Nous avons souvent, dans le présent blog, commenté les évolutions (et circonvolutions) jurisprudentielles autour de la question de l’ouverture dominicale, autorisée ou non, de certains commerces en ces temps d’état d’urgence sanitaire.
Rappelons le cadre juridique en ce domaine (I) avant que d’échanger à ce sujet avec M. Sébastien Brameret, Maître de conférences (droit public ; www.brameret.eu) (II), que nous remercions pour sa très intéressante contribution.
I. Rappels juridiques liminaires
I.A. Hors état d’urgence sanitaire
Le droit français sur le travail dominical des commerces est déjà, hors pandémie, assez complexe. Rappelons 3 points :
- on rappellera que le droit alsacien et mosellan diffère de celui de la France de l’intérieur pour ce qui est du travail dominical (mais pas pour ce qui est des pouvoirs des maires ou des préfets face à la pandémie) :
- les boulangeries ont un droit spécifique (hors pandémie) :
- il faut prendre en compte aussi certains zonages (« zones touristiques internationales » ; « zones touristiques » ; « zones commerciales » : article L.3125-25-1 du code du travail) :
I.B. En période d’état d’urgence sanitaire
Pour l’instant, le juge :
- validait les arrêtés ou les décrets fermant les commerces :
- Conseil d’Etat : bars et restaurants resteront fermés
- Conseil d’Etat : la librairie reste fermée… mais le juge rouvre le dossier
- voir aussi par exemple les décisions du TA de Montpellier : Covid-19 : 40 jours de jurisprudence mettent les pouvoirs de police des maires…. en quasi-quarantaine
- Voici la fameuse décision « Amazon » du TJ de Nanterre
- Le Conseil d’Etat refuse d’imposer au Gouvernement la réouverture intégrale des halles et marchés
- etc.
- censurait les arrêtés des maires rouvrant les commerces :
Voici maintenant qu’il invalide parfois les arrêtés les rouvrant…. et parfois pas.
Dans cette affaire, c’est le TA de Clermont-Ferrand qui a lancé le bal, puis qui l’a troublé par des décisions divergentes (mais bien sûr ce sont toujours les circonstances qui ont changé, pas le point de vue du juge).
Le raisonnement du Préfet en cause était le suivant : autant autoriser nombre de commerces à rouvrir le dimanche pour étaler leur fréquentation.
Cela n’a pas plu à la CGT, ce qui ne surprendra pas. Laquelle a convaincu le TA de Clermont-Ferrand, ce qui étonne un peu plus tout de même.
Sur les règles d’ouverture dominicales des commerces, usuellement, voir :
- Travail dominical : plus qu’un mois pour agir
- Ouverture dominicale des commerces : le Conseil d’Etat confirme un large déverrouillage (avec un régime différent confirmé en Alsace-Moselle)
- Travail dominical en Alsace-Moselle : une position nuancée de la CAA
- Le juge administratif nous donnera-t-il notre pain quotidien ? (comparaison de 4 décisions de TA)
- Qu’est-ce qu’une zone touristique internationale ?
- Commerce le dimanche : le droit alsacien et mosellan confirme ses spécificités
Mais le préfet faisait valoir que :
- cette dérogation exceptionnelle à la règle du repos dominical était justifiée par le préjudice au public et l’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement ; l’ouverture les dimanches permettant ainsi de répartir la clientèle sur 7 jours et non sur 6 jours ;
- le droit au repos des salariés est respecté, dès lors que seuls les salariés volontaires pourront être amenés à travailler le dimanche, conformément aux dispositions de l’article L. 3132-25-4 du code du travail.
Le TA pose certes que :
« Le préfet du Puy-de-Dôme pouvait considérer, de façon mesurée, compte tenu de la baisse d’activité et de chiffre d’affaires en raison de la fermeture au public des établissements commerciaux, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 à l’automne 2020 et aux mesures sanitaires conduisant à limiter de fait le nombre de clients susceptibles d’être accueillis simultanément dans ces établissements depuis leur réouverture (8 m2 de surface de vente pour une même unité familiale), que le repos simultané de l’ensemble du personnel compromettrait, dans ce contexte économique difficile, le fonctionnement normal de ces établissements.»
