Bal masqué : à Pau et Strasbourg, après Amiens, Cergy-Pontoise et Nice, les TA entrent dans la danse. Ils imposent, aux maires, mais aussi désormais aux préfets, un tempo mesuré

Mise à jour importante au 7 septembre 2020 : voir

Masques : et le Conseil d’Etat siffla la fin de la récréation… 


 

La France, au moins la France urbaine, se masque au fil d’arrêtés préfectoraux plus ou moins radicaux. Or en ce domaine, après le TA de Strasbourg (dont nous avons communiqué, hier, l’ordonnance), voici que le TA de Pau, lui aussi, impose (très classiquement en fait…) aux préfets de faire montre de nuance et, surtout, de saisir l’ARS.

Cela dit, en parallèle, les TA (Nice, Amiens, Pau… après Cergy-Pontoise moins récemment) se suivent pour déverrouiller le recours par les maires aux arrêtés de police en ce domaine. 

Des masques dans les rues de nos villes, oui. Mais pas partout ni tout le temps : une adaptation au cas par cas, proportionnée, s’impose. Et de ce point de vue, le mode d’emploi entre arrêtés préfectoraux et municipaux commence à se rapprocher, ce qui conduit plus à des censures d’arrêtés préfectoraux et, plus aussi, à des absences de censure d’arrêtés municipaux (pour peu que ceux-ci soient mesurés). Décortiquage… 

 

NB voir aussi :

Bal masqué : et Lyon entra dans la danse 

 

I. Retour vers le futur : le droit post-état d’urgence sanitaire nous ramène au droit administratif général…

 

En ce domaine, le régime qui s’applique remonte en sa mouture actuelle à juillet dernier, plus précisément au décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020.

Ce texte prévoit déjà un grand nombre de lieux (établissements recevant du public pour l’essentiel) où s’impose le port du masque. La nouveauté de ce texte du 30 juillet fut de prévoir que dans les cas où le port du masque n’est pas prescrit par ce décret du 10 juillet 2020, « le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d’habitation, lorsque les circonstances locales l’exigent »

Sauf que même avec de tels pouvoirs, considérables, s’appliquent :

  1. le texte même de ce décret selon lequel le préfet doit justifier son intervention par des circonstances locales, i.e. proportionner son arrêté auxdites circonstances, aux troubles et risques à obvier
  2. le droit administratif général qui va dans le même sens. En effet, les principes, en matière de pouvoirs de police restent ceux posés par le commissaire du Gouvernement Corneille (sur CE, 10 août 1917, n° 59855) : « La liberté est la règle et la restriction de police l’exception».
    Il en résulte un contrôle constant et vigilant, voire sourcilleux, du juge administratif dans le dosage des pouvoirs de police en termes :

    • de durée (CE Sect., 25 janvier 1980, n°14 260 à 14265, Rec. p. 44) ;
    • d’amplitude géographique (CE, 14 août 2012, n° 361700) ;
    • de contenu même desdites mesures (voir par exemple CE, Ass., 22 juin 1951, n° 00590 et 02551 ; CE, 10 décembre 1998, n° 107309, Rec. p. 918 ; CE, ord., 11 juin 2012, n° 360024…).

    Autrement posé, l’arrêté est-il mesuré en termes : de durée, de zonages et d’ampleur, en raison des troubles à l’Ordre public, à la sécurité ou la salubrité publiques, supposés ou réels qu’il s’agissait d’obvier .

 

Cette règle s’impose aux arrêtés préfectoraux. Or, il s’impose s’impose aussi aux arrêtés municipaux. Sauf qu’entre les évolutions des prises en compte par le juge des positions des pouvoirs publics et la fin de l’état d’urgence sanitaire, les positions du juge qui, durant l’état d’urgence sanitaire variaient fortement selon que l’arrêté à apprécier était préfectoral ou municipal… deviennent singulièrement convergentes désormais, qu’il s’agisse pour le juge d’apprécier un arrêté préfectoral (II) ou municipal (III).

 

II. Le point sur les trois jurisprudences d’hier sur les arrêtés préfectoraux (TA de Strasbourg et TA de Pau)

 

Hier, nous diffusions une décision du TA de Strasbourg a donc du appliquer ces mêmes grilles à cet arrêté de la préfète du Bas-Rhin. Rappelons cette leçon strasbourgeoise avant que d’aborder le supplice palois fait à un arrêté préfectoral et épargné à un autre.

