilation des biens entre communes en cas de dissolution d’EPCI

 

Une dissolution d’EPCI s’applique en vertu de textes (par exemple l’article L. 5214-28 du CGCT pour les communautés de communes, les articles L. 5212-33 et suivants pour les syndicats…) qui tous imposent à l’Etat de ventiler les biens, droits et obligations, avec renvoi vers l’article L. 5211-25-1 du CGCT.

Ce dernier article prévoit bien une ventilation des biens entre communes :

« En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale :

« 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l’établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. Le solde de l’encours de la dette transférée afférente à ces biens est également restituée à la commune propriétaire ;

« 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire de l’établissement public de coopération intercommunale et l’établissement (…). Le solde de l’encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire et l’établissement public de coopération intercommunale ou, le cas échéant, entre la commune et le syndicat de communes. A défaut d’accord entre l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l’Etat dans le ou les départements concernés. (…) » (souligné par nous).

 

Il résulte de ces dispositions combinées la règle selon laquelle la répartition de l’actif et du passif d’un établissement public de coopération intercommunale dont la dissolution est prononcée intervient entre les communes qui composent l’établissement à la date à laquelle celui-ci est dissous.

 

 

 

II. Ce qui a donné lieu à une abondante jurisprudence, moins sur ces étapes de procédure que sur le fond ensuite des ventilations à opérer

 

La Cour administrative d’appel de Marseille impose (CAA de Marseille, 2 septembre 2008, Commune de Gigean, req. n°07MA02392) de procéder en deux temps. Citons l’extrait des tables du recueil Lebon sur ce point :

« Le solde de l’encours de la dette ne peut ainsi être fixé puis réparti entre les deux collectivités avant que les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétence de la commune vers l’établissement de coopération intercommunale et le produit de la réalisation de tels biens aient été eux-mêmes fixés et répartis »

Il importe donc d’agir en deux temps, soit par deux arrêtés, soit au moins dans la phase administrative de contradictoire, et ce sans reprendre les options de l’assemblée délibérante de la communauté de communes si celles-ci sont elles-même illégales au fond (en quelque sorte, pas d’incompétence négative donc : CAA Nancy, 2 juin 2008, Commune de Wittelsheim, n° 7C00596).

 

Mais c’est surtout ensuite, sur le fond (qu’il s’agisse d’une dissolution ou d’un retrait), que le juge commence d’être assez précis sur les règles à appliquer même si cet art délicat continue de relever d’une appréciation au cas par cas, assez malaisée parfois.

Voici quelques sources : CAA de Nantes, 30 juin 2015, Commune de Chaumont-sur-Loire, n° 13NT02663 ; CE, 15 février 2016, Communauté de communes du Val-de-Drôme, n° 395143 ; CAA de Nantes, 20 octobre 2017, Commune de Céaucé, n° 15NT03874 ; CAA de Nancy, 29 mars 2018, SIVOM de la Prézière, n° 17NC01087) ; CAA de Nantes, 12 avril 2017, Communauté d’agglomération  du pays de Lorient, n° 16NT00455 ; CAA de Nantes, 21 septembre 2016, SIRTOM d’Andaines, n° 15NT01020 ; CAA de Nancy, 2 juin 2009, Communauté de communes du bassin potassique, n° 07NC00596 ; CAA de Marseille, 2 septembre 2008, n°07MA02392 ; CE, 21 novembre 2012, n°346380 ; voir par analogie CE, 3 mai 1993 Bastia, n° 101436, DA 93-333 et CE, 10 mars 1995, n° 95725, DA 1995-327 ; TA Dijon 27/6/00 Ronchères et Cheney, n° 991116 et 991068 [2 aff.], Quinz. jur. 17/07/2000 p. 20-21 ; voir aussi par analogie CE, 19 juin 2015, n° 376226 puis CAA Nantes, 10 février 2017, Fondettes c. CD Indre-et-Loire, n° 15NT01973 ; voir dans le même sens, voir TA Guadeloupe, Ord., 1er février 2016, SIAEAG, n° 1500874 ; pour la trésorerie au moins avant 2016 voir CE, 21 novembre 2012, CASA, n° 346380 et CAA Marseille, 20 septembre 2013, CASA, n° 12MA04657 ; voir CE, 25 mars 2016, Commune de La Motte-Ternant, 386623 (mais voir aussi Transferts de trésorerie en cas d’intercommunalisation de l’eau : que change la loi engagement et proximité ? ) ; CAA Nantes, 10/05/2019, 17NT02973 ; voir pour les contentieux l’arrêt Citelum du CE 03/12/2014, n° 383865 (voir aussi CAA Nancy, 11 mai 2006, req. N°04NC00570 et 04NC00571 ; CAA Nancy, 6 mars 1990, Sté Coop. d’HLM « La maison familiale lorraine », rec. T., p. 626)…. Ces sujets ont donné lieu à des dizaines d’articles, sujet par sujet, au sein du présent blog. 