Mais le TA de Clermont-Ferrand pose ensuite que :
« 8. Toutefois, dans ce contexte sanitaire de lutte contre une épidémie mondiale, lui- même exceptionnel, au cours d’une période de couvre-feu jusqu’à 20 heures dans le département du Puy de Dôme qui s’applique aux dits établissements et commerces, au moment où un virus mutant est susceptible d’accélérer la contagiosité, où tous les établissements culturels, les bars, les restaurants et autres salles de sport demeurent fermés, en autorisant l’ouverture de ces établissements et commerces pour tous les dimanches du mois de janvier 2021, risquant d’augmenter ainsi de fait les jours de circulation et donc de contamination de celle-ci par le virus, alors même que la période officielle des soldes ne commence que le mercredi 20 janvier 2021, le préfet du Puy de Dôme a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie au droit au repos des salariés et à la protection sanitaire de la population. »
L’argument, certes plutôt implicite, de l’égalité de traitement avec les salles de sport ou la culture, ne tient pas en droit puisque le Conseil d’Etat (voir les décisions précitées) y a vu des cas de différences de situation justifiant des différences de traitement.
L’argument sur les soldes est amusant, intéressant et révélateur : le juge du TA de Clermont-Ferrand semble penser qu’il n’y a de toute manière pas foule d’ici là dans les commerces. Mais si je fais une plaisanterie à ce sujet sur la désertification du Puy-de-Dôme je vais vexer des clients.. Donc je me tais.
Mais l’argument selon lequel cela risque au contraire de diffuser plus encore la pandémie, alors que la mesures préfectorale vise plutôt à étaler la fréquentation des commerces, peut quant à lui sembler plus contestable.
TA Clermont-Ferrand, ord., 9 janvier 20202, n° 2100023 :
NB : il nous semble, surtout pour l’arrêté préfectoral, que cette position, très stricte, est discutable au regard des dispositions du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020, modifié, qui sont étrangement peu présentes dans les considérations de ces décisions.
Puis vint le tête à queue du 1er février 2021 (au nom du caractère officiel des soldes, d’une part, et d’une lecture tout de même différente des marges de manoeuvre préfectorales à ce stade, d’autre part, cette nouvelle position étant sans doute plus conforme au droit selon nous)
Le tribunal (le même donc…) rejette la demande de référé de l’UD CGT de l’Allier de suspendre l’arrêté de la préfète de l’Allier autorisant l’ouverture de commerces les seuls dimanches 7 et 14 février pendant la période des soldes au vu de la politique adaptée de lutte contre la pandémie arrêtée le 30 janvier 2021 par le Premier ministre (fermeture des centres commerciaux de + 20000 m2 et refus d’un nouveau confinement).
Voici la (nouvelle) doxa (à notre sens plus orthodoxe que les, ou à tout le moins la, précédente[s]) :
8. D’une part, la préfète de l’Allier peut considérer, de façon équilibrée, compte tenu de la baisse d’activité et de chiffre d’affaires en raison de la fermeture au public des établissements commerciaux, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 à l’automne 2020 et aux mesures sanitaires conduisant à limiter de fait le nombre de clients susceptibles d’être accueillis simultanément dans ces établissements depuis leur réouverture (10 m2 de surface de vente pour une même unité familiale), que le repos simultané de l’ensemble du personnel compromettrait, dans ce contexte économique difficile, le fonctionnement normal de ces établissements.
9. D’autre part, la préfète de l’Allier, pour tenir compte de la période des soldes officielles autorisée par le gouvernement, qui risque de provoquer une concentration dommageable de personnes notamment le samedi dans les magasins concernés, du fait d’un couvre-feu fixé à 18 heures, a pu délivrer l’autorisation contestée, sans commettre d’atteinte grave et manifestement illégales aux libertés fondamentales en cause, compte tenu des propos du Premier ministre du 29 janvier 2021 sur la situation prévisible de l’épidémie de Covid-19 au mois de février 2021 et sur la possibilité de la juguler sans confinement, compte tenu des nouvelles mesures annoncées, notamment la fermeture des centres commerciaux de + 20000 m2 dans le département de l’Allier comme dans le reste du territoire métropolitain, « c’est-à-dire ceux qui favorisent le plus de brassage de populations », compte tenu enfin qu’elle n’a accordé cette autorisation dérogatoire que pour les deux seuls premiers dimanches de février 2021. Il convient toutefois de préciser qu’elle devra s’assurer que l’ensemble des nouveaux protocoles sanitaires soit rappelé préalablement et appliqué strictement par les commerces concernés, que seuls les salariés volontaires de ces commerces soient mobilisés et enfin, que des contrôles très fréquents par les forces de l’ordre du respect des jauges et des mesures barrière soient effectués dans ces commerces ouverts les dimanches 7 et 14 février 2021.
