Déchets : après trois morts et deux renaissances… quand le Tri mécano-biologique (TMB) est-il encore juridiquement défendable ? [SUITE au JO de de ce matin]

Mise à jour au 22/4/2022

Le Conseil constitutionnel valide la résurrection partielle du TMB. Clap de fin d’une saga juridique en forme de comédie parfois drolatique. Avec le TMB dans le rôle d’un mort-vivant.  


 

 

Le tri mécano-biologique (TMB) aura connu, non pas 4 mariages et 1 enterrement… mais 3 morts et 2 renaissances (!) dont une avec la loi AGEC et un décret en date du 30 juin 2021…. puis avec, au JO de ce matin, un arrêté qui complète l’édifice et permet enfin de trier, réellement, ceux des TMB qui ont le droit, ou non, de ressusciter (voire de naître). 

Passons tout ceci en revue.

 

I. Premier semi-enterrement, au Parlement, en 2015

 

La loi pour la transition énergétique et pour la croissance verte (LTECV), n° 2015-992 du 17 août 2015, dite « loi Royal », ne mettait pas à mort le TMB, lequel avait connu bien des déboires en France sur de nombreux sites, mais on s’en rapprochait.

Le I de l’article L. 541-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de cette loi, définissait les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets, en posant notamment par son 4°, que :

« (…) La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics (…). »

Donc cette loi était claire sur l’interdiction des aides publiques en ce domaine, mais pas sur une réelle illégalité du recours à ce mode (lequel risquait vite en revanche d’être entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, en dépit du caractère limité du contrôle du juge sur les choix techniques opérés).

 

II. Deuxième enterrement, à Pau

 

Le 30 décembre 2015, quand d’autres s’apprêtaient à enterrer l’année 2015, sonnait le premier glas du tri mécano biologique. Voir :

Le Tri mécano-biologique (TMB) est-il juridiquement condamné pour les installations nouvelles ?

Comme nous l’écrivions, en effet, alors, un jugement n°1402450-2 en date du 15 décembre 2015 du TA de Pau, avec un raisonnement et des formulations hardies, enfouissait quasiment ce mode de traitement des déchets ménagers et assimilés (i.e. déchets non dangereux), dans les poubelles de l’histoire… et ce au moins pour les installations nouvelles, notion que le juge avait, au passage, défini de manière extensive.

Le TA de Pau avait ainsi notamment posé que :

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Pour accéder au jugement intégral :

Ce jugement était hardi… au point de se fonder sur un moyen qui n’avait pas été vraiment soulevé par les parties et qui n’était pas d’ordre public.

Que le juge ne pouvait déterrer et recycler de son propre chef, donc. C’est que ça peut être joueur, un TA.

 

III. Troisième enterrement, à Bordeaux

 

L’appel ne fut guère plus favorable aux derniers défenseurs du tri mécano-biologique : faute de prévoir du recyclage, du tri, l’installation, jugée nouvelle, est également censurée à hauteur d’appel par un arrêt sévère :

« Il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires, que la préférence ainsi accordée à la généralisation du tri à la source doit, en principe, conduire l’autorité administrative à rejeter les demandes d’autorisations de nouvelles installations de tri mécano-biologique.

« 10. En l’espèce, l’unité de valorisation de déchets non dangereux par tri mécano biologique que le SMTD 65 a été autorisé à exploiter à Bordères-sur-l’Echez, a vocation à se substituer à l’installation de stockage située à Benac qui reçoit l’intégralité des ordures ménagères résiduelles du département des Hautes-Pyrénées sans qu’elles ne fassent l’objet d’aucune valorisation ou recyclage. Elle constitue une unité nouvelle au sens des dispositions précitées dès lors que le syndicat mixte ne peut se prévaloir d’aucune autorisation d’exploiter antérieure à celle du 3 octobre 2014 dont la légalité est contestée.»

Voici cet arrêt en version intégrale :

CAA Bordeaux, 14 novembre 2017, Société Vinci Environnement – Syndicat mixte de traitement des déchets des Hautes-Pyrénées, n° 16BX00688, 16BX00690, 16BX00699, 16BX00700

 

IV. Une résurrection à durée limitée à Paris (Conseil d’Etat)

 

Le Conseil d’Etat a fini par censurer cet arrêt bordelais au motif que cette semi prohibition du TMB, qui en droit n’en est même pas une à vrai dire, ne saurait s’appliquer aux unités de TMB antérieures à la promulgation de la loi. Citons le résumé de Légifrance et d’Ariane qui d’ordinaire annonce celui du rec. :

« l résulte des termes du I de l’article L. 541-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, éclairés par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de cette loi, que le législateur n’a entendu viser que la création, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères. Il s’ensuit que les objectifs ainsi fixés par la loi ne sauraient, en tout état de cause, s’appliquer à des installations de tri ayant été autorisées avant le 19 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015.»

