Un pouvoir de police (tel que l’est l’adoption d’un arrêté du maire en matière de port de masques, par exemple) Les principes, en matière de pouvoirs de police restent ceux posés par le commissaire du Gouvernement Corneille (sur CE, 10 août 1917, n° 59855) : « La liberté est la règle et la restriction de police l’exception».
Il en résulte un contrôle constant et vigilant, voire sourcilleux, du juge administratif dans le dosage des pouvoirs de police en termes :
- de durée (CE Sect., 25 janvier 1980, n°14 260 à 14265, Rec. p. 44) ;
- d’amplitude géographique (CE, 14 août 2012, n° 361700) ;
- de contenu même desdites mesures (voir par exemple CE, Ass., 22 juin 1951, n° 00590 et 02551 ; CE, 10 décembre 1998, n° 107309, Rec. p. 918 ; CE, ord., 11 juin 2012, n° 360024…).
Autrement posé, l’arrêté est-il mesuré en termes : de durée, de zonages et d’ampleur, en raison des troubles à l’Ordre public, à la sécurité ou la salubrité publiques, supposés ou réels qu’il s’agit d’obvier .
On notera aussi l’importance de l’information, de la compréhension du message par le public, bref de la lisibilité du message comme critère, nouveau critère, de légalité des actes de police administrative.
Voir CE, ord. 6 septembre 2020, n°443750 (Bas-Rhin) et n°443751 (Lyon, Villeurbanne) et voir :
Plus largement, voir :
Au nom de cette lisibilité, il est arrivé que le juge admette des arrêtés peu nuancés en termes d’application dans le temps ou l’espace. Trop de complexité peut nuire à la simplicité du message et donc à son efficacité.
Mais tout de même, selon le TA de Châlons-en-Champagne, cet impératif de lisibilité ne conduit à pas nier la proportionnalité temporelle, géographique et matérielle qui s’impose toujours en matière de pouvoirs de police, et ce même en temps d’état d’urgence sanitaire.
Le Préfet de la Marne avait pris un arrêté étendant l’obligation du port du masque dans certaines communes de la Marne.
Ce dossier a une longue histoire locale. Déjà, le 8 septembre 2020, le préfet de la Marne avait obligé toute personne âgée de onze ans et plus, à porter un masque, tous les jours, sur l’ensemble du périmètre de la ville de Reims. Ce recours avait été rejeté par le TA de Châlons-en-Champagne par une ordonnance 2001818 du 10 septembre 2020 :
Mais par une autre ordonnance du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rendue le 17 septembre 2020 il a été jugé, concernant la ville de Reims que l’obligation du port du masque ne pouvait être générale dans cette agglomération.
Face à ce nouvel arrêté, le TA en référé vient de poser que :
- la seule préoccupation de rendre lisible la mesure édictée ne saurait permettre au préfet de s’abstenir, en retenant un unique critère de population, dont en outre le choix du seuil n’est pas justifié, d’examiner la situation de chacune des communes concernées.
- chiffres à l’appui, le préfet ne démontre pas le lien entre la baisse des cas et les mesures par lui adoptées
- l’arrêté contesté ne distingue pas vis-à-vis du territoire de ces communes la partie agglomérée de celle qui ne l’est pas, imposant, par suite, le port du masque dans les parties non urbanisées de ces communes, sans qu’il soit justifié de l’utilité de cette obligation.
Le juge des référés enjoint donc au préfet de prendre au plus tard le 2 décembre 2020 à 12h00, de nouvelles dispositions dans des conditions compatibles avec les motifs de la présente ordonnance et tenant compte de l’actuelle situation sanitaire.
Source TA Châlons-en-Champagne, 30 novembre 2020, n° 2002437 :