L’inscription sur les listes électorales et, plus largement, les régimes de votation, varient beaucoup d’un pays l’autre :
Mais les choses se dématérialisent progressivement (REU, procurations…) :
- De la situation électorale à la candidature, en passant par les attestations d’inscription sur les listes électorales… tout est en ligne (évitant pour ces dernières d’inutiles formalités en mairie…)
- Répertoire électoral unique / listes électorales : deux arrêtés au JO de ce matin (pour le volet électronique de cette réforme)
- Listes électorales / répertoire électoral unique : ce qui change en 2019
- Mise à jour de l’instruction relative à la tenue des listes électorales complémentaires
- Vote des personnes détenues, vote avec le permis rose… suite des réformes électorales
- Procurations pour les élections régionales et départementales de 2021 : survol du droit applicable [VIDEO]
- Vote par procuration : après les lois, les décrets, les arrêtés… voici (fort heureusement) l’instruction
- Le service de télé-inscription sur les listes électorales fait peau neuve
- Elections : le dispositif est prêt pour les procurations en ligne [suite ; abrogation et remplacement de l’arrêté du 31 mars 2021]
- Elections : une instruction sur les procurations en ligne
- etc.
Deux décrets, n° 2021-1740 et n° n° 2021-1739, ont encore, récemment été adoptés le 22 décembre 2021. Voir :
Et de l’un de ces deux décrets nait un problème, un hiatus, une faille spatio-temporelle dans laquelle les juristes se perdent un peu.
L’article L. 17 du code électoral dispose que « les demandes d’inscription sur les listes électorales, en vue de participer à un scrutin, sont déposées au plus tard le sixième vendredi précédant ce scrutin. »
Mais le nouvel article R. 5 dudit code (modifié par le décret 2021-1740 précité) dispose désormais, en son dernier alinéa, qu’en cas d’usage de la téléprocédure, pour l’application dudit article L. 17 du code électoral aux élections générales (dont celles à venir en 2022 donc… mais on peut se poser justement des questions sur l’élection présidentielle, voir ci-après en fin d’article) :
« […] les demandes d’inscription sur les listes électorales en vue de participer à un scrutin effectuées au moyen de la téléprocédure mentionnée au premier alinéa sont déposées au plus tard le sixième mercredi précédant ce scrutin à minuit, heure légale. »
Soit deux jours d’écart.
M. Benjamin MITTET-BRÊME, Directeur des affaires générales, de l’état civil et du cimetière du Pré-Saint-Gervais, a eu la bonne idée de nous le signaler et nous avons voulu lui poser des questions à ce sujet.
Voici ses réponses, assorties de nos remerciements :
La dématérialisation fait-elle marche arrière ?
« Oui en quelque sorte. Dans le mouvement de réforme de la liste électorale (répertoire électoral unique), le législateur a entendu simplifier la vie des électeurs pour leurs inscriptions sur les listes électorales. En effet, là où il était de tradition de devoir s’inscrire au plus tard au 31 décembre précédant une élection, le législateur permet depuis 2019 de s’inscrire jusqu’au 6ème vendredi qui précède un scrutin. Mais, par un décret du 22 décembre 2021, le ministère de l’intérieur entend remettre en cause partiellement cette facilité, pour les usagers ayant recours à l’inscription en ligne… »
Pouvez vous au passage rappeler les raisons des ces délais dans leur principe même ?
« Là où certains se demandent encore pourquoi un délai si long entre la fin des inscriptions et l’élection, la réponse se trouve dans les vicissitudes du contentieux électoral. En effet, les inscriptions sur les listes électorales sont aujourd’hui acceptées ou refusées par les maires des communes.
« En cas de refus, l’électeur peut faire recours devant une commission qui examinera les motifs du refus. De même, cette commission examinera toutes les inscriptions et pour revenir sur les décisions du maire. Et tout cela pourra aboutir devant le tribunal de proximité. En d’autres termes, afin de garantir à chaque électeur le droit d’être inscrit, la loi à entendu laisser du temps aux voies de recours. »
Sauf que, là, le numérique va moins loin que le papier ?
« Oui. Le Ministère de l’intérieur, comme cela est de coutume, est venu peaufiner le droit électoral à quelques jours de noël. En particulier, il a profondément modifié les règles relatives aux procurations, de sorte que l’électeur doit voir sa situation facilitée.
« Mais, dans le même temps, il a ajouté l’alinéa que vous avez mentionné à l’article R. 5 du code électoral. Cet alinéa nous dit donc que :
« Pour l’application de l’article L. 17 du code électoral aux élections générales, les demandes d’inscription sur les listes électorales en vue de participer à un scrutin effectuées au moyen de la téléprocédure mentionnée au premier alinéa sont déposées au plus tard le sixième mercredi précédant ce scrutin à minuit, heure légale. »
« Cela veut donc dire qu’un électeur qui se présente à la mairie ou fait parvenir son inscription par courrier pourra encore s’inscrire jusqu’au 6ème vendredi. Mais s’il envoie sa demande par téléprocédure, il dispose de deux jours de moins.
« On comprend mal le retour en arrière du ministère de l’intérieur ; sauf à imaginer que ce soit des craintes sur les capacités des systèmes informatiques de l’Etat et de leur éventuelle saturation qui se retranche là.
« Et concrètement, quelle mairie pourra appeler un électeur en lui disant “vous venez de vous inscrire en ligne, mais c’est trop tard, sauf si venez me déposez ces mêmes documents”. Pour la simplification, l’on repassera. å
Le décret pouvait-il sans méconnaître la formulation législative prévoir une telle distinction ? Et selon vous ce régime s’applique-t-il à toutes les élections à venir ?
« Le lecteur prudent pourra, sur ce point, avoir deux doutes.
« En premier lieu, comment un article de la partie réglementaire du code électoral (R. 5) peut venir restreindre les droits prévus par l’article L. 17 du code électoral. La pyramide de Kelsen serait-elle devenue un entonnoir ?
« Mais également, en second lieu, on remarquera que cet article évoque les élections générales… mais qu’il se trouve dans la partie réglementaire du code électoral consacré à toutes élections générales, sauf l’élection présidentielle. Alors, cela doit-il s’appliquer à l’élection qui anime tous les médias actuellement ? »