 

II.A. L’expérience bas-rhinoise de la nécessaire mesure en tout arrêté de ce type

 

La préfète du Bas-Rhin a imposé le port du masque, à compter du 29 août 2020 à 8 heures et jusqu’au 30 septembre 2020 inclus, à tout piéton âgé d’au moins onze ans sur la voie publique et dans l’ensemble des lieux ouverts au public, dans plusieurs communes, dont Strasbourg, à l’exception des personnes en situation de handicap sous certaines conditions.

N.B. : rappelons que de telles affaires n’étaient pas nouvelles pour le TA de Strasbourg, lequel avait d’ailleurs du plancher, en référé liberté, sur la question de savoir à quelle liberté on porte atteinte quand s’impose le port du masque (voir sur ce point la saga des décisions rendues par le TA de Strasbourg : TA Strasbourg, ord., 23 mai 2020, n°2003056 ; TA Strasbourg, ord., 25 mai 2020, n°2003058 ; voir : A quelle liberté l’obligation du port du masque peut-elle porter atteinte ? [mise à jour, au 26 mai, d’une nouvelle décision] ).

Et bien sûr, le juge des référés du TA de Strasbourg avait reconnu la possibilité dans ces agglomérations d’imposer le port d’un masque dans son principe même :

« Ainsi, eu égard aux risques de santé encourus par les populations des 13 communes concernées par l’arrêté préfectoral en litige, qui comptent chacune plus de 10 000 habitants, à l’impératif d’endiguer la propagation de la covid-19, au contexte actuel marqué par la fin des vacances scolaires et universitaires, et alors qu’il est largement admis par la communauté scientifique que le masque constitue un moyen efficace pour contenir cette pandémie, la préfète du Bas-Rhin pouvait légalement en imposer le port dans lesdites communes. 

Mais un tel arrêté est trop général dans son amplitude horaire et géographique :

« 10. Toutefois, il est ressort des termes de l’arrêté du 28 août 2020 que cette obligation
porte sur la période du 29 août 2020 au 30 septembre 2020, soit 33 jours, et surtout qu’elle s’applique toute la journée et sur l’ensemble du territoire de chacune des 13 communes concernées. La préfète du Bas-Rhin, à qui le caractère général et absolu de son arrêté a été opposé à la barre, n’a apporté aucune justification sur ce point, alors que les dispositions précitées de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020 autorise uniquement le représentant de l’Etat à rendre le port du masque obligatoire lorsque les circonstances locales l’exigent. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il existerait en permanence et sur la totalité des bans communaux concernés une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l’expansion de la covid-19.
« 11. Par suite, l’arrêté en litige porte, dans cette mesure, à la liberté d’aller et venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle une atteinte grave et manifestement illégale. »

 

… conduisant à ce que ladite préfète doit revoir sa copie à bref délai pour la rendre plus proportionnelle géographiquement, voire temporellement :

« dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d’édicter un nouvel arrêté excluant de l’obligation du port du masque les lieux des communes concernées et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion de ce virus, au plus tard le lundi 7 septembre à 12 heures. A défaut, l’exécution de l’arrêté litigieux du 28 août 2020 sera automatiquement suspendue.»

 

Voir déjà pour un raisonnement similaire tenu pour les couvre-feux :

 

Source : TA Strasbourg, ord., 2 septembre 2020, n° 2005349

Voir cet ordonnance contentieuse ici :

 

II.B. Le supplice palois pour qui oublie, comme le Préfet des Pyrénées-Atlantiques, d’en passer par la case « ARS »

 

Par un arrêté du 20 août 2020, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a rendu obligatoire le port d’un masque de protection dans des zones délimitées de certaines communes du département.

Se prévalant d’une atteinte à des libertés fondamentales, des particuliers ont demandé au juge des référés du tribunal, par une action en référé-liberté, de suspendre l’exécution de cet arrêté.