TA Clermont-Ferrand, red., 1er février 2021, n° 2100177 :
2100177
Grâces soient rendues à M. Sébastien Brameret, Maître de conférences (droit public ; www.brameret.eu) qui a trouvé une intéressante décision du TA de Strasbourg qui va à rebours des premières décisions du TA de Clermont-Ferrand (et qui rejoint plutôt celle de ce même tribunal en date du 1er février 2021)-.
TA Strasbourg, ord., 27 janvier 2021, n° 2100441
Voir dans le même sens : TA Rennes, ord., 13 février 2021, n° 2100698
Mais revenons, avec ce même universitaire, sur ces sujets à la faveur d’un grand entretien exclusif.
II. Entretien à ce sujet avec M. Sébastien Brameret, Maître de conférences (droit public ; www.brameret.eu)
II.A. Il existe des règles propres à l’ouverture des commerces, avec d’ailleurs des variations pour certaines professions (boulangers) et/ou pour certaines fractions du territoire national (Alsace-Moselle ; certaines zones commerciales) ainsi que dans le temps (soldes…). Puis vint la pandémie, avec ses différences de traitements jurisprudentiels. Quels sont, selon vous, les paramètres pris en compte par le juge ?
Réponse de M. Sébastien Brameret : Il y a bien évidemment les principes de droit public général et en premier lieu le principe de la liberté d’entreprendre (ou du commerce et de l’industrie), composante de la catégorie plus large des libertés économiques (avec le droit de propriété et la liberté contractuelle notamment).
La crise sanitaire et la mise en place d’un régime de police administrative qui l’accompagne donnent l’occasion d’un curieux réajustement du rapport entre ces libertés économiques (et principalement parmi celles-ci la liberté d’entreprendre, la liberté du commerce et de l’industrie et le droit de propriété) et les autres libertés fondamentales. Les premières sont en effet lourdement retombées de leur piédestal cette dernière année par l’action combinée des pouvoirs publics et du juge administratif, et singulièrement du Conseil d’État.
L’impression d’ensemble est que le juge administratif navigue un peu à vue, même s’il fait preuve d’une minutie extrême dans le maniement du calendrier sanitaire pour apprécier du bien-fondé des mesures administratives ayant une portée économique. Il est cependant clair que les paramètres sanitaires ont pris une place prépondérante dans la jurisprudence, qu’il d’apprécier la légalité d’actes administratifs tendant à limiter l’exercice d’une liberté économique (par ex. les décrets de confinement) ou, au contraire, de l’encourager (par ex. les fameuxarrêtés anti-fermetures de commerces non alimentaires non essentiels). Très souvent, ces paramètres sanitaires sont incarnés par divers principes juridiques, tels que le droit à la vie ou la protection des salariés. Mais le juge se réfère également de plus en plus souvent au contexte sanitaire ou à l’évolution de l’épidémie, voire même aux mutations du virus !
L’ensemble donne l’impression d’une grande complexité. Mais il s’en dégage quand même une impression générale de bienveillance à l’encontre de la ligne nationale dégagée par le Gouvernement (surtout de la part du Conseil d’État) et de défiance à l’encontre des mesures administratives locales qui s’écarteraient de cette ligne. Dans certaines décisions, on voit que le juge essaie — peut-être un peu maladroitement — de s’appuyer sur les déclarations du Premier ministre pour fonder sa décision. Ainsi, la légalité d’un arrêté préfectoral d’ouverture dominical des commerces a-t-elle été contrôlée au regard de la situation sanitaire, « compte tenu des propos du Premier ministre du 29 janvier 2021 sur la situation prévisible de l’épidémie de Covid-19 au mois de février 2021 et sur la possibilité de la juguler sans confinement, compte tenu des nouvelles mesures annoncées » (TA Clermont-Ferrand, Ordo. 1er fév. 2021, Syndicat Union départementale CGT de l’Allier).
II.B. Ces paramètres sont donc assez semblables d’un juge à l’autre. Mais ils n’ont pas été traités, dans le temps et dans l’espace, de la même manière. Faut-il y voir une divergence d’appréciation en droit ? Ou des différences de situations conduisant à des différences de traitement par le juge ?
