Quelles seront les conditions pratiques et sanitaires des futures audiences devant le juge administratif ?

Masques et gel (I), Garde des enfants des personnels (II), Protocoles sanitaires et plans de reprise d’activité (PRA) propres à chaque juridiction (III), visioconférences  et autres souplesses procédurales impactant la tenue des audiences (IV), points sanitaires et de déplacement des magistrats évoqués lors de la « réunion de dialogue social »  qui s’est tenue hier (V)… nombreux sont les points qui interrogent à la veille de la reprise des audiences des juridictions administratives de droit commun. Passons ces mesures en revue. 

 

I. Masques et gel

 

Les juridictions ont l’obligation de fournir de masques aux personnels desdites juridictions, mais aussi des avocats. Les mêmes règles sont prévues pour les gels, mais avec en quelque sorte une invitation aux avocats à se débrouiller. Voir :

 

 

II. Garde des enfants des personnels de ces juridictions

 

Les deux syndicats USMA et SJA convergent pour regretter que les enfants de ces personnels ne soient pas prioritaires dans les établissements scolaires. Voir ces tweets :Capture d’écran 2020-05-07 à 15.49.15.png

 

 

 

 

 

 

 

 

III. Protocoles sanitaires et plans de reprise d’activité (PRA) propres à chaque juridiction

 

Les juridictions préparent toutes leurs plans de reprise d’audiences et de déconfinement. Voir par exemple :

 

 

IV. Visioconférences  et autres souplesses procédurales impactant la tenue des audiences

 

Il est à rappeler que l’état d’urgence sanitaire devrait être prorogé jusqu’au 10 juillet, voire jusqu’au 23 juillet, 2020. Voir :

 

En application de la loi Covid-19 n° 2020-290 du 23 mars 2020, deux ordonnances ont été adoptées :

 

Ces ordonnances s’appliquent entre la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (ou la date de fin des prolongations de délais résultat dudit état d’urgence sanitaire, selon les cas).

Autrement dit, même sans ordonnance nouvelle, les dérogations au droit usuel, introduites par l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, continueront de s’appliquer :

  • audiences à huis clos ou en publicité restreinte (article 6) voire via tout moyen de communication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité, par tout moyen de communication électronique (article 7), avec quelques garanties toutefois ;
  • dispense pour le rapporteur public d’exposer des conclusions lors de l’audience (article 8) ;
  • possibilité de statuer sans audience sur des requêtes présentées en référé (article 9) ou sur les demandes de sursis à exécution (article 10)
  • etc.

 

V. Ce qui a été vu sur ce point lors de la « réunion de dialogue social »  qui s’est tenue hier

 

Voici les extraits d’un compte rendu de l’USMA (nous n’avons pas encore vu de texte du SJA à ce sujet ; ce ne saurait tarder) qui détaille le contenu de la « réunion de dialogue social » tenue hier :

« La gestion de la crise sanitaire et la reprise d’activité :

Alors que les lignes directrices fixées par le Conseil d’Etat ont été fixées en tenant compte d’un déconfinement général, les dernières annonces gouvernementales obligent les chefs de juridiction à se poser la question de savoir comment adapter les mesures de reprise d’activité à des départements qui ne connaissent pas les mêmes situations.

Pour mémoire, ces lignes directrices prévoyaient une reprise possible des audiences à compter du 11 mai, ainsi que :
la désinfection des locaux,
dans toute la mesure du possible, un maintien en télétravail jusqu’en septembre,
la mise à disposition de gel hydroalcoolique pour les personnes en contact direct avec le public,
le renvoi à des précisions ultérieures sur le port des masques.

Si le plan national de déconfinement n’est toujours pas connu, il paraît peu probable que la règle générale d’interdiction des déplacements au-delà de 100 km puisse par elle-même, juridiquement, s’opposer au fonctionnement des juridictions. En effet, alors que les déplacements étaient strictement interdits, les déplacements des magistrats pour raisons de service constituaient déjà l’un des cas dérogatoires autorisés. En cohérence, il semble donc acquis que les magistrats ne pourront se voir opposer la règle des 100 km lorsqu’ils devront participer à une audience, ou tout simplement pour venir en juridiction, pour notamment assister à une séance d’instruction ou mettre en état leurs dossiers.

En revanche, en cohérence avec les mesures gouvernementales annoncées, s’il sera possible de quitter un département en zone rouge pour se rendre dans un département en zone verte, l’inverse demeurera peu recommandé. Les écoles maternelles et élémentaires n’accueilleront pas la totalité des élèves, tandis que les collèges et les lycées resteront fermés. Il devra d’ailleurs en être tenu compte dans la charge des magistrats concernés.

Il y a également de fortes chances que le fonctionnement des juridictions soit impacté par les règles de déconfinement applicables en zone rouge. Si ce n’est pas le sens des dernières annonces gouvernementales, il n’est pas encore exclu que le déconfinement y soit même reporté.

S’agissant de la tenue des audiences :

Aucun déplacement ne doit venir alourdir le travail des services de réanimation, déjà fortement en tension.

Cependant, le siège et le ressort des juridictions doivent être distingués.

Une juridiction peut avoir son siège dans un département en zone verte, mais avoir un ressort couvrant des départements en zone rouge, ou l’inverse. Son ressort peut également intégralement se situer en zone verte, ou en zone rouge.