Au vu des arguments soulevés, le juge des référés a considéré que seule l’absence d’avis du directeur général de l’agence régionale de santé et de publication de cet avis, était susceptible de caractériser, par l’objet et les effets de la mesure contestée, une atteinte grave et immédiate à la liberté d’aller et venir, justifiant le prononcé à très bref délai de mesures provisoires de sauvegarde, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Ecartant toute atteinte grave et manifestement illégale aux autres libertés fondamentales invoquées par les requérants, il a suspendu provisoirement l’exécution de l’arrêté du préfet, jusqu’à ce qu’il soit justifié de la publication de l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, au vu duquel cet arrêté devait être pris :

En cinquième lieu, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 et de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020 que la décision par laquelle le préfet du département, dans les cas où le port du masque n’est pas prescrit par ce décret, le rend obligatoire dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, doit être prise après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cet avis doit être rendu public. Les requérants soutiennent qu’en méconnaissance de ces prescriptions, la décision attaquée a été prise en l’absence d’un tel avis. Si l’arrêté du 20 août 2020 mentionne un avis de l’agence régionale de santé Nouvelle Aquitaine, dont il ne précise pas la date, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n’a, ni produit l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé, ni justifié de sa publication. Une telle carence est susceptible de caractériser, par l’objet et les effets de la mesure contestée, une atteinte grave et immédiate à la seule liberté d’aller et venir, justifiant le prononcé à très bref délai de mesures provisoires de sauvegarde, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

 

Source : TA Pau, ord., 2 septembre 2020, n° 2001633 :

 

II.C. La leçon landaise : quand le juge refuse d’être vache et, donc,  d’encorner un arrêté soumis à sa censure (pour cause de proportionnalité de celui-ci, au terme d’un raisonnement précis et intéressant)

 

Par un arrêté du 14 août 2020, la préfète des Landes a rendu obligatoire le port d’un masque de protection, à l’occasion d’évènements de plein air ainsi que dans les zones de certaines communes caractérisées par une forte fréquentation. Par un arrêté du 21 août 2020, la liste des zones et communes concernées a été modifiée.

Se prévalant d’une atteinte à des libertés fondamentales, des particuliers ont demandé au juge des référés du tribunal, par une action en référé-liberté, de suspendre l’exécution de ces deux arrêtés.

Au vu des arguments invoqués, le juge des référés a considéré que la condition d’urgence, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’était pas remplie et que l’obligation du port du masque, telle que prescrite par les arrêtés contestés, ne peut être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales dont les requérants se prévalent. En conséquence, la requête a été rejetée.

Retenons ce point intéressant :

« Toutefois, cette mesure est circonscrite, d’une part, dans le temps, à une durée d’un mois courant à compter du 15 août 2020, et dans la commune de Mont-de-Marsan à la plage horaire de 20h00 à 02h00, d’autre part, dans l’espace, aux seuls secteurs où une affluence particulière du public a été relevée, notamment en centre-ville ou aux abords des plages. Si les requérants soutiennent, en outre, que l’obligation édictée cause un préjudice financier aux commerçants, qu’elle crée une distorsion de concurrence, et qu’elle menace la survie et la pérennité des commerces situés dans les zones concernées, ils n’apportent aucun élément de nature à l’établir. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mesure contestée ne serait pas adaptée et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elle poursuit.»

 

Source : TA Pau, ord., 2 septembre 2020, n°2001639

 

III. Le point sur les arrêtés municipaux en matière de masques, après les décisions des TA de Nice, d’Amiens et de Pau

 

Bas les masques ? ou port du masque obligatoire ?

La saga des arrêtés de police municipale en matière de port des masques en ces temps de pandémie a été relancée avec plusieurs décisions importantes de TA. 

S’agit-il d’une valse-hésitation du juge administratif au fil de ce bal masqué ? ou du tempo quant au droit applicable ? Sur la base des mêmes critères, le juge (à Nice, puis à Amiens, puis à Pau, après Cergy-Pontoise) semble prêt à être plus souple dans l’appréciation des faits justifiant le recours à des arrêtés de police des maires. 

 

III.A. Le maire, autrefois censuré, désormais libéré ?

 

Même en période d’état d’urgence sanitaire, le maire n’avait pas été dépourvu, selon le Conseil d’Etat, de sa capacité à agir au titre de ses pouvoirs de police générale.

