L’article 22 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 dispose que :
« Par dérogation aux articles L. 2333-8 et L. 2333-10 du code général des collectivités territoriales ainsi qu’au A de l’article L. 2333-9 du même code, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et la métropole de Lyon ayant choisi d’instaurer une taxe locale sur la publicité extérieure avant le 1er juillet 2019 peuvent, par une délibération prise avant le 1er octobre 2021, adopter un abattement compris entre 10 % et 100 % applicable au montant de cette taxe due par chaque redevable au titre de l’année 2021. Le taux de cet abattement doit être identique pour tous les redevables d’une même commune, d’un même établissement public de coopération intercommunale ou de la métropole de Lyon. »
Il en résulte que ceux qui veulent voter cet abattement doivent le faire au plus tard le 30 septembre.
Sur cette question, nous avons voulu interroger sur ce point Monsieur Jean-Philippe Strebler, Maître de conférences associé à l’Université de Strasbourg, Directeur du Pôle d’équilibre territorial et rural Sélestat – Alsace centrale
I. Pouvez vous nous rappeler à grands traits ce qu’est la TLPE ?
Réponse de M. J.-Ph. Strebler
La taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) -qu’il aurait d’ailleurs été plus exact d’appeler “taxe locale sur la publicité et les enseignes” compte tenu du régime particulièrement “défavorable” à l’égard des enseignes par rapport à la taxation des publicités…- est une taxe communale (éventuellement intercommunale) auxquelles sont assujetties annuellement les publicités, les préenseignes et les enseignes par ailleurs régies par le code de l’environnement.
Depuis 2009, les communes -éventuellement les établissements publics de coopération intercommunale, mais les communes où cette taxe peut représenter un vrai pactole (lorsqu’existe une ou des zones commerciales) sont rarement enclines à se priver de cette recette…- peuvent (la taxe n’est jamais applicable de plein droit) instituer la TLPE dont le régime de cette taxe est défini par le code général des collectivités territoriales (CGCT, art. L. 2333-6 à -16 et R. 2333-10 à -28).
II. Quelle est l’histoire de ce régime d’abattements ?
Réponse de M. J.-Ph. Strebler
Par rapport aux dispositifs réglementés par le code de l’environnement (c.env., art. L. 581-3), la TLPE prévoit de multiples -et complexes- “exonérations” en fonction des “messages” (dans certaines conditions : publicités à visée non commerciale ou concernant des spectacles, localisation de professions réglementées, signalisation directionnelle, horaires, moyens de paiement ou tarifs…) ou du support (superficie exploitée, hors encadrement) (CGCT, art. L. 2333-7), auxquelles les collectivités peuvent ajouter des exonérations complémentaires (préenseignes, publicités sur mobilier urbain, etc.) (CGCT, art. L. 2333-8).
La crise sanitaire de l’année 2020 -malheureusement non encore totalement passée- a eu un fort impact sur l’activité économique (notamment commerciale) et sur les déplacements. Or la TLPE concernent essentiellement d’une part les enseignes des commerçants, et d’autre part l’affichage publicitaire qui constitue le média “des déplacements” par excellence (aucune publicité n’est installée là où les flux de circulation ne sont pas assez importants…).
A l’initiative de certaines collectivités (et à la demande de certains acteurs économiques), le Gouvernement avait, par ordonnance (n° 2020-460 du 23 mars 2020 prise au titre des mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, art. 16) autorisé les communes (et EPCI le cas échéant) à délibérer pour instituer, pour la seule année 2020, un abattement à la TLPE, pour tenir compte de la “visibilité limitée” des dispositifs taxés, notamment pendant le confinement général. Les organes délibérants des collectivités compétentes qui le souhaitaient devaient alors délibérer avant le 1er septembre 2020 (date à partir de laquelle la taxe concernant les dispositifs qui devaient avoir été déclarés avant le 1er mars 2020 devait être mise en recouvrement) pour fixer un taux d’abattement compris entre 10 et 100 % (autrement dit possibilité d’exonération totale…).
Cette possibilité d’abattement pour l’année 2020 semble toutefois avoir été appliquée de manière très dissemblable selon les communes : parmi les quelques centaines de communes qui avaient mis en oeuvre cette possibilité, certaines collectivités n’avaient voté aucun abattement, certaines avaient décidé au contraire un abattement complet, d’autres l’avaient limité à la période de confinement (17 mars/11 mai… abattement de 15 %), etc. L’appréciation de la nécessité locale de consentir un abattement à la TLPE a été extrêmement hétérogène.