L’USMA a défendu l’idée que le fonctionnement des juridictions ne devait pas entrer en contradiction avec les objectifs prioritaires nationaux. Avec beaucoup de précaution, elle a avancé les hypothèses de travail suivantes :

1° Lorsque l’intégralité du ressort d’une juridiction se trouve en zone verte, l’USMA ne s’oppose pas à la mise en œuvre des plans de reprise, à la condition que l’ensemble des mesures prophylactiques préconisées par les lignes directrices du Conseil d’Etat puissent effectivement être mises en œuvre : gel hydro-alcoolique disponible à l’entrée des salles d’audience, mise à disposition ou disponibilité de masques pour tous, limitation à 10 le nombre de personnes présentes en salle d’audience.

2° A l’inverse, lorsque l’intégralité du ressort d’une juridiction se situe en zone rouge, l’USMA trouverait cohérent de subordonner toute reprise d’activité à la condition de ne pas remettre en tension des services hospitaliers. Il en va de même lorsque le siège de la juridiction se situe dans un département en zone rouge. Consciente des difficultés occasionnées par une reprise différée, l’USMA est sur ce point dans l’attente de précisions. Pourraient cependant être enrôlés les dossiers des collègues concernés par un mouvement de mutation ou une promotion, pour éviter qu’un travail de préparation ne soit inutilement perdu.

3° Lorsque le siège d’une juridiction se situe dans un département en zone verte mais que certains départements du ressort se situent en zone rouge, l’USMA préconise la tenue des audiences pour les seules affaires concernant les départements situés en zone verte, ainsi que les affaires concernant les départements situés en zone rouge pour lesquelles les parties, interrogées en ce sens, auraient fait part de leur choix de ne pas assister aux audiences.

Subsidiairement, l’USMA persiste dans sa demande tendant à ce que des audiences puissent, même partiellement, se tenir au moyen de dispositifs en visio, pour ceux des rapporteurs et des rapporteurs publics présentant une vulnérabilité particulière, résidant dans ces départements à risque, ou pour lesquels la venue en juridiction implique des transports en commun les exposant tout particulièrement. La solution aujourd’hui retenue, tenant à leur remplacement systématique par des collègues volontaires, induit un alourdissement considérable de la charge de travail des intéressés, fait perdre inutilement le travail des collègues empêchés, les oblige à reprendre les projets de décision après le délibéré, auquel ils n’auront donc pas participé.

Les arguments techniques avancés, tenant au secret du délibéré, ne nous ont pas convaincus.

Les présidents ayant un rôle à jouer en ce qui concerne la police de l’audience, l’USMA a convenu que leur situation apparaissait plus délicate.

S’agissant des personnels mobilisables :

Les lignes directrices prévoient un recensement des personnels en capacité de venir au tribunal en fonction de leur vulnérabilité, de leur éventuelle contagiosité ou de leurs obligations de garde d’enfants. Il semble nécessaire d’ajouter quelques critères à ce recensement.

Les personnels devant se rendre au travail par les transports en commun sont exposées à des difficultés et à un risque de contamination qui doit être pris en compte pour déterminer si leur présence est nécessaire.

Comme pour les justiciables, il n’est peut-être pas souhaitable que les magistrats, même s’ils pourront parcourir plus de 100 km pour venir à une audience, se déplacent d’un département de fort risque vers un département de moindre risque, que ce soit pour venir à l’audience ou rentrer chez eux.

Enfin, se posera, on l’espère à la marge, la question de la politique de confinement des membres d’une juridiction, en cas d’infection de l’un d’entre eux, ou d’un de ses proches.

S’agissant de la gestion du public :

Les plans de reprise d’activités des juridictions devront déterminer le nombre de personnes que leur salle d’audience peut accueillir, sur la base d’un espace de 4 m² par personne.

Ils doivent prévoir des lieux d’attente, avant l’accès à la salle d’audience, respectant les mêmes règles. Un sens de circulation dans les locaux doit être matérialisé afin d’éviter que les personnes ne se croisent. Il convient d’étudier la possibilité de faire des circuits différents pour le personnel et pour le public. Les plans doivent recenser les espaces d’instruction et de délibéré.

S’il n’apparaît pas possible, au vu de la configuration des lieux, d’avoir une organisation suffisamment sûre, les juridictions doivent pouvoir renoncer à la tenue d’audiences publiques.

S’agissant des bonnes pratiques en salle d’audience :

L’USMA rappelle que le virus se propage par des gouttelettes en suspension dans l’air, et qu’en conséquence, un lieu de parole clos, telle qu’une salle d’audience, doit susciter une vigilance particulière.

Le port du masque à l’audience ne doit pas être prohibé pour les membres de la juridiction. A ce titre, l’USMA demande que lui soient signalés les plans de reprise posant une difficulté sur ce plan. Les parties doivent également y être encouragées.

Une attention toute particulière doit être portée au cas des salles d’audience dites aveugles, ou ne disposant pas de possibilité d’aération naturelle, dès lors que les systèmes de ventilation et climatisation doivent en principe être arrêtés.

 […] »

 

Source : USMA : https://www.usma.fr/syndicat/compte-rendu-de-la-reunion-de-dialogue-social-du-6-mai-2020