C’est collégialement que le juge administratif doit acter d’une homologation d’un accord de médiation

Médiation : c’est collégialement que le juge administratif doit acter d’une homologation d’un accord de médiation, vient de poser la CAA de Bordeaux, via un arrêt qui a conduit cette cour à statuer aussi sur la recevabilité de recours contre une homologation qui n’aurait pas respecté cette obligation de collégialité. 

Rappelons quelques bases sur la médiation (I) avant que de survoler les apports de ce nouvel arrêt (II).

 

I. Rappels liminaires sur la médiation

 

La médiation sous la férule du juge administratif se développe (à ne pas confondre avec les transactions, les très rares cas d’arbitrage en droit administratif, les Comités consultatifs de règlement amiable des différends, les quelques régimes comparables notamment pour certains litiges…). Voir à ce sujet

 

Voici une vidéo de 9 mn 11 à ce sujet, commençant par une présentation par mes soins, suivie par des interviews de :

  • Mme Marie-Odile Diemer
    Maître de conférences de droit public
    Université Côte d’Azur – Faculté de droit et de science politique de Nice
  • M. Amaury Lenoir
    Délégué national à la médiation pour les juridictions administratives, rattaché au secrétariat général du Conseil d’État.

 

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 5′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr

 

Approfondissons ces questions de médiation :

  • Le médiateur sera choisi par les parties ou sera désigné, avec leur accord, par la juridiction (CJA, art. L. 213-1 du CJA), avec diverses garanties, par défaut, dont la confidentialité sauf accord contraire ou sauf dans certains cas rares.
  • Il peut en résulter une homologation par le juge, laquelle présente de nombreux avantages (vis-à-vis du juge pénal, des oppositions, des comptables…).
  • Des mesures précises ont été fixées en matière de frais, de délais, etc.
  • J’ai connu des dossiers où cela aidait à faire progresser chaque partie, ou au moins à montrer que chacun était de bonne foi… et parfois cela aide chaque partie à découvrir que la partie adverse a un jeu (en droit et en termes de pièces) meilleur que prévu.
  • La médiation à l’initiative des juges ou des parties progresse, lentement mais sûrement.
  • Mais l’avenir pourrait être dans certains domaines l’extension de la médiation préalable obligatoire (MPO ; loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ; décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 ; décret n° 2018-101 du 16 février 2018), aujourd’hui expérimentée en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux
    • Source : Conseil d’Etat 2021

Ces régimes, pédagogiques et parfois pacificateurs, restent cependant :

  • peu utilisés
    • Source : Conseil d’Etat 2021
    • Source : Conseil d’Etat 2021
  • dotés de taux d’échecs très variables selon les administrations et les domaines (réussite entre 37 % et 98 % selon les domaines pour les MPO)
  • parfois un peu complexes à piloter (en dépit de leur rapidité, en général), en eux-mêmes ou en lien avec d’autres paramètres juridiques (RAPO ; recouvrements ; cas des entreprises en difficultés ; limites relatives aux champs transactionnels possibles notamment en marchés ou fonction publique…)

 

 

MISE À JOUR IMPORTANTE : VOIR 

Litiges sociaux ou de la fonction publique : vers une pérennisation et généralisation du dispositif, aujourd’hui expérimental, de la médiation préalable obligatoire (MPO) 

 

 

Voir aussi :

 

 

II. L’apport d’un nouvel arrêt de la CAA de Bordeaux

 

Par un arrêt classé en C+, la CAA de Bordeaux a posé que :

  • l’un des signataires d’un accord de médiation est recevable à contester la décision d’un tribunal homologuant cet accord alors même qu’il a signé cet accord.
    On ne peut certes revenir au contentieux sur une transaction homologuée mais tel n’était pas justement l’objet du litige, souligne la CAA dans ces deux points intéressants :

    • « 5. Le CCAS de Saint-Pierre soutient que la requête présentée par M. L porte sur le même objet que celui qui a donné lieu, selon lui, à une transaction, telle que prévue par l’article 2044 du code civil, le 3 décembre 2021 afin de mettre un terme aux contentieux pendants entre eux devant le tribunal administratif de La Réunion, de sorte que, l’intéressé n’ayant plus la libre disposition des droits en cause, elle est irrecevable.
      « 6. Toutefois cette requête a pour objet de contester, par la voie de l’appel, l’homologation prononcée d’un accord de médiation en raison de la méconnaissance alléguée, par le juge de l’homologation, de son obligation de vérifier tant l’existence d’un accord de volonté des parties que le respect de règles d’ordre public. Il suit de là que M. L, alors même qu’il a signé l’accord de médiation, est recevable à contester l’ordonnance attaquée par laquelle le premier juge a homologué cet accord du 3 décembre 2021. La fin de non-recevoir opposée par le CCAS de Saint-Pierre ne peut dès lors être accueillie.»
  • le TA doit se prononcer en formation collégiale, en l’absence de dispositions dérogeant en la matière au principe posé par l’article L. 3 du code de justice administrative. La circonstance que l’homologation prononcée emporte non-lieu à statuer sur la ou les requêtes pendantes devant le tribunal n’est pas de nature à permettre à un magistrat statuant seul au titre du 3° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative de se prononcer sur l’ensemble des conclusions soumises au tribunal :;
    • « 9. Il ne résulte d’aucune disposition, notamment ni de celles de l’article L. 213-4 du code de justice administrative ni de celles de l’article R. 222-1 du même code, que des conclusions tendant à l’homologation d’un accord de médiation relèveraient des exceptions au principe de collégialité posé à l’article L. 3 précité. Par suite, la circonstance que la conséquence à tirer de cette homologation serait un non-lieu à statuer sur les requêtes pendantes devant le tribunal ne donnait pas compétence au président de la formation de jugement pour se prononcer seul sur la demande d’homologation. Il suit de là que l’ordonnance du 11 janvier 2022 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion est irrégulière et que M. L est fondé à soutenir qu’elle doit, par suite, être annulée. Il y a lieu pour la cour d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du CCAS de Saint-Pierre présentée devant le tribunal administratif.»

 

Faute pour le TA d’avoir statué collégialement, la CAA a donc annulé l’ordonnance attaquée rendue au nom du TA de La Réunion et, après évocation, elle a homologué l’accord de médiation et prononcé le non-lieu à statuer sur les requêtes pendantes devant le tribunal à l’origine d’un accord.

 

Source (sur le Juriste de la CAA) : CAA Bordeaux, 24 mai 2022, n° 22BX00220, C+