Les unités anciennes furent donc sauvées des eaux, pour celles qui ne se sont pas noyées dans les difficultés juridico-financières depuis leur construction…

Conseil d’État, 6ème et 5ème chambres réunies, 26/06/2019, 416924

 

V. Seconde résurrection avec la loi AGEC puis avec le décret du 30 juin dernier

 

La Secrétaire d’Etat d’alors, Mme Brune Poirson avait précisé au Congrès d’Amorce que le TMB pour les déchets résiduels après tri à la source des biodéchets serait autorisé :

« pour le résiduel du résiduel. […] si tous les leviers du tri à la source des biodéchets ont été activés, alors oui, il est préférable de valoriser les biodéchets résiduels que de les brûler ou de les enfouir. »

Ceci s’est donc retrouvé au sein de la loi 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (NOR : TREP1902395L), dite loi AGEC. Voir :

 

Avec cet article 90 de la loi :

 

A été ensuite publié le décret n° 2021-855 du 30 juin 2021 relatif à la justification de la généralisation du tri à la source des biodéchets et aux installations de tri mécano-biologiques (NOR : TREP2100563D) :

Ce texte définit les modalités de justification de la généralisation du tri à la source des biodéchets en vue de l’autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l’augmentation de capacités d’installations existantes ou de leur modification notable.
Ce décret, ainsi que son (futur) arrêté d’application, ne concernent que les installations de tri mécano-biologiques effectuant une valorisation (énergétique et/ou organique) de la fraction fermentescible des ordures ménagères, ces dernières pouvant constituer une contre-incitation au tri à la source des biodéchets.

Pour être autorisée à faire réceptionner ses déchets dans une installation de tri mécano-biologique telle que définie ci-dessus, la collectivité, l’EPCI ou, lorsque la compétence lui a été transférée en application de l’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, le groupement compétent en matière de collecte justifie auprès de l’exploitant ou du pétitionnaire du respect de l’un des trois critères (de moyen et/ou de performance) de généralisation du tri à la source des biodéchets.

Les modalités de calcul de certains des critères sont quant à elles fixées dans l’arrêté pris en application du R. 543-227-2 du code de l’environnement (voir ci-après « VI.»).

Les pièces justificatives ainsi fournies par la collectivité sont ensuite transmises par l’exploitant ou le pétitionnaire à l’autorité administrative compétente, dans le cadre, selon le cas, du dossier de demande d’autorisation environnementale ou du porter à connaissance. La justification du respect de ces critères doit être renouvelée selon les fréquences définies par le décret.

VI. Les paramètres de calcul, au JO de ce matin

C’est au JO de ce 20 août 2021 qu’a été publié l’arrêté … du 7 juillet 2021 pris en application de l’article R. 543-227-2 du code de l’environnement (NOR : TREP2100571A) :

L’objectif de cet arrêté dans la foulée de la loi AGEC et du décret du 30 juin 2021 est de préciser les modalités de calcul de différents paramètres prévus au titre de l’article R. 543-227-2, notamment la part de la population INSEE desservie par une solution de tri à la source, les seuils de production d’ordures ménagères résiduels à respecter en fonction de la typologie de la collectivité et le seuil applicable à la quantité de biodéchets restants dans les ordures ménagères résiduelles.

Voici ce texte :

  • Au titre du présent arrêté, sont définies comme :
    « Communes rurales » : les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants permanents.
    « Communes urbaines » : les communes dont la population est égale ou supérieure à 5 000 habitants permanents.
    « Communes urbaines denses » : les communes dont la population est égale ou supérieure à 50 000 habitants permanents.
    « Communes touristique (hors urbaines denses) » : les communes dont la population est inférieure à 50 000 habitants permanents et qui remplissent au moins l’un des trois critères suivants :

    – plus d’1,5 lit touristique par habitant ;
    – un taux de résidences secondaires supérieur à 50 % ;
    – au moins 10 commerces pour 1 000 habitants.

  • Les dispositifs permettant un tri à la source des déchets alimentaires ou de cuisine mentionnés au a du 1° du III de l’article R. 543-227-2 du code de l’environnement sont :

    – les installations de compostage domestique individuel, présentes chez les particuliers et utilisées pour leur propre compte ;
    – les installations de compostage partagé accessibles aux particuliers ;
    – la collecte séparée des déchets alimentaires ou de cuisine en porte à porte ou en apport volontaire.

