Le Conseil d’Etat vient de rendre une nouvelle décision en matière de comptes de campagnes, dont il ressort :
- qu’une signature obligatoire par le(s) candidat(s), régularisable devant la CNCCFP, mais plus ensuite (I)
- que l’inéligibilité qui peut en résulter sera comme toujours appréciée au cas par cas… mais qu’en l’espèce persister à omettre de signer un compte de campagne, en dépit de rappels de la CCCFP, a pu en l’espèce valablement fonder une inéligibilité de 6 mois (II).
I. Une signature obligatoire par le(s) candidat(s), régularisable devant la CNCCFP, mais plus ensuite
Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision dont il ressort :
- que les candidats sont tenus de signer leur compte de campagne à la date de son dépôt afin de l’authentifier (en dépit du recours nécessaire à ce stade à un expert comptable :CE, 16 décembre 1992, n° 135834 139658, T. p. 997
- que cette obligation constitue une formalité substantielle
- mais qu’un éventuel manquement à cette obligation est :
- susceptible d’être régularisé devant la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) jusqu’à ce que celle-ci se prononce sur le compte,
- ne peut plus l’être (il est trop tard) devant le juge de l’élection.
II. Une inéligibilité modulée au cas par cas (ce qui est tout à fait confirmatif). Mais persister à omettre de signer un compte de campagne, en dépit de rappels de la CCCFP, a pu en l’espèce valablement fonder une inéligibilité de 6 mois
Reste que, conformément aux dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral relatif à l’inéligibilité prononcée par le juge en cas de violation des règles de tenue des comptes de campagne, le juge va trier entre péchés véniels et mortels ensuite pour sanctionner ceux qui auront méconnu ces obligations.
Pour en savoir plus sur les lois « Richard », ordinaire et organique n° 2019-1268 et n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, ayant modifié cet article, voir :
- Voici les textes des deux « lois Richard », visant « à clarifier diverses dispositions du droit électoral »
- Modification des règles d’inéligibilité touchant les membres du corps préfectoral
Le Conseil d’Etat a appliqué ce nouveau régime immédiatement pour la partie plus douce de ces textes :
- Source : CE, 9 juin 2021,Elections municipales et communautaires d’Apatou (Guyane), n° 447336 449019, à mentionner aux tables du recueil Lebon
- voir notre commentaire d’alors :
Le juge a donc dans le passé appliqué au cas par cas les sanctions en ce domaine. Voir :
- CE, 9 novembre 2021, n° 448318 et n° 448221 [2 esp. différentes) : voir ici ces décisions et notre article
- Conseil d’État, 10 novembre 2021, n° 450401, à mentionner aux tables du recueil Lebon (voir ici cette décision et notre article)
- Conseil d’Etat, 22 juillet 2022, n° 462037, à mentionner aux tables du recueil Lebon (arrêt important pour prendre en compte les spécificités du droit applicable, en ce domaine, en Guyane et en Martinique)
Dans cette nouvelle affaire, le Conseil d’Etat confirme donc qu’en dehors des cas de fraude, le juge de l’élection ne peut prononcer l’inéligibilité d’un candidat sur le fondement de l’article L. 118-3 du code électoral, dans sa version issue de la loi du 2 décembre 2019, que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales.
Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce et d’apprécier s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s’il présente un caractère délibéré.
En l’espèce, les candidats avaient procédé au dépôt de leur compte de campagne sans satisfaire à la formalité substantielle de signature de celui-ci puis ils s’étaient abstenus de donner suite à l’invitation à régulariser ce manquement que leur avait adressée la CCNFP.
Le Conseil d’Etat estime que ni la faiblesse des montants inscrits sur ce compte ni l’absence ou la régularisation d’autres irrégularités ne permettent, en l’espèce, de considérer que ce manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales ne revêtirait pas un caractère délibéré.
Par suite, le juge de l’élection a pu, valablement, estime le Conseil d’Etat, prononcer leur inéligibilité pour une durée de six mois.
Voici cette nouvelle décision du Conseil d’Etat :
Conseil d’État, 11 octobre 2022, n° 465708, à mentionner aux tables du recueil Lebon
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