Occupation foraine du domaine public et cirque juridique

Ah Marcel Campion (si si le type de la grande roue à Paris)… Le champion de l’outrance devenu champion du cirque juridique…. mais aussi le symbole de nombreuses difficultés qu’ont les mairies de toutes tailles avec le monde forain.

D’où l’intérêt de commenter (et de rappeler au passage l’état du droit…) ce qui à l’origine ne concerne qu’une commune : Paris.

Revenons en arrière.

1/

L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a introduit dans le CG3P les articles L. 2122-1-1 à L. 2122-1-4 qui imposent une procédure de sélection préalable à la délivrance de certains titres d’occupation du domaine public, lorsque leur octroi a pour effet de permettre l’exercice d’une activité économique.

Un certain nombre d’exclusions sont toutefois prévues, en particulier lorsque l’occupation du domaine public est de courte durée (2nd alinéa de l’article L. 2122-1-1). Dans cette hypothèse, le gestionnaire du domaine public peut se borner à procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, sans organiser de sélection.

2/

Une circulaire interministérielle a été diffusée cet été visant à adapter cette ordonnance aux besoins spécifiques des professionnels forains et circassiens (i.e. activités de cirques).

Cette circulaire estime, avec un optimisme procédural rafraichissant, que la procédure allégée est adaptée pour les autorisations d’une durée égale ou inférieure à quatre mois.

 

3/

Or, à Paris, la place de la Concorde porte mal son nom tant l’installation annuelle d’une grande roue sur ses abords sème chaque année la zizanie.

Sur cette place qui en a vu bien d’autres, notamment sous la révolution, il y a eu de nombreux litiges autour de cette grande roue, dont un par exemple sur les questions esthétique. Voir par exemple :

 

4/

Sauf qu’à force, M. Campion, qui s’est publiquement fâché avec la mairie de Paris et qui, entre deux paroles homophobes, a annoncé sa (possible) candidature à la magistrature suprême de ladite mairie, a décidé de passer du tour de manège au tour de passe-passe juridique.

Son avocat, grisé par les envolées stratosphériques des roues de son client, a trouvé une parade anti application du CG3P… anti mise en concurrence… anti pouvoir donné à la ville de Paris.

Devinez lequel ?

La place de la Concorde et/ou le jardin des tuileries n’appartiendrai(en)t pas à la Ville de Paris. Pas entièrement… On va jusqu’à convoquer ce pauvre roi Charles X (à ce sujet lire l’excellent roman que voici)  à cet effet.

Voir :

 

Est-ce loufoque ?

OUI si l’on voit que le forain (et son avocat ?) réclament du coup la propriété du bien par usucapion (prescription trentenaire). Il s’agit évidemment d’un domaine public, incessible et inaliénable. Tout de même…

PAS TOTALEMENT si l’on considère qu’il est possible alors que cette partie du bien relève en ce cas du domaine public de l’Etat et non du domaine public de la ville de Paris. Sauf que si l’on se plonge un peu dans les archives, nul doute qu’on finira par trouver un acte ou un autre reconnaissant un tel transfert sur l’ensemble des biens concernés (en général au fil des conventions diverses et variées on trouve cela).

DONC au total du cirque. Encore du cirque juridique.

Mais pour un juriste de droit public, il y a de la clownerie à voir une demande de prescription trentenaire sur du domaine public incontestable et fort loin d’être déclassé ou désaffecté, comme les Tuileries ou la place de la Concorde. 😂🤡

Pour un praticien, il y a là une illustration, certes outrée, des difficultés réelles, récurrentes, à inverser les relations avec les mondes forains et circassiens (en dépit de divers lieux d’échanges, voir par exemple ici) et de la souplesse de la circulaire précitée. Une relation qui a des hauts et des bas mais qui donne le tournis…

Mais tant qu’on verra des administrés et leurs avocats oser les arguments les plus gros, il nous restera l’arme d’en rire.