La guerre des drones a recommencé. Avec de nouveaux épisodes de cette saga drolnatique.
Avec l’ascension de Skywlaker des requérants (qui sont d’un zèle quérulent impressionnant ces jours-ci en ces domaines !)… mais désormais, après de nombreuses victoires quand le droit était flou… avec l’enterrement de leurs recours maintenant que le droit s’avère tout de même assez précis.
Et, pour débrouiller cet écheveau la force soit avec nous tous.
- 1/ En mai 2020, la défaite de l’Etat, faute de loi
- 2/ L’image de la guerre, la guerre des images
- 3/ Loi « sécurité globale »… L’Empire contre-attaque ? ou Défense de la République ?
- 4/ Censure, déjà en mai 2021, par le Grand conseil
Jediconstitutionnel (la menace fantôme du droit) - 5/ La contre-attaque des drones (juillet 2021)
- 6/ La revanche des associations (collection été-automne 2021)
- 8/ Le texte du Parlement de la République
- 9/ La nouvelle nouvelle décision du Grand conseil Jedi de la rue Montpensier en janvier 2022
- 10/ Publication de la nouvelle nouvelle loi
- 12/ Le retour des traitements de données (sur la planète Scarif)
- 13/ Retour au JO de Mandalore
- 14/ Reste que pour le grand conseil Jedi, le traitement algorithmique des données doit être encadré
- 15/ Des drones des forces de l’Ordre peuvent bien, dans un cadre certes très strict, être autorisés à survoler une manifestation d’ampleur internationale, sur un périmètre restreint
- 16/ Confirmation (ce jour) au Conseil d’Etat : le drone peut, en droit, prendre son envol
1/ En mai 2020, la défaite de l’Etat, faute de loi
Il y a deux ans, le Conseil d’Etat faisait du ball-trap avec les drones de la Police (CE, ord., 18 mai 2020, n°440442, 440445 ; voir ici).
Précision pour répondre aux propos militants lus sur les réseaux sociaux : NON le Conseil d’Etat n’avait pas alors interdit l’usage des drones. Il en avait censuré l’usage sans adaptation législative dans son arrêt précité (puis plus récemment dans un avis non contentieux) – on peut être pour ou contre l’usage des drones… mais pas en se prévalant des décisions du Conseil d’Etat pour rejeter l’usage des drones d’une manière générale.
2/ L’image de la guerre, la guerre des images
En fait, ces questions ne portent pas que sur les drones, même si ceux-ci alimentent le plus, par leur nouveauté et leur commodité d’usage, les débats. Voir :
- La commune ne peut recourir aux drones pour lutter contre la fraude aux impôts locaux, selon l’Etat
- L’usage expérimental de produits phytopharmaceutiques agricoles par drones devra donner lieu à information du maire
- Où peut-on faire voler un drone ?
- Peut-on prouver l’existence d’une construction illégale avec les photographies d’un drone ?
En effet, les avions ou les hélicoptères peuvent aussi prendre des photos ou des films depuis les airs. Surtout, la question n’est pas uniquement celle du lieu depuis lequel films et photos sont pris (quoiqu’il y ait un lien fort entre netteté de l’image — et donc identification possible des individus — et hauteur de la prise de vue)… il y a aussi celle de la captation, avec ou sans conservation, avec ou sans identification possible des individus, comme l’a démontré l’arrêt précité du 18 mai 2020, ou plus récemment, dans un autre domaine proche, celui des caméras thermiques ou intelligentes. Voir celui de la reconnaissance faciale. Voir :
- Caméras thermiques : le juge souffle le chaud et le froid
- Reconnaissance faciale : le Conseil d’Etat, loin de grimacer, l’accepte sous des conditions qui ne sont pas que faciales
- La reconnaissance faciale dans les bâtiments d’enseignement : les leçons du TA de Marseille
- Le TAJ est-il MAL ?
- Caméras dites « intelligentes » et caméras thermiques : les points de vigilance de la CNIL et les règles à respecter
3/ Loi « sécurité globale »… L’Empire contre-attaque ? ou Défense de la République ?
Puis le sujet fut relancé par la proposition de loi « sécurité globale », fortement soutenue par le Ministère de l’Intérieur, et qui contenait quelques dispositions à ce sujet. Voir :
- « Sécurité globale » : demandez le programme !
- voir les critiques de la DDD à ce sujet : Après l’avis de la DDD… la « sécurité globale » en insécurité ?
