Nouvelle diffusion
Laïcité et restauration scolaire : que se passe-t-il quand l’Idole déjeune ?
- I. peut-on prévoir des repas sans porc ? des repas vegan ? ou autres ?
- II. peut-on supprimer les repas sans porc ?
- III. Comment sortir de l’alternative pour ou contre les repas sans porc ?
- IV. Peut-on avoir un crucifix dans la salle du réfectoire ?
- V. Un élève a-t-il le droit de faire ses bénédicités ou ses grâces (ou l’équivalent dans d’autres religions) ?
- VI. Des parents d’élèves peuvent-ils aider les personnels tout en portant des signes religieux ostentatoires ?
- VII. Peut-on installer une crèche de Noël à la cantoche au restaurant scolaire ?
- VIII. Le prosélytisme est-il légal aux abords des bâtiments scolaires ? des bâtiments de la restauration scolaire ?
- IX. Le droit va-t-il changer ?
I. peut-on prévoir des repas sans porc ? des repas vegan ? ou autres ?
La réponse est OUI. Mais ce n’est pas obligatoire.
Cela est possible et n’est pas contraire au principe de laïcité ni à celui de neutralité du Service Public (voir par exemple TA Grenoble, 7 juillet 2016, n° 1505593 ; CAA Lyon, 23 octobre 2018, 16LY03088)
Inversement, ce n’est pas obligatoire que de prévoir des repas sans porc ou de répondre aux diverses demandes religieuses sur ce point (voir par exemple, et par analogie, TA Cergy-Pontoise, 30 septembre 2015, n° 1411141 et TA Melun, 18 novembre 2015, n° 1408590).
Seule obligation désormais qui n’est pas sans lien avec ce sujet : l’expérimentation obligatoire en restauration scolaire publique ou privée d’un repas végétarien par semaine, voir :
- L’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire en restauration collective scolaire commencera bien le 1er novembre 2019
- voir aussi :
- Restauration scolaire : modes de gestion et organisation des services de la collectivité, au lendemain de la loi Egalim [VIDEO]
- Interview sur les impacts de la loi Egalim sur la restauration collective
- Deux vidéos et un article pour préparer l’échéance de 2022 pour la restauration collective publique (article à jour des décrets d’avril 2019)
II. peut-on supprimer les repas sans porc ?
Oui en tous cas si les enfants ont alors d’autres choix que le porc pendant les repas (voir TA Toulon, 2 décembre 2014, n° 1404254). Idem pour les repas végétariens Tribunal administratif de Melun, 18 novembre 2015, n° 1408590).
Un service public peut évoluer ou, même, ne pas être maintenu s’il est facultatif (CE Sect., 27 janvier 1961, Vannier, Lebon 60, concl. Kahn ; voir aussi Tribunal des Conflits, 18 juin 2007, Préfet de l’Isère et Université Joseph-Fourier, req. n° C3627, AJDA 2007, p. 1832).
NB sur le caractère facultatif de ce service, voir :
- La restauration des collèges n’étant pas un service obligatoire, la commune qui s’y colle en est pour ses frais ! Alors que la compétence est départementale…
- Le DDD en faveur d’un « droit à la cantine scolaire pour tous les enfants » (ce qui rejoint la position du juge administratif de toute manière…)
- mais voir aussi en sens inverse :
- TA de Besançon : il existe bien un droit à être inscrit à la restauration scolaire !
- l’article L. 131-13 du code de l’éducation issu de l’article 186 de la loi n 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté érige en droit l’inscription des élèves à la cantine des écoles primaires
- CE, 23 octobre 2009, commune d’Oullins, req. nº 329076
- et voir les arguments sur la convention de New York s’agissant des débats sur les menus de substitution (voir notamment Restauration scolaire : est-il légal de supprimer les repas sans porc ? [COURTE VIDEO] )
- mais pour l’appréciation de l’urgence en référé en ce domaine, voir par exemple La cantoche est un droit, un droit… qui peut attendre
Mais encore faut-il que l’affaire ne soit pas évidemment fondée sur une pure et simple stigmatisation.