Réponse de M. Sébastien Brameret : Il me semble délicat d’apporter une réponse définitive à cette question. Je ne pense pas qu’il soit possible d’affirmer, avec notre faible recul sur la jurisprudence, que l’on assiste à une (r)évolution en droit de la façon dont les libertés économiques sont encadrées. Certes, la liberté d’entreprendre a perdu de sa superbe ces derniers mois, rabaissée par le juge administratif (et en particulier par le Conseil d’État) au rang de simple liberté parmi les autres libertés. Elle peut, autant que les autres, être réduite ou suspendue, éventuellement de façon générale et absolue. C’est une divergence majeure avec le cadre d’analyse traditionnel des restrictions aux libertés, celles-ci étant, normalement, censurées dès lors qu’elles ont un caractère général et absolu (CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac, Leb. 362). Sans prétendre à l’exhaustivité, relevons ainsi que la fermeture de l’ensemble des stations de ski du territoire français « ne porte pas aux libertés invoquées, malgré son caractère indifférencié selon les régions, une atteinte grave et manifestement illégale » (CE, ord. 11 déc. 2020, 447208, Domaines skiables de France). De la même sorte, la fermeture administrative des halles et marchés au printemps 2020 ne leur a causé « aucune atteinte grave et manifestement illégale » (CE, ord., 1er avril 2020,439762, Fédération nationale des marchés de France). Le juge ne prend même pas la peine de préciser que l’atteinte, pour grave qu’elle soit, pourrait être justifiée par la crise sanitaire (ce qui lui permettrait de n’être pas manifestement illégale au sens de l’article L. 521-2 du CJA).
Pour autant, peut-on en conclure que le juge administratif aurait fait évoluer de façon pérenne son cadre d’analyse ? C’est loin d’être certain. Même lorsqu’il suspend un arrêté municipal interdisant temporairement les locations saisonnières dans sa commune, le Conseil d’État ne se fonde pas sur son caractère général et absolu, mais, plus classiquement depuis un an, sur l’absence de spécificité de la situation sanitaire sur le territoire concerné (CE, ord., 16 fév. 2021, 449605, Commune de Nice). Cela n’est pas identique, la présence de circonstances sanitaires particulières permettant désormais les interprétations administratives les plus subjectives dans la mise en œuvre des libertés (économiques ou non).
II.C. Peut-on dire que le juge a, à chaque fois, fait prévaloir les paramètres pandémiques (avec des différences d’appréciation ou bien il y a-t-il eu mise en balance d’autres intérêts — sauvetage des commerces ; droits des travailleurs…) ?
On pourrait le penser en effet. En tout cas, c’est ce qu’il semble ressortir des premières jurisprudences, tant des juges du fond que du Conseil d’État. Toutefois, deux limites doivent être gardées à l’esprit, qui rendent difficile les efforts de généralisation et de réflexion sur l’émergence de véritables lignes jurisprudentielles nouvelles. D’une part, l’essentiel de ce contentieux est un contentieux de l’urgence, rendu par voie d’ordonnances. Le juge administratif ne répond alors pas complètement à la question de la légalité des mesures adoptées. On peut toutefois penser que les actes administratifs suspendus auront de grandes chances d’être annulés par la suite par le juge statuant au fond. Mais nous manquons encore de recul pour avoir une appréciation d’ensemble de la jurisprudence.
D’autre part, ces contentieux ont comme caractéristique d’être très contingents de circonstances locales et — surtout — temporelles. La conséquence est que, bien souvent, les recours d’urgence sont dépourvus d’objet lorsqu’ils arrivent devant le juge d’appel (par ex. CAA Marseille, Ordo. 21 déc. 2020, n° 20MA04242, Commune de Perpignan : à propos du recours contre la suspension d’un arrêté anti-fermeture des commerces municipaux non essentiels, le juge relève que « postérieurement à l’introduction de la requête, les dispositions de l’article 2 du décret du 27 novembre 2020 ont mis fin à l’interdiction d’ouverture des commerces non alimentaires à compter du 28 novembre 2020 ») et que, de toute façon, le contentieux aura perdu de sa pertinence (à part peut-être pour des questions indemnitaires) lorsqu’il sera traité au fond. Il n’est donc pas certain qu’il prospère au-delà du référé.