- Voici le texte de la loi « Sécurité globale » tel qu’adopté par l’A.N. et transmis au Sénat
C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat avait rendu le 20 septembre 2020, un avis non contentieux (section de l’Intérieur) n° 401 214, « relatif à l’usage de dispositifs aéroportés de captation d’images par les autorités publiques ».
Le Gouvernement a décidé de rendre public cet avis. Le voici :
Avis_Dronesdesurveillance
Voici ce que nous en disions alors :
Il est aussi à souligner que le Livre blanc relatif à la sécurité intérieure est enfin sorti peu après, et clairement, à titre confortatif de la proposition de loi :
Voici ensuite une vidéo sur ce texte APRES passage au Parlement et AVANT passage au Conseil constitutionnel :
Et après adoption de la loi, voici une grande table ronde que nous avions organisée (1h32) :
https://youtu.be/AAQMbp1Z43s
Du point de vue des forces de l’Ordre, il s’agit de faire face à ce qui est perçu comme un dénigrement de principe d’outils indispensables et très contrôlables :
4/ Censure, déjà en mai 2021, par le Grand conseil Jediconstitutionnel (la menace fantôme du droit)
SAUF que les mesures insérées dans cette proposition de loi, relatives aux drones, ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021.
Voir notre analyse alors (lire les passages sur les articles 47 et 48 de la loi dans sa numération d’avant promulgation) :
Conduisant à une loi tronquée sur ce point, après matraquage rue Montpensier :
La Constitution, interprétée très strictement à notre sens, mais dans un domaine où il faut certes sauvegarder d’important verrous pour les libertés, avait parlé :
5/ La contre-attaque des drones (juillet 2021)
… d’où le besoin pour le Gouvernement de corriger sa copie, ce qu’il fit avec une nouvelle proposition de loi examinée en urgence :
6/ La revanche des associations (collection été-automne 2021)
Conduisant à une nouvelle contre-offensive des associations militantes en ce domaine. Voir par exemple, pour un point de vue particulièrement sans nuance (mais fort bien écrit) :
8/ Le texte du Parlement de la République
Le Parlement s’est mis d’accord avec ce texte, en CMP :
Avec quelques points forts :
- une sanction spécifique pour les drogues dites « du violeur » même si l’infraction est un peu plus large que cela (portant sur l’atteinte à l’intégrité de la personne résultant d’une intoxication volontaire)
- renforcement de la répression de certaines atteintes aux forces de l’ordre (GC, PM et sapeur-pompiers y inclus)
- régime propre aux drones et à quelques autres cas (pénitentiaire notamment) de captations d’images.
9/ La nouvelle nouvelle décision du Grand conseil Jedi de la rue Montpensier en janvier 2022
Le conseil constitutionnel a rendu une décision posant que le préfet devra au préalable s’assurer (sur le principe et le périmètre) que :
- les services n’ont pas d’autre moyen utilisable qui serait moins intrusif ;
- ce moyen doit même être le seul si on passe en phase de renouvellement d’autorisation ;
- nulle analyse des images au moyen d’autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés.
De plus, les sages Jedi de la rue Montpensier ont :
- censuré les recours particuliers dans des régimes d’urgence (dont un cas concernant les polices municipales).
- émis des réserves sur certains cas d’utilisation par des services de sécurité et de secours.
10/ Publication de la nouvelle nouvelle loi
Au JO du 25 janvier 2022, se trouvait la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (NOR : JUSX2116059L) :
11/ L’Intérieur contre-attaque (pour les sapeurs-pompiers)
Puis au JO virent :
- le Décret n° 2022-712 du 27 avril 2022 portant application des articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs des acteurs de la sécurité civile
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045683289
- Ce décret crée un chapitre II au titre IV du livre II de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure. Il autorise la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements et précise leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d’accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.
- l’arrêté du 7 avril 2022 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à l’identification des aéronefs circulant sans personne à bord dénommé « Infodrones »

12/ Le retour des traitements de données (sur la planète Scarif)
A été publié le décret n° 2022-1397 du 2 novembre 2022 portant application de l’article L. 6224-1 du code des transports relatif au régime encadrant la captation et le traitement des données recueillies depuis un aéronef dans certaines zones (NOR : PRMD2220538D) :
Ce décret, qui entre en vigueur le 1er janvier 2023, a été pris en application de l’article 18 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, :
- détermine les autorités administratives délivrant les autorisations permettant la captation, l’enregistrement, la transmission, la conservation, l’utilisation ou la diffusion de données recueillies, depuis un aéronef, par un appareil photographique ou cinématographique ou par tout autre capteur de télédétection des zones interdites de captation aérienne de données.
