Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) est reparti au Parlement.
Pour sa mouture initiale, voir :
Or, au sein de ce projet, a été l’amendement gouvernemental n0 652 (après l’article 44 ter en numérotation provisoire).
Et ce que propose cet amendement n’est vraiment pas rien… Il prévoit :
- un recours obligatoire aux PME pour certains contrats globaux…
- une protection pour les soumissionnaires en redressement judiciaire
- et surtout un déverrouillage d’un certain nombre de cas de recours aux marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables… pour un motif d’intérêt général dont on peut deviner qu’il va conduire quelques belles jurisprudences…
I. Recours obligatoire aux PME pour certains contrats globaux…
Les dispositions du code de la commande publique prévoient l’obligation pour un acheteur qui passe un marché de partenariat de prévoir une part minimale de l’exécution du contrat que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (art. L. 2213‑14), et de tenir compte de cette part dans les critères d’attribution (L. 2222‑4).
Or, les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance ou les marchés globaux sectoriels ne sont pas concernés aujourd’hui par ce dispositif incitatif de sous-traitance au profit des PME.
Cet amendement le prévoit, ce qui est une petite révolution pour ces contrats globaux, même si bien sûr ceux-ci sur le terrain font appel à des sous traitants PME.
II. une protection (de plus) pour les soumissionnaires en redressement judiciaire
Actuellement, le 3° des articles L. 2141‑3 et L. 3123‑3 du code de la commande publique ne prévoient pas expressément qu’ une entreprise en redressement judiciaire, qui ne peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat, puisse se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession.
L’amendement adopté vise à sécuriser l’accès de ces entreprises en voie de redressement judiciaire à la commande publique en autorisant expressément les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement à se porter candidates à ces contrats.
Cet amendement a pour objet de modifier la rédaction actuelle de l’article L. 2195‑4 du code de la commande publique afin d’y faire apparaitre expressément l’interdiction faite à l’acheteur de mettre en œuvre son pouvoir de résiliation de plein droit au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
Inversement, les acheteurs publics y verront un plus grand risque de se faire « planter » au stade de l’exécution…
Il est à noter que ceci s’inscrit dans la foulée de ce qui avait déjà été introduit durant l’état d’urgence sanitaire et pour les mois à venir :
-
- Covid-19 : interdiction de résilier un marché public dont le titulaire est une société placée en redressement judiciaire !
- Commande publique et soutien aux entreprises en raison du Covid-19 : des nouveaux textes au JO de ce jour !
- Une très copieuse loi « fourre-tout », avec des dispositions notamment en matière de fonction publique, de commande publique, etc. … Au JO de ce matin
III. Un déverrouillage des recours aux marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables…
Et surtout cet amendement gouvernemental, adopté, opèrerait un déverrouillage d’un certain nombre de cas de recours aux marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables… pour un motif d’intérêt général dont on peut deviner qu’il va conduire quelques belles jurisprudences…
L’exposé des motifs de cet amendement est ainsi rédigé pour cette partie du texte :
« L’article L. 2122‑1 du code de la commande publique permet actuellement aux acheteurs de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’État lorsque en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur.
« L’article L. 2122‑1 du CCP ne vise pas expressément, parmi les motifs permettant au pouvoir réglementaire de dispenser certains marchés de procédure de publicité et de mise en concurrence, de motifs liés à l’intérêt général. Pour sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir pour simplifier la conclusion de certains marchés, notamment dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, la mesure proposée vise à ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence. Il devrait notamment permettre de renforcer le tissu économique des territoires en facilitant la conclusion des marchés avec des PME qui n’ont souvent pas les moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence. »
… Reste que les principes de la commande publique, dont la base juridique remonte au droit européen, imposeront sans doute une interprétation stricte de ce cadre.
La modification envisagée reste large : il s’agit de permettre la passation du contrat sans publicité ni concurrence en cas de « motif d’intérêt général ».
Bref, de permettre de tels cas en de nombreuses hypothèses sur le papier, à charge pour le juge de faire le tri, de bâtir des restrictions jurisprudentielles pour que ces motifs soient réels, extérieurs à la volonté de l’administration et justifiant l’abandon de cette mise en concurrence et de cette publicité, dans des limites acceptables en droit européen.
Bref, on ouvre la boîte de Pandore à charge pour le juge de la refermer et à charge pour les juristes de deviner les futurs critères dudit juge. Gageons que de tels critères seraient sans doute eux-même assez souples (i.e. flous) pour permettre des ajustements au fil du temps, pour ouvrir la porte à un traitement au cas par cas, inhérent à la notion même d’intérêt général.
On peut saluer ce pragmatisme du législateur, au nom d’une nécessaire souplesse. On peut, inversement, s’inquiéter des possibles dérives de ce régime.
Mais ce qu’on ne peut faire, c’est de douter qu’un tel régime, s’il se retrouve dans la loi définitive, nécessitera prudence pratique et doigté dans sa mise en oeuvre.
