Avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014, sauf à avoir la compétence PLU, un EPCI à fiscalité propre était fort dépourvu si la commune refusait de reverser une fraction de la TLE ou de la TA par elle retenue… Plus précisément, une affaire concernant une communauté de communes bourguignonne, étalée sur 8 ans de contentieux, nous apporte deux enseignements :
- I. En 2020, le Conseil d’Etat confirme que le délai indicatif d’un an de la jurisprudence Czabaj ne s’applique pas aux contentieux en responsabilité entre communautés et communes sur les reversement de TLE et de taxe d’aménagement
- II. En 2022, sur le fond, le Conseil d’Etat confirme la position de la CAA qui ne voit dans la captation de ces recettes fiscales par la commune, ni enrichissement sans cause, ni responsabilité pour faute. Conclusion : la position de la Communauté de communes est faible, faute pour celle-ci d’avoir la compétence PLU (ou peut-être faute pour celle-ci d’avoir alors attaqué en recours pour excès de pouvoir la décision de la commune refusant de conclure un accord, mais ce point pourrait être débattu). Ceci dit, cette décision n’a d’intérêt que pour certaines affaires anciennes, car le droit a sur ce point changé depuis la loi de finances pour 2014
En 2014, une communauté de communes saisit un TA pour qu’une de ses communes membres soit condamnée à lui verser une somme en réparation du préjudice résultant du refus de cette commune de lui reverser la taxe locale d’équipement (TLE) et la taxe d’aménagement qu’elle a prélevées auprès de titulaires de permis de construire.
Il en résulta 8 ans de contentieux formant une série à rebondissements dont deux étapes sont à noter en droit.
I. En 2020, le Conseil d’Etat confirme que le délai indicatif d’un an de la jurisprudence Czabaj ne s’applique pas aux contentieux en responsabilité entre communautés et communes sur les reversement de TLE et de taxe d’aménagement
Cette requête a été rejetée par ordonnance du Président du TA au motif que la communauté, dans ce recours en responsabilité, avait engagé ce recours plus d’un an après le rejet de la réclamation formée, par cette communauté, auprès de cette commune. Elle était donc tardive.
En appel, cette position du juge de première instance a été confirmée.
En 2020, le Conseil d’Etat a alors rappelé la règle de base de l’arrêt Czabaj (voir ici) :
« 2. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d’une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s’il entend obtenir l’annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an.»
Mais c’est immédiatement pour rappeler que ceci ne s’applique pas en contentieux de la responsabilité :
« Toutefois, cette règle ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique qui, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés.»
« La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique.»
Voir déjà CE, 17 juin 2019, n° 413097 (voir ici — pour une vidéo large incluant cette décision — et , surtout, là).
Bref, le délai était celui de la prescription applicable en l’espèce et non le délai indicatif d’un an résultant de la jurisprudence Czabaj.
Source :
II. En 2022, sur le fond, le Conseil d’Etat confirme la position de la CAA qui ne voit dans la captation de ces recettes fiscales par la commune, ni enrichissement sans cause, ni responsabilité pour faute. Conclusion : la position de la Communauté de communes est faible, faute pour celle-ci d’avoir la compétence PLU (ou peut-être faute pour celle-ci d’avoir alors attaqué en recours pour excès de pouvoir la décision de la commune refusant de conclure un accord, mais ce point pourrait être débattu). Ceci dit, cette décision n’a d’intérêt que pour certaines affaires anciennes, car le droit a sur ce point changé depuis la loi de finances pour 2014
En 2021, la CAA de Lyon, a eu à connaître du fond de cette affaire, cette fois. Passons rapidement sur une QPC alors déposée, pour nous concentrer sur le fond de cette affaire.
La communauté de communes voyait, dans la perception par la commune de la taxe locale d’équipement et de la taxe d’aménagement, un enrichissement sans cause.
Ce raisonnement est rejeté car la Cour a vu dans ses impôts, non pas des redevances mais des impôts. Faute d’être fléchés vers les services rendus par la communauté de communes sur cette ZAE, nul enrichissement sans cause n’était à constater en l’espèce selon la CAA :
« Ces taxes, qui n’ont pas spécifiquement pour objet de financer les équipements publics et aménagements de la ZAE dans le périmètre de laquelle les autorisations sont délivrées, ne trouvent pas leur contrepartie dans l’utilisation des équipements et ouvrages présents dans cette zone. Par suite, la communauté de communes de la Plaine dijonnaise ne démontre pas qu’en percevant, à l’occasion de la délivrance des permis de construire dans la ZAE, la taxe locale d’équipement puis ensuite, la taxe d’aménagement, la commune de F. se serait enrichie sans cause à son détriment.»
Quand on sait à quel point dans d’autres domaines (la TEOM par exemple) le juge n’hésite pas à estimer que les impôts dédiés sont des impôts fléchés, on notera à quel point souvent juge varie et fol qui s’y fie. Mais l’explication sur ce point est sans doute à chercher dans le fait que les taxes ne couvraient (certes, comme à l’accoutumée) pas l’ensemble des dépenses de toute manière, ce point étant mentionné au point 20 de l’arrêt de la CAA.