    La part de la population, exprimée en pourcentage, étant desservie par au moins un dispositif technique de tri à la source des déchets alimentaires ou de cuisine est égale à la somme de la population équipée d’une installation de compostage domestique individuel, de la population ayant accès à une installation de compostage partagé et de la population desservie par un service de collecte séparée des déchets alimentaires ou de cuisine, divisée par la population totale. Les habitants ayant accès à plusieurs dispositifs de tri à la source ne peuvent être comptés qu’une seule fois.
    La population équipée d’une installation de compostage domestique individuel est :

    – calculée à partir du nombre de composteurs individuels distribués par la collectivité ou le groupement de collectivité depuis moins de 10 ans, multiplié par la taille moyenne d’un foyer local ; ou
    – estimée par le biais d’un sondage auprès d’un échantillon d’habitants représentatif du territoire permettant de connaître la part de la population pratiquant le compostage individuel de leurs biodéchets.

    La population ayant accès à une installation de compostage partagé est calculée de la manière suivante :

    – pour les installations situées en pied d’immeuble, peuvent être comptabilisés tous les habitants de l’immeuble, sous réserve d’une capacité totale suffisante du composteur fixée à au moins 60 L par habitant. La capacité totale intègre à la fois le volume des bacs d’apport, des bacs de stockage du structurant ainsi celui des bacs de maturation ;
    – pour un compostage de quartier, peuvent être comptabilisés tous les habitants situés dans un rayon de 250 m autour de l’installation, sous réserve d’une capacité totale suffisante du composteur fixée à au moins 60 L par habitant. La capacité totale intègre à la fois le volume des bacs d’apport, des bacs de stockage du structurant ainsi celui des bacs de maturation.

    La population desservie par un service de collecte séparée des déchets alimentaires ou de cuisine correspond à la population équipée d’un bac de collecte des biodéchets ou située à proximité d’un point d’apport volontaire de biodéchets, dans les limites suivantes :

    – pour les communes rurales : maximum 250 habitants par point d’apport volontaire ;
    – pour les communes urbaines : l’ensemble des habitants situés dans un rayon de 500 m autour du point d’apport volontaire ;
    – pour les communes urbaines denses et les communes touristiques (hors urbaines denses) : l’ensemble des habitants situés dans un rayon de 250 m autour du point d’apport volontaire.

  • Le seuil de production d’ordures ménagères résiduelles mentionné au b du 1° du III de l’article R. 543-227-2 du code de l’environnement est calculé en fonction de la typologie des communes qui constituent la collectivité ou le groupement en charge de la collecte.
    Il correspond à la somme, sur l’ensemble des communes de la collectivité ou le groupement en charge de la collecte, de la quantité maximale de production d’ordures ménagères résiduelles par commune, calculée pour chaque commune comme la multiplication du nombre d’habitants de la commune par le seuil par habitat défini ci-après selon la typologie de la commune :

    – pour les communes rurales : 140 kg par habitant ;
    – pour les communes urbaines : 160 kg par habitant ;
    – pour les communes urbaines denses : 190 kg par habitant ;
    – pour les communes touristiques (hors urbaines denses) : 250 kg par habitant.

    Par dérogation, pour les autorisations et augmentations de capacité de nouvelles installations tri mécano-biologiques délivrées avant le 1er janvier 2025, et les modifications notables d’installations existantes de tri mécano-biologiques notifiées avant le 1er janvier 2025, le seuil par habitant pour les communes situées dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, est défini ci-après :

    – pour les communes urbaines : 190 kg par habitant ;
    – pour les communes urbaines denses : 220 kg par habitant.

     

  • La quantité de biodéchets détournés des ordures ménagères résiduelles au moyen du tri à la source en kg par habitant, telle que mentionnée au 3° du III de l’article R. 543-227-2 du code de l’environnement, correspond à la différence entre les quantités de biodéchets présents dans les ordures ménagères résiduelles respectivement, initialement et après mise en place du tri à la source des biodéchets.
    La quantité de biodéchets présents initialement est obtenue en sommant, d’une part, la quantité présente dans les ordures ménagères résiduelles constatée lors de la réalisation de la première caractérisation effectuée en application du présent article, et, d’autre part, lorsque des solutions de tri à la source des biodéchets ont déjà été mises en place, la quantité de biodéchets déjà détournée.
    La quantité de biodéchets déjà détournée est obtenue en multipliant le nombre d’habitants déjà desservis par une solution de tri à la source, calculé conformément à l’article 2 du présent arrêté, multiplié par la valeur de 39 kg par habitant.

  • Toute collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale ayant recours à une étude de caractérisation de ses ordures ménagères résiduelles doit être en mesure de justifier de la pertinence et de la fiabilité de cette étude, conformément à la méthodologie définie par le guide de caractérisation des déchets ménagers et assimilés de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

  • […]

Tri-mécano biologique (TMB) : schéma explicatif de l’ADEME