Par un arrêt à publier en intégral au recueil Lebon, hier, le Conseil d’Etat a précisé les règles applicables postérieurement à une clôture d’instruction, en cas de moyen (d’ordre public) soulevé d’office… et celles-ci s’avèrent fort strictes. En effet, le juge estime qu’un moyen soulevé d’office après la clôture d’instruction n’impose pas de rouvrir l’instruction de ce seul fait.
De même la réception d’observations des parties sur ce moyen, si elle entraîne l’obligation de les communiquer aux autres parties, n’impose pas en sus de rouvrir l’instruction sauf si une circonstance de fait ou un élément de droit, dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction, est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire. Et si, après cette clôture donc, le moyen communiqué n’est pas d’ordre public, alors le juge n’est pas tenu de se prononcer sur son bien-fondé même si une partie le reprend à son compte.
Plus précisément, la Haute Assemblée a ainsi posé que :
- lorsque, postérieurement à la clôture de l’instruction, le juge informe les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), que sa décision est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office (un moyen d’ordre public, ou MOP), cette information n’a pas par elle-même pour effet de rouvrir l’instruction.
- la communication par le juge, à l’ensemble des parties, des observations reçues sur ce moyen relevé d’office n’a pas non plus par elle-même pour effet de rouvrir l’instruction, y compris dans le cas où, par l’argumentation qu’elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen.
- la réception d’observations sur un moyen relevé d’office n’impose en effet au juge de rouvrir l’instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l’instruction, que si ces observations contiennent l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire et dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction.
- lorsqu’en réponse à la communication qui lui a été faite par le juge qu’un moyen était susceptible d’être relevé d’office, une partie présente, postérieurement à la clôture de l’instruction, une argumentation qui doit la faire regarder comme ayant expressément repris ce moyen, et qu’il s’avère que ce moyen n’avait pas à être relevé d’office, il n’y a pas lieu pour le juge de se prononcer sur son bien-fondé.
- lorsque les juges du fond statuent seulement, compte tenu des moyens dont ils sont saisis, sur l’existence d’une faute du service public hospitalier et que, ce faisant, ils écartent implicitement le moyen d’ordre public tiré de ce qu’une indemnisation devrait être accordée, au titre de la solidarité nationale, sur le fondement des dispositions de l’article L. 1142-21 du code de la santé publique (CSP), le juge de cassation ne saurait relever lui-même d’office ce moyen s’il implique de porter une appréciation sur les pièces du dossier soumis aux juges du fond. Il en va de même du moyen tiré de ce que les juges du fond auraient entaché leur décision d’irrégularité, faute d’avoir appelé d’office l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en la cause aux fins de pouvoir mettre à sa charge la réparation qui lui incombe au titre de la solidarité nationale.
Source : CE, S., 25 janvier 2021, n° 425539, publié au recueil Lebon :
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-01-25/425539
Voir :
- En 1e instance, un TA omet de soulever un moyen d’ordre public. Est-ce que cela entache le bien fondé du jugement ou sa régularité même, aux yeux du juge d’appel ?
- Le CE affine sa jurisprudence sur les moyens d’ordre public en plein contentieux
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