I. Une jurisprudence après tant d’autres
Le juge administratif, notamment le TA de Lille, tente touche après touche, de caler l’état du droit en matière de mesures d’accueil à réserver aux migrants.
Il avait jugé (cliquer sur les items ci-dessous pour accéder aux articles correspondants au sein du présent blog) :
- qu’il y a matière d’une manière générale à ordonner des mesures matérielles provisoires, sans aller jusqu’à imposer un hébergement d’urgence (voir aussi à ce même sujet deux ordonnances du TA de Lille ici)
- et ce avec un minimum (voir par exemple Absence d’accueil des migrants à Calais : le CE confirme, ce matin, l’ordonnance du TA de Lille ainsi que Voici l’ordonnance que vient de rendre le TA de Lille sur les migrants à Calais)
- ce qui prohibe qu’il soit interdit par voie d’arrêté municipal, en tous cas de manière générale et absolue, de distribuer des repas aux migrants
- ou que l’on empêche ceux-ci de se doucher (voir Une commune peut-elle légalement bloquer l’accès de migrants à une douche en posant un container à cet effet ?)
- ce qui n’interdit pas de les expulser et, une fois l’expulsion de ces migrants exécutée, et leurs abris de fortune détruits, le juge a naturellement constaté qu’il n’y a plus lieu à statuer en référé suspension
- voir aussi : Le TA de Lille ordonne l’évacuation du campement de migrants de Grande Synthe
- voir encore : A quelle titre une commune peut-elle recevoir des injonctions du juge au titre d’un campement de migrants sis sur son territoire ?
- le juge va donc prendre en compte les questions salubrité et de sécurité et d’accueil des mineurs. Voir sur ces derniers points :
- une autre décision, toujours du TA de Lille : Le TA donne raison à la ville de Lille sur l’expulsion de migrants, conduisant à un corps de doctrine qui commence à être homogène en ce domaine
- mais aussi un arrêt important du Conseil d’Etat : Expulsion du domaine public et droits de l’enfant : mode d’emploi
II. La position du TA
De plus, les associations requérantes continuaient à distribuer des repas et des boissons à proximité du centre-ville.
L’interdiction édictée n’a donc eu pour seul effet de déplacer les lieux des distributions qu’elles assurent de quelques centaines de mètres seulement. … ce qui fait que l’arrêté ne conduit pas à constituer des conditions de vie indignes de nature à justifier la suspension en urgence de la mesure prise par le préfet du Pas-de-Calais pour des motifs de salubrité publique… ou si conditions de vie indigne il y a, cela ne tient pas à l’arrêté querellé.
Il n’est pas si fréquent que l’inefficacité d’un arrêté serve à défendre son caractère mesuré et, donc, in fine, sa légalité.
En droit, c’est logique.
En pratique, et notamment en pratique contentieuse, ce n’est pas sans quelque paradoxe, sur fond de misère humaine pour les réfugiés, d’une part, et de difficultés réelles pour les territoires considérés, d’autre part…
Source : TA Lille, ord., 22 septembre 2020, n° 2006511 :
2006511
III. La confirmation du Conseil d’Etat (mais sur l’urgence seule)
Le juge des référés du Conseil d’État a confirmé la décision du juge des référés du tribunal administratif de Lille de ne pas suspendre, en urgence, l’arrêté préfectoral interdisant aux associations de distribuer de la nourriture aux migrants dans certaines zones du centre-ville de Calais.
Le juge du Palais Royal, après celui de Lille, note :
- que cette interdiction n’empêche pas les associations de réaliser leurs missions à proximité immédiate du centre-ville.
- que l’interdiction de distribution est strictement limitée aux zones définies par le préfet.
- que l’État a mis en place, à l’est de l’agglomération, des points d’eau et des toilettes, et procède, par l’intermédiaire de l’association La vie active, à des distributions de boissons et de nourriture.
- que l’interdiction prononcée par le préfet ne prive pas les associations de la possibilité d’exercer leur mission, en dehors de la zone interdite par l’arrêté, y compris à proximité des lieux de vie des migrants.
- que l’interdiction ne peut en aucun cas être appliquée par les forces de police au-delà du périmètre défini.
Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État, qui ne s’est pas prononcé sur le caractère justifié et proportionné de l’interdiction, a estimé qu’il n’y avait pas d’urgence à ordonner, dans le délai de 48 heures prévu en matière de référé-liberté, la suspension de l’arrêté préfectoral.