Est rejeté aussi le moyen de la responsabilité pour faute. En effet, un accord s’imposait pour qu’il y ait reversement, sauf si la communauté avait la compétence PLU. Peut-être (mais ce point peut être discuté) la communauté aurait-elle gagné si elle eût attaqué en recours pour excès de pouvoir la décision de la commune refusant de conclure un accord (puisque le CGCT impose la conclusion d’un accord sur les transferts des biens dans les ZAE, le principe d’un accord financier global pourrait être défendu, sans certitude). Voici ce qu’écrivait la CAA :
« 18. La communauté de communes […] fait valoir […] que le refus de la commune est illégal au regard respectivement de l’article 1635 bis B du code général des impôts et de l’article L. 331-2 du code de l’urbanisme, qui doivent être interprétés à la lumière de l’article L. 331-1 du code de l’urbanisme comme imposant à la commune, lorsque l’établissement public de coopération intercommunale a en charge la réalisation des équipements publics, le reversement des taxes à l’établissement public de coopération intercommunale.
« 20. L’article 1635 bis B du code général des impôts subordonne la possibilité pour un établissement public de coopération intercommunale de percevoir la taxe locale d’équipement en lieu et place des communes à ce qu’une telle décision soit prise avec l’accord des conseils municipaux concernés, sauf si le produit de la taxe constitue une recette dudit établissement public en vertu du statut de celui-ci. L’article L. 331-2 du code de l’urbanisme prévoit que la taxe d’aménagement est perçue par l’établissement public de coopération intercommunale lorsqu’il est compétent en matière de plan local d’urbanisme en lieu et place des communes qu’ils regroupent et avec leur accord. En l’espèce, aucun accord n’ayant été donné par les communes et la communauté de communes […] n’étant pas compétente en matière de plan local d’urbanisme, seule la commune de F. était compétente pour instituer et percevoir la taxe locale d’équipement. […]. »
Ceci dit, cette décision n’a d’intérêt que pour certaines affaires anciennes, car le droit a sur ce point changé depuis la loi de finances pour 2014 (article 89 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013).
Voir sur ce point les dispositions de l’article L. 331-2 du code de l’urbanisme, ainsi rédigé à ce jour :
« La part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement est instituée :
1° De plein droit dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, sauf renonciation expresse décidée par délibération dans les conditions prévues au neuvième alinéa ;
2° Par délibération du conseil municipal dans les autres communes ;
3° De plein droit dans les communautés urbaines, les métropoles et la métropole de Lyon, sauf renonciation expresse décidée par délibération dans les conditions prévues au neuvième alinéa ;
Le présent 3° n’est pas applicable à la métropole du Grand Paris ;
4° Par délibération de l’organe délibérant dans les autres établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d’urbanisme en lieu et place des communes qu’ils regroupent et avec leur accord exprimé dans les conditions prévues par le II de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales.
La taxe mentionnée aux 1° à 4° est instituée sur l’ensemble du territoire de la commune ou dans l’ensemble des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale ou situées dans le périmètre de la métropole de Lyon.
Dans les cas mentionnés aux 1° et 2°, tout ou partie de la taxe perçue par la commune est reversé à l’établissement public de coopération intercommunale ou aux groupements de collectivités dont elle est membre, compte tenu de la charge des équipements publics relevant, sur le territoire de cette commune, de leurs compétences, dans les conditions prévues par délibérations concordantes du conseil municipal et de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités.
Dans les cas mentionnés aux 3° et 4°, une délibération de l’organe délibérant prévoit les conditions de reversement de tout ou partie de la taxe perçue par l’établissement public de coopération intercommunale ou la métropole de Lyon à ses communes membres ou groupements de collectivités compte tenu de la charge des équipements publics relevant de leurs compétences.
Les délibérations par lesquelles le conseil municipal, le conseil de la métropole de Lyon ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale institue la taxe, renonce à la percevoir ou la supprime sont valables pour une durée minimale de trois ans à compter de leur entrée en vigueur.
Nonobstant leur durée initialement prévue, les délibérations mentionnées au dixième alinéa renonçant à percevoir la taxe, ou la supprimant, prises par les conseils municipaux ou, le cas échéant, par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale participant à la création d’une commune nouvelle, demeurent applicables uniquement la première année suivant celle au cours de laquelle l’arrêté portant création de la commune nouvelle a été pris.
Le produit de la taxe est affecté en section d’investissement du budget des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. A l’exclusion de la fraction prévue à l’avant-dernier et au dernier alinéa de l’article L. 331-3, le produit de la taxe est affecté en section d’investissement du budget principal de la métropole de Lyon et de la Ville de Paris.»
NB : on ajoutera que désormais la taxe d’aménagement a vu son régime fortement évoluer, avec en sus une gestion désormais par la DGFiP : voir https://blog.landot-avocats.net/?s=taxe+d%27aménagement+
Or, le Conseil d’Etat, cet été, a rejeté le recours en cassation contre cette décision de la CAA de Lyon :
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