Peut-on regrouper plusieurs services ou fractions de services dans une même DSP ?

Par contraste avec le droit des marchés publics, qui sur ce point est plus contraignant pour la personne publique, la possibilité de regrouper plusieurs services ou fragments de services publics dans une même délégation de service public a été récemment confirmée par une intéressante ordonnance du TA de Saint-Pierre-et-Miquelon, appliquant et affinant en ce domaine un mode d’emploi donné par le Conseil d’Etat en 2016. Il n’en demeure pas moins qu’à ce stade plusieurs mesures de prudence s’imposent… 

 

En droit des marchés publics, les règles d’allotissement ou, au contraire, de regroupement de plusieurs, prestations dans un même marché public sont bien connues, quoique susceptibles de donner lieu à de subtiles distinctions et dérogations (art. L. 2113-10 et suiv. du Code de la commande publique).

Mais en contrats de concession, notamment de délégation de service public, qu’en est-il ?

En ce domaine, la liberté est plus grande  puisque l’allotissement n’est pas érigé en solution de principe et que le juge s’avère fort libéral quant aux découpages ou choix retenus par le délégant (liberté dans le choix du contrat sous quelques limites : CE, 10 janvier 1992, n° 97471 ; sur le principe voir directive 2014/23/UE du 26 février 2014 et article L.1 du Code de la commande publique ; pour un découpage géographique voir CE, 8 avril 1998, Association pour la promotion et le rayonnement des Orres, n° 127205, DA 1998 n° 192). 

Plus encore : par un arrêt du 21 septembre 2016, le Conseil d’Etat a posé qu’une autorité délégante peut confier par une seule et unique DSP plusieurs services « connexes » (CE, 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon, req. n° 399656 et n° 399699) :

« Considérant, en premier lieu, qu’aucune disposition législative ni aucun principe général n’impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts ; qu’elle ne saurait toutefois, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s’imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux. »

Voir :

 

Néanmoins, plusieurs limites sont imposées :

  • deux le sont par l’arrêt de 2016 précité :
    • la délégation ne doit pas avoir un périmètre excessif ;

 

Un exemple intéressant nous vient, en ce domaine, du froid.

Saisi en référé, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon refuse d’annuler la procédure de passation engagée par l’Etat en vue de renouveler les deux contrats d’exploitation de la desserte en fret maritime de l’archipel depuis Halifax et de mettre en place un contrat unique de concession.

Entre 2016 et 2020, le service de fret maritime permettant d’assurer l’approvisionnement de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon faisait l’objet de deux contrats distincts, l’un pour l’exploitation de la ligne entre Halifax et Saint-Pierre, l’autre pour l’exploitation de la ligne entre Saint-Pierre et Miquelon-Langlade.

Ces deux contrats arrivant à échéance, le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon a engagé en juin 2020 une procédure de mise en concurrence en vue de conclure, à compter de 2021, un contrat unique pour l’exploitation de la desserte maritime internationale en fret de l’archipel au départ d’Halifax, incluant à la fois la desserte du port de Saint-Pierre et celle du port de Miquelon-Langlade.

Estimant que le caractère global du nouveau contrat l’empêchait de présenter sa candidature pour assurer la liaison entre Saint-Pierre et Miquelon-Langlade, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a saisi le tribunal administratif d’un recours en référé précontractuel et demandé dans ce cadre l’annulation de la procédure de passation engagée par le préfet.

Le juge des référés rappelle que, s’agissant d’un contrat de concession, l’Etat avait la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la gestion de plusieurs services distincts dès lors qu’il n’a pas donné à la concession un périmètre manifestement excessif ni réuni au sein de ce contrat des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux.

Il retient en particulier que l’Etat avait la faculté, pour des raisons d’opportunité, de modifier le périmètre des contrats en cours en vue de leur renouvellement et qu’il n’était pas sérieusement contesté qu’un même navire puisse à la fois assurer la desserte de Saint-Pierre depuis Halifax et manœuvrer pour desservir le port de Miquelon-Langlade.

En conséquence, le tribunal rejette la demande d’annulation de la procédure de passation engagée par l’Etat afin de mettre en place un contrat unique de concession.

Voir TA de Saint-Pierre-et-Miquelon , ord., 27 août 2020, n° 2000410 ::

> Ordonnance n° 2000410 du 27 août 2020