Une commune peut-elle célébrer les Femmes… à grand renfort d’images de pin-ups ?

Une commune alsacienne n’y était pas allée par quatre chemins (voir ici et ici) : sa voie publique était partout revêtue de jeunes femmes peu vêtues. Nul cliché ne semblait retenir l’édile. En tout environ 125 panneaux… La Pin-up, avenir de l’Homme ou, plutôt, de la Femme ?

Non, a répondu le TA de Strasbourg statuant après saisine opérée via un référé-liberté.

Le magistrat dans son ordonnance a reconnu que le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, qui a valeur constitutionnelle en application du Préambule de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958, a la nature d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, instituant le référé-liberté.

Il a jugé que ces représentations de silhouettes féminines ou d’éléments du corps féminin illustrent une conception de la femme, inspirée par des stéréotypes et la réduisant de façon caricaturale, et parfois graveleuse, à une fonction d’objet sexuel. Il en a déduit que leur disposition par une commune dans ses espaces publics, et nommant le long de ses voies publiques, constitue une atteinte grave au principe d’égalité entre les hommes et les femmes et est manifestement contraire à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont l’article 1er engage les collectivités territoriales à mettre en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes et, en particulier, à mener des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes :

« ces représentations illustrent une conception de la femme, inspirée par des stéréotypes, qui la confine à une fonction de mère et surtout d’objet sexuel ; que si la commune de Dannemarie soutient que ces critiques ne concernent qu’une très faible partie des silhouettes litigieuses, le plus grand nombre représentant des femmes dans d’autres activités ou sous d’autres aspects, cette allégation n’est appuyée d’aucun élément précis ou probant ; que, dès lors, en disposant dans différents espaces publics, et plus particulièrement le long des voies publiques, ces images qui promeuvent une représentation dévalorisante de la condition féminine de nature à encourager des attitudes irrespectueuses à l’égard des femmes, la commune de Dannemarie a manifestement méconnu les dispositions précitées de la loi du 4 août 2014 qui engagent les collectivités territoriales à mettre en oeuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes et, en particulier, à mener des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes, l’opération dite « année de la femme » conduite par la commune ayant, à tout le moins s’agissant des illustrations litigieuses, un objet et un effet exactement contraires ; que la commune de Dannemarie a ainsi commis une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité entre les femmes et les hommes, qui constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

 

Intéressant (quoique sans réelle surprise) aussi est le considérant relatif à la liberté d’expression en matière artistique :

8. Considérant que si la commune de Dannemarie invoque la liberté d’expression, qui a aussi le caractère d’une liberté fondamentale au sens de ces mêmes dispositions, cette liberté n’est pas absolue, même dans le domaine artistique ; qu’il appartient au juge des référés d’opérer la conciliation, comme aurait dû le faire l’autorité communale, entre la liberté d’expression et les autres libertés fondamentales, notamment le principe d’égalité entre les femmes et les hommes, auquel ces images portent une atteinte grave et manifestement illégale ; que, dès lors, à supposer même que l’auteur de ces réalisations, Mme Stroh, puisse être regardée comme ayant agi dans le cadre d’une activité artistique, la commune de Dannemarie ne pouvait les exposer dans les espaces publics sans méconnaitre gravement et de façon manifeste les obligations qui lui sont imposées par la loi du 4 août 2014 ;

Il a, enfin, estimé que la seule présence sur la voie publique de ces illustrations qui dévalorisent les femmes cause un trouble à l’ordre public qui justifie que le juge des référés prescrive, dans le cadre de la procédure particulière prévue par l’article 521-2 du code de justice administrative, toutes les mesures de nature à faire cesser, à brève échéance, cette atteinte.

Le juge des référés a, en conséquence, ordonné le retrait sous astreinte des panneaux litigieux dans un délai de huit jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

L’avocat de cette commune, petite par la taille (2 272 âmes) mais grande par la libido, a déclaré, selon le site de l’hebdomadaire Le Point, « qu’il faisait appel de la décision du tribunal ». Histoire de passer du rire graveleux au comique de répétition.

 

Voir cette ordonnance en PDF : TA Strasbourg, Ord., 9 août 2017, Association les effronté-e-s, n° 1703922 :

1703922

 

 

 

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