Abrogation des actes de droit souple : le juge flexible sur les vices de forme ou de procédure…

Les actes de droit souple connaissent révolution sur révolution. Voir :

Voir surtout notre mini-vidéo de 3 mn 49 :

https://youtu.be/moPk8paYT8s

 

Mais comme pour tout acte administratif réglementaire ou assimilé tel, et susceptible de recours, il y a au moins trois manières d’attaquer un acte de droit souple :

  • 1/ soit l’attaquer par un recours pour excès de pouvoir dans les délais légaux (qui par défaut sont de deux mois)
  • 2/ soit attaquer un acte d’application de cet acte de droit souple, en brandissant l’exception d’illégalité (effet domino) dudit acte de droit souple
  • 3/ soit en demander, pour l’avenir, l’abrogation (et au besoin attaquer en recours pour excès de pouvoir la décision explicite ou implicite refusant ladite abrogation).

 

Sauf que l’on sait depuis deux décisions du 18 mai 2018 qu’en cas d’exception d’illégalité (la solution 2/ ci-avant donc) :

« les requérants peuvent toujours critiquer la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, qui ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application, ainsi que la compétence de l’auteur de l’acte et l’existence d’un détournement de pouvoir. Ils ne peuvent en revanche remettre en cause à ce stade les conditions de forme et de procédure dans lesquelles cet acte a été édicté. »

Voir Conseil d’État, 18 mai 2018, n° 411045 et n° 411583 [2 esp. distinctes] que nous avions commentée ici. 

Et l’on retrouvait là une évolution qui n’est pas la conséquence immédiate des arrêts Danthony et Czabaj, mais qui s’inscrit dans une logique d’ensemble de faire prévaloir le principe de sécurité juridique sur celui de légalité, au moins pour certains vices de légalité externe jugés mineurs (ne changeant rien au résultat et ne privant nulle personne d’une garantie) et/ou un peu trop tardifs…

Voir CE Ass., 23 décembre 2011, Danthony, n°335033 (voir https://blog.landot-avocats.net/?s=danthony) et voir l’arrêt M. Czabaj  du Conseil d’Etat (13 juillet 2016, n°387763). 

Puis en ce domaine, une nouvelle étape a été franchie par un arrêt du Conseil d’État, n° 431255, lu le 24 février 2020 :

Ce genre de mouvement concerne de nombreux cas d’exception d’illégalité comme la délimitation du domaine public fluvial (CAA Nantes, 15 janvier 2021, n° 18NT04365 ; voir ici) ou l’urbanisme (CE, 24 mars 2021, n° 428462, à mentionner aux tables du recueil Lebon, voir ici).

Il était donc logique que, passé l’adoption d’un acte de droit (souple ou non), la flexibilité du juge que l’on retrouve en matière d’exception d’illégalité (solution 2/ ci avant)… finissent par se retrouver aussi pour la solution 3/ supra, à savoir les demandes d’abrogation. 

En ce domaine, quelques premières étapes furent franchies récemment :

  • pour un acte de droit souple, voir l’arrêt CE, 23 décembre 2020, n° 428284, publié au rec., voir ici
  • pour un acte réglementaire, par l’arrêt CE, Assemblée, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n° 414583, rec. p. 187... arrêt qui déjà posait que :
    • « Si, dans le cadre de la contestation d’un acte réglementaire par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour son application ou dont il constitue la base légale, la légalité des règles fixées par cet acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux. »

 

Rebouclons la boucle. Il était absolument logique et prévisible que le Conseil d’Etat posât, comme il le fit mercredi 7 juillet 2021, que (citons le résumé d’Ariane préfigurant celui des tables du rec.) :

« Si, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d’abroger un acte de droit souple,

1) la légalité du contenu de cet acte, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées,

2) il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.»

CQFD.

Source : Conseil d’État, 7 juillet 2021, n° 438712, à mentionner aux tables du recueil Lebon