Voici le texte de cet amendement gouvernemental, adopté, donc, à l’A.N. lors de l’examen du projet de loi ASAP :
APRÈS ART. 44 TER | N°652 |
D’ACCÉLÉRATION ET DE SIMPLIFICATION DE L’ACTION PUBLIQUE – (N° 2750)
AMENDEMENT N°652
présenté par
le Gouvernement |
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ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L’ARTICLE 44 TER, insérer l’article suivant:
I. – Le code de la commande publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2122‑1 est complété par les mots : « ou à un motif d’intérêt général » ;
2° Au 3° de l’article L. 2141‑3, le mot : « et » est remplacé par les mots : « qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou » ;
3° Après l’article L. 2152-8, il est inséré un article L. 2152‑9 ainsi rédigé :
« Art. L. 2152‑9. – L’acheteur tient compte, parmi les critères d’attribution des marchés globaux mentionnés à l’article L. 2171‑1, de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. » ;
4° Le chapitre Ier du titre VII du livre Ier de la deuxième partie est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Part d’exécution des marchés globaux réservée aux petites et moyennes entreprises
« Art. L. 2171‑8. – Le marché global prévoit la part minimale de l’exécution du contrat que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. Cette part minimale est établie dans des conditions prévues par voie réglementaire. » ;
5° Après le mot « marché », la fin du troisième alinéa de l’article L. 2195‑4 est ainsi rédigée : « au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631‑1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622‑13 du même code. » ;
8° L’article L. 2322‑1est complété par les mots : « ou à un motif d’intérêt général » ;
6° Après le mot « marché », la fin du troisième alinéa de l’article L. 2395‑2 est ainsi rédigée : « au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631‑1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622‑13 du même code. » ;
7° Après le mot « concession », la fin du troisième alinéa de l’article L. 3136‑4 est ainsi rédigée : « au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631‑1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622‑13 du même code. ».
9° Au 3° de l’article L. 3123‑3, le mot : « et » est remplacé par les mots : « qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou » ;
II. – Le même code est ainsi modifié :
1° Dans le tableau constituant le second alinéa des articles L. 2651‑1, L. 2661‑1, L. 2671‑1 et L. 2681‑1 :
a) La ligne :
«
L. 2120-1 à L. 2125-1 |
» ;
est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
L. 2120-1 | |
L. 2122-1 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
L. 2123-1 à L. 2125-1 |
» ;
b) La ligne :
«
L. 2141-1 à L. 2142-1 |
» ;
est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 2141-1 à L. 2141-2 | |
L. 2141-3 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
L. 2141-4 à L. 2142-1 |
» ;
c) Après la ligne :
«
L. 2151-1 à L. 2152-8 |
» ;
est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 2152-9 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
» ;
d) Après la ligne :
«
L. 2171-7 |
» ;
est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 2171-8 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
» ;
e) La ligne :
«
L. 2195-1 à L. 2195-4 |
» ;
est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
«
L. 2195-1 à L. 2195-3 | |
L. 2195-4 | Résultant de la loi n° XX du XX |
» ;
f) La ligne :
«
L. 2320-1 à L. 2325-1 |
» ;
est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 2320-1 | |
L. 2322-1 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
L. 2323-1 à L. 2325-1 |
» ;
g) La ligne :
«
L. 2395-1 à L. 2397-3 |
» ;
est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 2395-1 | |
L. 2395-2 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
L. 2396-1 à L. 2397-3 |
» ;
2° Au 18° de l’article L. 2661‑2, les mots : « la référence au code de commerce est remplacée » sont remplacés par les mots : « les références au code de commerce sont remplacées » ;
3° Au 9° de l’article L. 2661‑4, les mots : « la référence au code de commerce est remplacée » sont remplacés par les mots : « les références au code de commerce sont remplacées » ;
4° Au 18° de l’article L. 2671‑2, les mots : « la référence au code de commerce est remplacée » sont remplacés par les mots : « les références au code de commerce sont remplacées » ;
5° Au 9° de l’article L. 2671‑4, les mots : « la référence au code de commerce est remplacée » sont remplacés par les mots : « les références au code de commerce sont remplacées » ;
6° Dans le tableau constituant le second alinéa des articles L. 3351‑1, L. 3361‑1, L. 3371‑1 et L. 3381‑1 :
a) La ligne :
«
L. 3120-1 à L. 3126-2 |
» ;
est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
«
L. 3120-1 à 3123-2 | |
L. 3123-3 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
L. 3123-4 à L. 3126-2 |
» ;
b) La ligne :
«
L. 3135-1 à L. 3136-4 |
» ;
est remplacée par deux lignes ainsi rédigées : :
«
L. 3135-1 à 3136-3 | |
L. 3136-4 | Résultant de la loi n° du d’accélération et de simplification de l’action publique |
» ;
7° Au 12° de l’article L. 3361‑2, les mots : « la référence à l’article L. 631‑1 du code du commerce est remplacée par la » sont remplacés par les mots : « les références au code du commerce sont remplacés par les références ».
8° Au 12° de l’article L. 3371‑2, les mots : « la référence à l’article L. 631‑1 du code du commerce est remplacée par la » sont remplacés par les mots : « les références au code du commerce sont remplacés par les références ».
III. – Le présent article s’applique aux marchés publics et aux concessions pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.