Oui dans certains cas : selon le juge administratif, la TA de Nantes ayant considéré qu’il y a urgence à suspendre une décision préfectorale refusant de mettre en œuvre la procédure dérogatoire de retrait-adhésion de l’article L. 5214-26 CGCT sollicitée par une commune intégrée au 1er janvier 2016 contre son gré dans une nouvelle Communauté de communes à l’issue du dernier SDCI.
Une fusion de communautés qui devait être suivie d’un retrait d’une commune
En 2015, la Commune du Grand Lucé avait manifesté le souhait d’intégrer la Communauté de communes du Sud Est du Pays Manceau. Malheureusement, à l’issue du dernier SDCI la commune s’est vu imposer une fusion comprenant sa Communauté d’origine, la Communauté de communes de Lucé, et les Communautés de communes de Loir et de Bercé.
La commune ne s’était pas opposée a cette fusion pour ne pas bloquer la démarche des autres communes, d’autant que son départ ultérieur pouvait être présenté comme une simple formalité administrative.
A l’issue de la fusion, la Commune a sollicité le bénéficie de la procédure dérogatoire de « retrait/adhésion » prévue par l’article L. 5214-26 du Code général des collectivités territoriale (CGCT).
Selon cet article, une commune peut par dérogation à la procédure de principe (L. 5211-9 du CGCT) demander au Préfet de se retirer d’un EPCI à fiscalité propre pour en intégrer un autre (voir à ce sujet cet autre article du blog).
Cette procédure est soumise :
- à l’accord de l’organe délibérant de l’EPCI d’accueil ainsi que de ses communes membres, sur la base d’une demande initiale de la commune ;
- à l’accord du Préfet qui se prononce après avis de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale (CDCI).
Dans l’affaire qui nous occupe, aux termes de la procédure, le Préfet a rejeté la demande de la Commune.
C’est cette décision de rejet qui a constitué le fondement du recours, et pour lequel le Tribunal a prononcé la suspension.
Rappelons que cette procédure de suspension suppose de réunir :
- un doute sérieux (un vice patent de procédure par exemple, comme en l’espèce)
- une urgence nécessitant la suspension : c’est souvent le plus difficile à obtenir, dans la mesure où le juge ne reconnait bien souvent l’urgence que dans des situations particulières. L’empressement du demandeur, l’importance que la demande représente pour le requérant n’est pas synonyme d’urgence.
Une fusion n’est pas une opération anodine pour le juge … et permet de caractériser l’urgence
Par cette décision le Tribunal accueille favorablement l’urgence à statuer en raison des enjeux financiers mais également en termes de personnel liés aux mécanismes de la fusion qui en application de l’article L.5211-41-3 comportent de grandes incidences sur les communes lors des deux années qui suivent la fusion :
« le maintien de la commune du Grand Lucé dans la Communauté de communes de Loir Lucé Bercé aura nécessairement à échéance rapprochée, des incidences sur le transfert de compétences et sur celui des biens, des contrats et des personnels, que ce maintien aura également des incidences financières et fiscales, une communauté créée à l’issue d’une fusion devant, en application de l’article 1638-0-bis du Code général des impôts, harmoniser les taux de fiscalité de chacune des anciennes communautés désormais fusionnées, la première étape de l’harmonisation s’achevant en l’espèce le 31 décembre 2017 ; qu’en outre, le transfert de compétences entrainera des transferts de charges selon les modalités fixées par l’article 1609 nonies C du code général des impôts ; que, dès lors, la condition, d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ».
En ce qui concerne le doute sérieux : c’est en raison d’un vice de procédure (le Préfet dans cette procédure doit convoquer pour avis la Commission départementale de Coopération Intercommunale en formation restreinte et non plénière, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, jurisprudence clairement établie du juge administratif voir sur cette question TA Grenoble Communauté de communes du Val de Drôme du 9 février 2005 n°0405985) que le juge conclut à un doute sérieux quant à la légalité de l’acte et motive la suspension de la décision jusqu’à ce que le litige soit tranché au fond.
Source : TA Nantes, ordonance du 16 octobre 2017, n°1708366
Mélanie Laplace et Aurélie Dressayre
NB : les plus puristes réagiront en voyant l’illustration en objectant qu’un référé devant le TA ne conduit pas à un arrêt mais a une ordonnance. Ils auront raison, mais nous n’avons pu résister au jeu de mots.
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