Pour en revenir à la question de la balance des intérêts, le juge administratif me semble confronté aux mêmes difficultés que le pouvoir réglementaire, et navigue — comme lui — à vue. L’exemple des arrêtés portant ouverture des commerces les dimanches de janvier et de février (pour tenter de compenser les pertes en chiffres d’affaires de 2020 et fluidifier la circulation des clients durant la période des soldes) est particulièrement topique. La boussole sanitaire guide le juge dans sa tentative de concilier l’exercice de libertés dont les antagonismes sont particulièrement criants (liberté d’entreprendre vs. protection des travailleurs et doit à la vie).
Cela a pour conséquence que la jurisprudence peut varier (assez fortement parfois) d’un territoire à l’autre ou d’un moment à l’autre et qu’il n’est pas certain qu’il puisse y avoir une harmonisation à l’échelon national.
1/ Contingence géographique. Pour le TA de Clermont-Ferrand, les autorisations d’ouvertures dominicales doivent être suspendues, car accordées « au moment où un virus mutant est susceptible d’accélérer la contagiosité (…) risquant d’augmenter ainsi de fait les jours de circulation et donc de contamination par le virus » (TA Clermont-Ferrand, ordo., 9 janv. 2021, n° 2100023, Union départementale CGT du Puy-de-Dôme). Mais pour d’autres tribunaux, ces mêmes ouvertures sont possibles, car, d’une part, « outre que l’ouverture le dimanche permet de répartir la fréquentation des commerces sur une journée supplémentaire dans la semaine, l’arrêté en litige n’a ni pour objet ni pour effet d’assouplir le protocole sanitaire renforcé qui s’impose dans ces commerces » (TA Rennes, ordo., 13 février 2021, n° 2100698, Union départementale CGT d’Ille-et-Vilaine), d’autre part, « il n’est pas démontré que le risque de contamination serait sensiblement accru du seul fait que les commerces sont autorisés à ouvrir trois jours supplémentaires au cours du mois de janvier » (TA Strasbourg, ordo., 27 janv. 2021, n° 2100441, Union départementale des syndicats CGT du Bas-Rhin). Il est intéressant de constater que l’ouverture des commerces un jour supplémentaire est un risque pour les uns (car elle augmente la fréquentation, donc la circulation du virus) alors qu’elle est une solution pour les autres (car elle permet de davantage fluidifier la circulation dans les commerces et donc de limiter l’affluence à un moment donné, réduisant ainsi les risques de circulation). Comprenne qui peut…
2/ Contingence temporelle. Le même TA de Clermont-Ferrand a proposé une analyse différente à propos des ouvertures dominicales des dimanches de janvier et février. Dans un premier temps, il les exclut, en raison de la virulence de la circulation du virus (TA Clermont-Ferrand, ordo., 9 janv. 2021, n° 2100023, Union départementale CGT du Puy-de-Dôme). Mis dans un second temps, il précise son appréciation, distinguant les dimanches en fonction des mois concernés : pour les deux derniers dimanches de janvier, l’autorisation d’ouverture doit être suspendue (à nouveau), car la préfète « ne fait état d’aucun élément nouveau dans l’appréciation de la situation » ; pour ceux de février, cette même autorité administrative pouvait « tenir compte de la période des soldes officielles autorisée par le gouvernement qui risque de provoquer une concentration dommageable de personnes, notamment le samedi dans les magasins concernés, au moment du début des vacances de février » (TA Clermont-Ferrand, 31 janvier 2021, n° 2100210, Union départementale CGT du Puy-de-Dôme. V. ég. Décisions n° 2100122 et 2100124, à propos d’autorisations communales d’ouverture). Certes, l’évolution de la pandémie nécessite que les autorités administratives aient une appréciation fine de l’évolution de la pandémie, mais la distinction entre les dimanches de soldes de janvier et ceux de février ne semble fondée sur aucun impératif objectif d’égalité (serait-ce alors les vacances ?). Cela souligne la contingence de l’analyse, mais également le fait que les contraintes sanitaires sont centrales dans le raisonnement du juge.
La pandémie et les adaptations constantes du droit administratif qui ont été rendues nécessaires conduisent parfois le juge administratif à faire preuve des raisonnements les plus subtils pour concilier ce qui semble, a priori, inconciliable : la protection des travailleurs, la liberté d’entreprendre, la lutte contre la pandémie, etc. Le résultat brille parfois par son caractère sibyllin… Mais pourrait-il en aller autrement ?
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