 

III. En pratique, bien sûr, les intercommunalités ne peuvent être marginalisées à ce stade, sauf à entraîner de redoutables retours de boomerang

 

Reste la règle de base = une dissolution impose une ventilation des biens entre les communes quitte ensuite à appliquer sur le fond ces règles et à ce que les intercomunalités qui récupèrent les compétences correspondantes aient à débattre entre elles et, surtout, à débattre en interne des récupérations de dettes, de compétences de trésorerie et de biens, par ricochet. Ce qui peut donner lieu d’ailleurs à d’épiques débats en matière d’attribution de compensation.

Ce qui impose, en pratique une ventilation des biens, droits et obligations entre communes, mais en lien étroit avec les intercommunalités qui reprendront toute ou partie des compétences, si elles existent déjà.

Sources : TA Dijon, 9 octobre 2018, Cluny, n° 1600007 (Jugement Cluny) ; TA Châlons-en-Champagne, 29 janvier 2019, Joinville, n°1700973 (106308823_1700973) ; TA Orléans, 7 mars 2019, Communes des Autels-Villevillon et de la Chapelle-Royale, n° 1800622 et 1800623 (jugement 1800622) ; TA Orléans, 4 mai 2016, communes de M et L c/ Ch. M., n° 1502921 et 150042 (voir : Une communauté perd une compétence en 2006. Puis elle la reprend en 2012. Entre temps, la gestion fut syndicale. La communauté devait-elle calculer l’attribution de compensation des communes concernées sur la base des années antérieures à 2006 ? ou des années antérieures à 2012 ? ) ; CAA Nantes, 21 février 2014, n°12NT02774 (voir : Attribution de compensation : au moindre sur-mesure, il faut appliquer les règles de majorités dérogatoires ) ; TA Orléans, 4 août 2011, Cne de Gien, n°1101381 (sur la désignation des membres de la CLECT, ce qui est certes un peu un autre sujet ; voir : https://blog.landot-avocats.net/wp-content/uploads/2016/06/ta-orlc3a9ans-2011-gien-dc3a9signations-cletc.pdf).

Plus largement, voir : 

 

 

IV. Un jugement récent du TA de Poitiers impose nettement que la dissolution passe, en droit, par une phase de ventilation des biens, droits et obligations entre communes membres, au jour de la dissolution, de la structure ainsi dissoute

 

L’élaboration du schéma de coopération intercommunale (« SDCI ») sur le territoire du département de la Vienne, au cours de l’année 2016, a permis l’émergence de vastes EPCI à fiscalité propre sur le territoire de département. Le nombre d’EPCI à fiscalité propre y a été réduit de 19 à 7.

La communauté de communes du Pays chauvinois (ci-après « la CCPC ») faisait partie des EPCI à fiscalité dont la dissolution a été prononcée dans le cadre du SDCI précité.

La préfète a également procédé à la répartition de l’actif et du passif de l’ancienne communauté, en choisissant de le répartir entre les deux EPCI à fiscalité propre récupérant ces territoires et les compétences corespondantes.

Le TA de Poitiers a posé en réponse à un recours engagé à ce sujet :

« qu’en cas de dissolution d’une communauté de communes, il appartient aux communes et à l’établissement ou, à défaut d’accord, au représentant de l’Etat dans le département, de procéder à la répartition entre chacune des communes de l’encours de la dette contractée par l’établissement et des actifs dont il est devenu propriétaire postérieurement au transfert de compétences. »

Donc la ventilation doit (et cette solution conforme aux textes s’avère certes, en pratique,  laborieuse…) être opérée entre chaque commune… Dans les cas d’accords, en pratique, nous avons quelques astuces pour rendre ce travail moins épique cela dit…

Et le TA de préciser ensuite, sur le fond cette fois, que :

« Cette répartition doit être fixée dans le but, d’une part, d’éviter toute solution de continuité dans l’exercice des compétences concernées et, d’autre part, de garantir un partage équilibré entre les communes compte-tenu de l’importance de leur participation dans la communauté de communes. »

Passons sur la formulation relative à la continuité (discontinuité ?).

Reste que le juge affirme là un principe de bon sens conforme à la jurisprudence précitée.

Plus encore, le jugement enjoint à la Préfète de procéder à une nouvelle répartition de l’actif et du passif de la communauté de communes ainsi dissoute dans un délai de six mois (ce qui, gageons le, ou en tous cas espérons le, se fera de manière constructive de la part des uns et des autres).

 

Voici cet intéressant jugement : TA Poitiers, 18 juin 2020, n° 1802394 :

Jugement TA