Le Tribunal administratif de Dijon puis la CAA ont ainsi annulé la décision de la ville de Chalon-sur-Saône de ne plus proposer de menu de substitution dans les cantines scolaires. Une décision rendue en fonction des circonstances de l’espèce : à savoir une décision en l’espèce politique, sans justification économique ou technique, mettant fin à un régime qui fonctionnait depuis 1984 sans difficulté.
Voir pour la première instance :
- TA, 28 août 2017, LIGUE DE DEFENSE JUDICIAIRE DES MUSULMANS et autres, n° 1502100 et 1502726 :
- 1502100 1502726
- Suppression des menus sans porc en restauration scolaire : le TA invalide la décision de la ville de Chalon-sur-Saône
et à hauteur d’appel :
- CAA Lyon, 23 octobre 2018, n° 17LY03323 et 17LY03328
- 17LY03323et17LY03328
- https://blog.landot-avocats.net/2018/10/24/la-caa-de-lyon-confirme-lannulation-de-la-decision-du-maire-de-chalon-sur-saone-supprimant-les-menus-de-substitution-en-restauration-scolaire-avec-un-autre-raisonnement-juridique-quen-premiere-in/
Avec au Coeur de cette affaire un argument très important, non encore tranché en droit, et qui n’a pas été traité par la CAA car non soulevé par les requérants, à savoir la question de savoir si l’article 1 de l’article 3 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant pourrait conduire à censurer une telle décision par principe.
NB : la réponse est sans doute OUI si l’on impose à l’enfant un repas dont les seules protéines sont issues du porc… et pas si d’autres repas sont possibles.
Mais les maires qui se sont essayés à cet exercice en général l’ont fait avec des motifs affichés de discrimination (ce qui conduit à leur annulation) ou avec une absence totale de formalisme juridique, comme ce fut le cas par exemple à Beaucaire, ce qui entraîne là encore l’annulation de l’acte sans même qu’un examen au fond ne s’impose pour le juge. En l’espère, les décisions du maire (FN) en ce sens avaient été annoncées par voie de presse… sans même qu’une délibération ait été adoptée en ce sens (en dépit des compétences du conseil en ce domaine ; art. L. 2121-29 du CGCT…) ni que le maire ait eu délégation en ce domaine à supposer que celle-ci eût pu s’appliquer en ce domaine (art. L. 2122-22 du CGCT).
Du grand art.
Alors pour ce maire, était-ce du lard ou du cochon ? En tous cas, c’était un travail juridique de cochon, à fins d’exploitations de sombres porcheries politiciennes.
Voir :
- TA Nîmes, 9 octobre 2018, n° 1800342, 1800350, 1801251 et 1801601 :
- http://nimes.tribunal-administratif.fr/content/download/145329/1474016/version/1/file/1800342_anonymisé.pdf
- http://nimes.tribunal-administratif.fr/content/download/145330/1474019/version/1/file/1800350_anonymisé.pdf
- http://nimes.tribunal-administratif.fr/content/download/145331/1474022/version/1/file/1801251_anonymisé.pdf
- http://nimes.tribunal-administratif.fr/content/download/145332/1474025/version/1/file/1801601_anonymisé.pdf
- Suppression des menus de substitution en restauration scolaire : le maire ne peut faire du travail juridique de cochon
Voici une courte vidéo (5m n 48) d’Eric Landot qui fait un point juridique à ce sujet… sujet que certains utilisent pour mieux stigmatiser, mieux fragmenter notre société qui n’a pourtant guère besoin qu’on ravive ses tensions…
Restauration scolaire : est-il légal de supprimer les repas sans porc ? [COURTE VIDEO]
III. Comment sortir de l’alternative pour ou contre les repas sans porc ?
Nombre de communes et d’intercommunalités sortent de cette alternative en multipliant les repas végétariens en repas alternatif, tout en tentant de maintenir un équilibre en protéines. L’échéance prévue par la loi EGALIM du premier novembre prochain va dans ce sens… qui impose une expérimentation obligatoire en restauration scolaire publique ou privée d’un repas végétarien par semaine, voir de nouveau :
- L’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire en restauration collective scolaire commencera bien le 1er novembre 2019
- voir aussi :
- Restauration scolaire : modes de gestion et organisation des services de la collectivité, au lendemain de la loi Egalim [VIDEO]
- Interview sur les impacts de la loi Egalim sur la restauration collective
- Deux vidéos et un article pour préparer l’échéance de 2022 pour la restauration collective publique (article à jour des décrets d’avril 2019)
IV. Peut-on avoir un crucifix dans la salle du réfectoire ?
NB : attention ce qui suit au sein du présent point IV. s’entend hors Alsace et hors Moselle.