Sources : CE, ord., 17 avril 2020, n°440057.  Voir aussi : TA de Montpellier, ord., 26 mars 2020, n° 2001502  ; TA de la Guadeloupe, ord. 27 mars 2020, n°2000294 ; TA Caen ord., 31 mars 2020, n°2000711  ; TA de Montpellier, ord., 31 mars 2020, n° 2001567  ; TA Versailles, ord. 3 avril 3020, n° 2002287 (refus de dérogation de réouverture d’un marché)  ;  TA de Montpellier, ord., 3 avril 2020, n° 2001599  ; TA Montreuil, ord. 3 avril 2020, n°2003861 (couvre-feu) ;  TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001647  ; TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001660  ; TA Cergy-Pontoise, ord., 9 avril 2020, LDH, n°2003905 ; TA de La Guadeloupe, ord.,  20 avril 2020, n°2000340 ;  TA Nancy, ord. 21 avril 2020, n°2001055 ; TA Nice, ord., 22 avril 2020, n°200178 ; TA Toulon, 23 avril 2020, LDH, n° 2001178  ; TA Nantes, ord., 24 avril 2020, n°2004365 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 24 avril 2020, n°2004143 ;  CE, ord. 24 avril 2020, n° 440177 ;  TA Cergy-Pontoise, ord., 27 avril 2020, n°2004144 ; TA Nantes, ord., 28 avril 2020, n°2004501 (couvre-feu) ;  TA Bordeaux, ord., 28 avril 2020, n°2001867 (circulation ; recevabilité des référés liberté) ; CE, ord., 30 avril 2020, n°440179 (vélo) ; CE, ord., 30 avril 2020, n° 440267 (déplacement) ; TA Grenoble, ord., 28 avril 2020, 20022394 (refus d’arrivée de nouveaux vacanciers) ; TA de Cergy-Pontoise, ord., 5 mai 2020, n° 2004187 ; etc.

Voir :

 

Ajoutons qu’en référé liberté, s’est posée la question de savoir à quelle liberté on porte atteinte quand s’impose le port du masque (voir sur ce point la saga des décisions rendues par le TA de Strasbourg : TA Strasbourg, ord., 23 mai 2020, n°2003056 ; TA Strasbourg, ord., 25 mai 2020, n°2003058 ; voir : A quelle liberté l’obligation du port du masque peut-elle porter atteinte ? [mise à jour, au 26 mai, d’une nouvelle décision] ).

Mais le principe fut quand même la censure des arrêtés municipaux imposant le port du masque en telle ou telle circonstance (CE, ord., 17 avril 2020, n°440057 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 9 avril 2020, LDH, n°2003905) à de rares exceptions près (TA Cergy-Pontoise, ord., 28 mai 2020, n° 2004706 ; voir : Valses-hésitations contentieuses : un étrange bal masqué ).

 

OUI MAIS … mais le droit a changé. Un peu. Avec une ampleur qui pourrait être débattue pour ce qui est de ses conséquences sur les pouvoirs de police des maires.

Toute l’argumentation du juge pendant l’état d’urgence sanitaire reposait sur le fait que selon le Conseil d’Etat, pendant l’état d’urgence sanitaire, le principe était qu’au contraire du préfet, qui disposait de pouvoirs de police très larges, le maire, quant à lui, devait fonder son arrêté de police sur des circonstances locales, et calibrer les mesures ainsi prises à due proportion des dangers spécifiquement locaux qu’il s’agit d’obvier (la décision de référence, sur ce point, précitée, est CE, ord., 17 avril 2020, n° 440057).

MAIS NOUS NE SOMMES PLUS EN ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE.

 

Ce texte et ses décrets d’application ont institué une police spéciale donnant aux autorités de l’Etat la compétence, pour édicter, dans le cadre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire et pour une période allant du 11 juillet au 30 octobre 2020, les mesures générales ou individuelles visant à encadrer la circulation des personnes, règlementer l’accueil du public dans certains établissements et limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique, aux fins de limiter la propagation du virus et préserver la santé publique.

