Depuis 2014, le tiers lésé par un contrat peut attaquer le contrat, sous certaines conditions, mais ne peut plus attaquer les actes détachables du contrat (CE Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994), dans un délai de deux mois.
Et depuis cette jurisprudence ne cesse d’étendre son empire :
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Le présent blog avait déjà signalé que cette jurisprudence s’appliquait aux contentieux entre communes et EPCI à fiscalité propre même si le litige porte sur la compétence de l’un ou de l’autre à signer un tel contrat :
OUI mais entre temps interviennent deux arrêts du Conseil d’Etat, en date du 23 décembre dernier par le Conseil d’Etat (CE, 23 décembre 2016, n°397096 et n°392815 [deux espèces distinctes])… qui continuent d’autoriser des recours contre les actes unilatéraux préalables à la formation du lien contractuel, mais uniquement au titre de leurs vices propres. Citons le résumé des tables du rec. sur l’arrêt 392815 (à l’entrée 39-08) :
« Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat.,,,2) Ils ne peuvent soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.»
Cette jurisprudence allait-elle sauver le recours d’une communauté de communes engagé après le 4 avril 2014… La communauté de communes accusait la commune d’avoir signé un contrat dans un domaine de compétences supposé, par elle, transféré à cet EPCI à fiscalité propre. Avant même de s’interroger au fond, dans cette affaire, se posait donc la question de savoir si la communauté était recevable à agir ainsi au contentieux. En effet, la communauté avait engagé un recours contentieux contre la délibération de la commune et contre la décision de signer… sans prendre la précaution, donc, d’attaquer le contrat.
OUI mais à hauteur d’appel, donc, entre temps, était intervenues ces deux jurisprudences précitées du Conseil d’Etat (CE, 23 décembre 2016, n°397096 et n°392815 [deux espèces distinctes]). Cela pouvait-il sauver les recours de la communauté de communes ?
La réponse négative que la CAA de Douai vient tout juste, le 18 mai 2017, de rendre s’avère fort claire en limitant la portée de cette jurisprudence du 23 décembre 2016 à tout :
« […] acte d’approbation de contrats ou conventions déjà signés et qui conditionnerait leur entrée en vigueur ; »
… et qu’un recours contre une délibération autorisant à signer un contrat :
« n’entre donc pas dans le champ des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir […] »
Ce qui donne en l’espèce lieu à une sèche irrecevabilité :
« la délibération en litige autorise la signature par le maire des conventions mentionnées au point 3 précisément définies et dont le contenu est achevé ; qu’en vertu des règles rappelées au point 1, les tiers au contrat, comme l’est la communauté de communes […] en l’espèce, disposent exclusivement d’un recours de pleine juridiction pour en contester, la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux ; »
Et la communauté de communes avait omis de contester directement le contrat dans les délais…
Voir cet arrêt du 18 mai 2017 (CAA Douai, CC de la Côte d’Albâtre, n°16DA01411) :