Données à fournir par les radios et télévisions : l’ARCOM est fondée, en droit, à privilégier une vision large de la notion de « personnalités politiques »

Les radios et télévisions doivent transmettre à l’ARCOM des « données relatives aux temps d’intervention des personnalités politiques ». Dans ce cadre, l’ARCOM (autrefois le CSA) est bien fondée à incorporer dans cette notion de « personnalités politiques » des personnes qui ne sont plus élues ou engagées politiquement, mais qui soit l’ont été de fraiche date, soit visiblement aspirent à retourner dans cette arène. Et, sur les listes de proscrits qui en résultent, le contrôle du juge se limite, logiquement, à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. 

 

Le second alinéa de l’article 13 de la loi (dite Léotard) 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication organise un régime au titre duquel :

« Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes [au CSA, désormais à l’ARCOM, selon les conditions de périodicité et de format que l’autorité détermine à chaque pour celle-ci de communiquer ] chaque mois aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. »

Dans ce cadre, par une délibération du 3 mars 2021, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu au 1er janvier 2022 l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), a demandé aux éditeurs de services de communication audiovisuelle de « décompter intégralement les temps d’intervention dans les médias audiovisuels » de Mme A… B… et de MM. Nicolas Hulot, Laurent Joffrin, Arnaud Montebourg et Manuel Valls.

La société Groupe Canal Plus, la société d’édition Canal Plus, la société C8 et la société d’exploitation d’un service d’information ont attaqué cette délibération.

En réponse, le Conseil d’Etat vient de confirmer que :

« […] en retenant, par la délibération attaquée, que doivent être décomptés les temps d’intervention des cinq personnes qu’elle désigne, le CSA ne s’est pas fondé, contrairement à ce qui est soutenu, sur la délibération du 22 novembre 2017 citée au point 2, mais sur les dispositions du second alinéa de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986. En estimant que ces personnalités devaient être regardées comme des personnalités politiques au sens et pour l’application de ces dispositions, alors même qu’elles n’étaient, à la date de sa décision, ni élues ni candidates à aucune élection et n’étaient pas ou n’étaient plus adhérentes à un parti ou à un groupement politique, l’autorité de régulation n’a pas entaché sa délibération d’une méconnaissance de la loi.

[…] 10. En quatrième et dernier lieu, en se fondant, pour estimer que Mme B… et MM. Valls, Montebourg, Hulot et Joffrin devaient être regardés comme des personnalités politiques au sens et pour l’application du second alinéa de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 et que les éditeurs de services de communication audiovisuelle devaient, en conséquence, décompter et transmettre au CSA les données relatives à leurs temps d’intervention, sur la circonstance, d’une part, que ces personnalités appartenaient ou avaient récemment appartenu à des partis, groupements ou mouvements politiques et avaient récemment exercé des fonctions politiques ou aspiraient à exercer de telles fonctions et, d’autre part, qu’elles participaient activement, à la date de la décision attaquée, au débat politique national, l’autorité de régulation n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.»

 

Bref, ceux qui sont dans la proche sphère politicienne, anciens élus (et/ou membres de partis) de fraiche date et/ou espérant le redevenir, sont bien logiquement à prendre en compte dans le cadre de ce régime et, sur ce point, le contrôle du juge sur l’ARCOM se limitera à celui de l’erreur manifeste d’appréciation (EMA).

Ce régime n’est pas à confondre avec ceux propres aux périodes immédiatement pré-électorales ou électorales, même s’il existe bien évidemment des parentés de raisonnement entre ces divers régimes pour ce qui est de la prise en compte des paroles qui sont partisanes sans l’être officiellement.

Source :

Conseil d’État, 28 septembre 2022, n° 452212

 

Voir aussi (et, là, sont traités des régimes juridiques divers, dépassant le cadre de l’arrêt relaté ci-avant) :