- précise les conditions de délivrance de ces autorisations.
- modifie et abroge les dispositions réglementaires en vigueur afin de tirer les conséquences de la refonte du cadre légal de la captation aérienne des données dans les zones interdites à cet effet.
13/ Retour au JO de Mandalore
Puis a été publié le
- Décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative (NOR : IOMD2301821D :
Voici la notice officielle de ce texte qui permet donc que « les services de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des douanes et par les militaires des armées déployés sur le territoire national » (hors polices municipales) puissent utiliser des drones avec captation d’images :
« [ce] décret modifie le chapitre II du titre IV du livre II de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure. Il autorise la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements et précise leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d’accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.
Références : le texte est pris pour l’application des articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, créés par l’article 47 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021pour une sécurité globale préservant les libertés et modifiés par l’article 15 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. […] »
MAIS SURTOUT POUR COMPRENDRE EN QUOI C’EST UN (ULTIME ? NOUVEL ?) ÉPISODE D’UNE LONGUE SAGA, VOIR :
Voir aussi :
14/ Reste que pour le grand conseil Jedi, le traitement algorithmique des données doit être encadré
Voir :
15/ Des drones des forces de l’Ordre peuvent bien, dans un cadre certes très strict, être autorisés à survoler une manifestation d’ampleur internationale, sur un périmètre restreint
Les drones, utilisés par les forces de l’Ordre relevant de l’Etat, semblent cependant arriver au terme de leur saga juridique et un peu de sécurité juridique semble désormais protéger leurs envolées.
Ces usages préventifs sont régis par les articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité intérieure
Notamment, aux termes de l’article L. 242-4 de ce code :
« La mise en œuvre des traitements prévus aux articles L. 242-5, L. 242-6 doit être strictement nécessaire à l’exercice des missions concernées et adaptée au regard des circonstances de chaque intervention. Elle ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données à caractère personnel strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les dispositifs aéroportés ne peuvent ni procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d’autres traitements de données à caractère personnel […]. »
Aussi était-il intéressant de voir si un sommet d’ampleur, comme celui de « Choose France » (pour attirer des investisseurs étrangers) allait pouvoir donner lieu, ou non, à l’usage de cet outil.
Le juge a considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il a notamment retenu que l’autorisation concernait un périmètre restreint et n’interdisait nullement les rassemblements, les personnes qui le souhaitent pouvant se déplacer, se réunir et s’exprimer librement. Il a rappelé par ailleurs que l’ensemble du territoire national faisait toujours l’objet d’un niveau de sécurité renforcé, au moyen du plan « Vigipirate » et que le château de Versailles constituait un lieu particulièrement exposé alors même que cet évènement rassemblait autour du Président de la République, divers membres du Gouvernement français ainsi que des investisseurs français et étrangers.
Voir sur le site dudit TA :
16/ Confirmation (ce jour) au Conseil d’Etat : le drone peut, en droit, prendre son envol
Les requérants demandaient au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence le décret précité du 19 avril 2023.
En fait, le décret n’apportait guère : tout était traité au stade de la loi avec des critères, stricts, fixés par celle-ci après moult décisions des deux ailes du Palais Royal, précitées; le tout ayant été validé par le Conseil constitutionnel via sa décision n°2021-834 DC du 20 janvier 2022.
C’est donc sans surprise que, ce jour, le juge des référés du Conseil d’Etat a pu estimer que le respect de ces dispositions, dans le cadre d’une autorisation délivrée par le préfet et reposant sur une appréciation précise et concrète, au cas par cas, de la nécessité et de la proportionnalité du recours à un tel dispositif, doit permettre d’assurer la conformité de ce recours aux exigences du droit au respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, telles que définies par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la directive « police-justice » du 27 avril 2016 de l’Union européenne et la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978.
Ce juge a rappelé la longue litanie des règles qui enserrent cet usage et les estiment suffisantes.
Tout se passera ensuite autorisation par autorisation… ou au stade des « doctrines d’emploi » définies par chacun des ministères concernés, dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés aura communication dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle… et que la loi n’imposait pas de faire figurer ces précisions, de nature opérationnelle plus que juridique, dans le décret lui-même (selon moi c’était le seul moyen solide des requérants, et encore).
Voici cette décision :
En espérant que cet ultime épisode de la saga apportera un peu de concorde dans la République :
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