 

 

 

III.B. A Nice, le juge reprend les mêmes critères que pendant l’état d’urgence sanitaire mais (évolution du juge et meilleure adaptation par les communes aux contraintes juridiques…) avec un résultat inverse de ce qui primait autrefois

 

Cela dit, le TA de Nice a repris les conditions cumulatives exigées lors de l’état d’urgence sanitaire :

  • que les mesures soient proportionnées à des « raisons impérieuses propres à la commune » (formulation du CE, reprise avec une petite évolution de formulation non substantielle par le TA de Nice)
  • que ces mesures « ne soient pas susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale » (là encore, formulation du CE, reprise avec une petite évolution de formulation non substantielle par le TA de Nice)

 

Le TA de Nice reprend la position dure sur le principe qui était celle du CE pendant l’état d’urgence sanitaire :

« autorisent le maire, y compris pendant la période transitoire de sortie d’état d’urgence sanitaire définie à l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 précitée, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Le maire peut ainsi, le cas échéant, à ce titre, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements mais aussi la circulation et les déplacements du public. Si la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, celui-ci est compétent pour prendre de telles mesures lorsque des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat. »

 

Mais en raison des circonstances locales, de l’adaptation des mesures adoptées par le maire de Nice, le TA de Nice a refusé de censurer cet arrêté (avec une parenté forte, au delà du changement de cadre juridique, avec TA Cergy-Pontoise, ord., 28 mai 2020, n° 2004706).

Sur la base des mêmes critères, le juge (à Nice, après Cergy-Pontoise) semble donc prêt à être plus souple dans l’appréciation des faits justifiant le recours à des arrêtés de police des maires. Les maires, de leur côté, fondent souvent, désormais, plus solidement leurs arrêtés en termes de proportionnalité aux spécificités locales et les juges semblent (mais attendons de voir ce que dira le Conseil d’Etat) accepter, comme l’Etat central lui-même, une plus grande présence réglementaire des maires aux côtés des préfets.

Source : TA Nice, ord., 5 août 2020, n°2003001 :

TA NICE

 

 

 

III.C. La confirmation amiénoise

 

Cela dit, comme le faisait valoir Me Le Gars, l’avocat du requérant dans cette affaire niçoise, il était possible de soutenir que le décret du 30 juillet 2020 (complétant le II de l’article 1er du décret du 10 juillet 2020) aurait du conduire à une autre solution contentieuse

Cependant, depuis lors, nous a été communiquée par M. Léger, que nous remercions, l’ordonnance du TA d’Amiens que voici :

Source, TA Amiens, ord., 11 août 2020, n° 2002564 :

TA AMIENS

 

Or, cette ordonnance du TA d’Amiens est en tous points comparables à la position du juge niçois : maintien de la ligne jurisprudentielle imposée sous l’état d’urgence sanitaire par le Conseil d’Etat par la décision Commune de Sceaux précitée, mais avec une autre appréciation des faits en réalité permettant en pratique aux maires de prendre des arrêtés qui eussent été censurés il y a trois ou quatre mois… et ce en parfaite adéquation avec l’évolution de la ligne gouvernementale (mais aussi avec le champ des possibles).

 

 

III.D. La re-confirmation paloise

Par un arrêté du 19 août 2020, le maire de la commune de Pau a rendu obligatoire le port d’un masque de protection dans deux zones du centre-ville de Pau.

Se prévalant d’une atteinte à des libertés fondamentales, un particulier a demandé au juge des référés du tribunal, par une action en référé-liberté, de suspendre l’exécution de cet arrêté.

Au regard des arguments invoqués, le juge des référés a considéré, en l’état de l’instruction, que l’obligation de porter un masque de protection dans deux zones du centre-ville ne caractérise pas, par sa nature et ses effets, une contrainte grave qui serait, en elle-même, de nature à créer une situation d’urgence au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. En conséquence, la requête a été rejetée.

Là encore, la victoire municipale paloise illustre le fait que le juge est peut être plus souple mais aussi que les maires, échaudés, bâtissent désormais presque tous des arrêtés mesurés, proportionnés, dans le temps et l’espace..

Source : TA Pau, ord., 25 août 2020, n°  2001586 :

http://pau.tribunal-administratif.fr/content/download/174180/1726111/version/1/file/2001586_Ordonnance_JR_2020-08-25_s.pdf

 

IV.  Plus largement, voir :