Un crucifix peut se retrouver sur un cimetière datant d’avant 1905 :
- CE, 28 juillet 2017, n° 408920, à publier aux tables du rec.
- Le cimetière peut rester sous le signe de la croix… sous condition
… mais pas sur les édifices postérieurs : voir par analogie Le CE coupe la laïcité en deux dans l’affaire de la statue de Jean-Paul II de Ploërmel
MAIS s’agissant d’un crucifix objet meuble, celui-ci doit être ôté du réfectoire :
- voir par analogie Cour administrative d’appel de Nantes, 3e chambre, du 4 février 1999, 98NT00207, publié au recueil Lebon
- et voir plus directement pour l’obligation, pour la mairie, de procéder au retrait d’un crucifix apposé sur les murs intérieurs du bâtiment municipal utilisé pour la cantine scolaire voir Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 29/12/2009, 09DA00629, Inédit au recueil Lebon
V. Un élève a-t-il le droit de faire ses bénédicités ou ses grâces (ou l’équivalent dans d’autres religions) ?
Le fait pour des élèves participant à une classe de neige d’avoir occupé une salle pour faire des prières a pu être considéré par une cour administrative d’appel comme un acte de prosélytisme contraire au principe de laïcité, justifiant à la fois l’interdiction de procéder ainsi qui leur fut faite et les sanctions qui en résultèrent.
Source : CAA Lyon, 6ème ch., 18 avril 2013, n ̊ 12LY01888
Par analogie, il est donc difficile à un élève de s’adonner aux joies du bénédicité ou des grâces avant ou après le repas. Mais rien ne lui interdit de le faire en privé en s’isolant et à voix basse.
VI. Des parents d’élèves peuvent-ils aider les personnels tout en portant des signes religieux ostentatoires ?
Non. Voir par une analogie très proche :
- Bénévolat des parents et activités scolaires : toutes voiles dehors, mais pas dedans
- COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 3ème chambre, 23/07/2019, 17LY04351
VII. Peut-on installer une crèche de Noël à la cantoche au restaurant scolaire ?
Voici en résumé l’état du droit : la nativité ne peut crécher en mairie que si elle y a ses habitudes avec un minimum de vernis culturel… et ailleurs, elle peut bien crécher où elle veut mais sans prêcher… ce qui sera facile à défendre par exemple en EHPAD… mais beaucoup plus difficile à défendre, pour les zélotes qui s’y risqueraient, dans les bâtiments scolaires ou périscolaires.
Voir pour un état du droit, par exemple :
VIII. Le prosélytisme est-il légal aux abords des bâtiments scolaires ? des bâtiments de la restauration scolaire ?
Jean-Michel Blanquer, citant Jean Zay, avait rappelé qu’il est « nécessaire que les querelles des hommes restent aux portes des écoles ».
Alors depuis la loi Blanquer n° 2019-791 du 26 juillet 2019, la réponse est NON à la question de savoir si du prosélytisme est possible aux abords de l’école. Voir :
Dans ce cadre, si la restauration scolaire a lieu dans l’enceinte scolaire, nul doute que c’est interdit. Si celle-ci se tient dans un autre bâtiment et que celui-ci est distant, disons que des vaticinations seraient possibles car en droit la restauration scolaire relève du péri-scolaire et non du scolaire.
Source art. L. 141-5-2, nouveau, du code de l’éducation. La notion d’abords des établissements scolaires n’est pas inconnue du droit (articles 227-18-1 et 227-19 C. pén. ; voir aussi par analogie CE, 8 décembre 1997, Commune d’Arcueil, req. n° 171134 ; TA Rennes, 24 novembre 1993, SNT, req. n° 93275 ; CE, 11 mai 1977, Ville de Lyon, req. n° 01567).
IX. Le droit va-t-il changer ?
OUI. Voir :
Voici la leçon est finie !
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