La crise sanitaire (économique et commerciale…) n’étant pas encore (totalement) résorbée et même si la visibilité des enseignes et publicités n’a pas été affectée dans les mêmes proportions en 2021 qu’en 2020, “le maintien de restrictions sanitaires importantes au premier semestre a continué de peser sur de nombreuses activités, et de commerçants ont dû laisser leurs locaux fermés” (amendement n° 219 rectifié). Mme Nathalie Delattre et six autres sénateurs ont proposé que la possibilité d’abattement qui avait été admise pour l’année 2020 soit conservée en 2021, s’agissant d’un “bon outil de soutien aux commerçants” pour répondre “aux demandes de terrain”.
L’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2021 (n° 2021-953 du 19 juillet 2021) a ainsi repris cette possibilité d’abattement pour l’année 2021, que les communes et établissements publics éventuellement compétents peuvent décider d’instituer par délibération adoptée avant le 1er octobre 2021 (soit avec un mois supplémentaire pour prendre cette décision par rapport à 2020).
III. Quels sont vos conseils à ce sujet ?
Réponse de M. J.-Ph. Strebler
Les collectivités qui ont institué la TLPE avant le 1er juillet 2019 (la possibilité d’abattement n’est donc -paradoxalement- pas ouverte aux collectivités qui auraient institué cette taxe entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020 !) doivent donc se positionner quant à la possibilité d’instituer ou non un abattement à la TLPE pour cette année 2021, étant entendu que, comme en 2020, cet éventuel abattement qu’elles seront libres de fixer à un taux unique compris entre 10 et 100 % sera uniformément appliqué à tous les dispositifs assujettis. Il serait tout à fait illégal de l’appliquer aux enseignes mais d’en exclure les publicités, de le réserver aux enseignes de certaines activités (par exemple les commerces ou activités qui ont été contraintes de fermer durant une période plus ou moins longue…) ou encore d’appliquer des taux d’abattement différenciés selon les dispositifs ou les activités. Ce sera donc, si les collectivités le souhaitent, “pour tout le monde… ou pour personne”, chacun devant être traité “à la même enseigne” !
A noter que, indépendamment de ces abattements “exceptionnels” et “uniformes”, si les collectivités devaient légitimement considérer que la taxation des enseignes est plutôt inéquitable par rapport à celle des publicités (prise en compte des surfaces “cumulées” des enseignes d’une même activité, avec un barème “progressif”, alors que les publicités sont toujours taxées “individuellement), les tarifs locaux doivent respecter des tarifs maximaux fixés par la loi en fonction du nombre d’habitants mais qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose de fixer le tarif “de base” applicable aux enseignes au même montant que celui qui s’appliquerait aux publicités…
Les collectivités qui le souhaitent devront donc prendre leurs dispositions pour que la délibération instituant l’éventuel abattement pour 2021 soit régulièrement adoptée avant le 1er octobre prochain… et sans doute veiller à ce qu’aucune taxe ne soit mise en recouvrement à partir du 1er septembre (date à compter de laquelle la TLPE peut être mise en recouvrement) avant l’adoption de cette délibération éventuelle (qui peut évidemment être adoptée sans attendre la date limite du 30 septembre…).
IV. La procédure sur ce point passe-t-elle par des consultations particulières ?
Réponse de M. J.-Ph. Strebler
Exception faite de la “date limite” du 30 septembre 2021, la délibération de la collectivité compétente instituant un éventuel abattement à la TLPE pour 2021 n’est soumis à aucune obligation de consultation préalable, que ce soit de services de l’Etat ou d’autres collectivités, ou de professionnels (commerçants, afficheurs…) ou de leurs représentants (organisations professionnelles, organismes consulaires…).
Il n’est évidemment pas interdit au maire ou au président de l’établissement public compétent de consulter les professionnels concernés (dont il y a sans doute peu de chances qu’ils aient des objections à l’égard d’un éventuel abattement, si ce n’est son taux trop faible…) ou encore de se concerter à l’échelle d’une agglomération multicommunale, mais aucune disposition ne l’exige.
V. Voir aussi
- Taxe locale sur la publicité extérieure : abattements miraculeux
- Police de la publicité : le maire d’une commune nouvelle a-t-il compétence sur le RLP d’une commune historique ?
- Réforme du droit des règlements locaux de publicité : le grand dossier [VIDEO de 6 mn 28 ; en partenariat avec Weka]
- Taxe locale sur la publicité extérieure : la DGCL actualise son guide gratuit
- Taxe locale sur la publicité extérieure : le nouveau CERFA au JO de ce matin
- Publicités et enseignes : le préfet DOIT-il faire usage de ses pouvoirs ?
- Un contrat est conclu en matière de mobilier urbain. Ce contrat est contraire au règlement local de publicité. Ce point peut entraîner la censure de ce contrat au stade d’un référé précontractuel
- Règlements de comptes à BK Corral [the end ?]
- RLP : peut on restreindre l’affichage sur les devantures commerciales à un maximum d’un mètre carré de surface cumulée par devanture ?
- Pré-enseignes hors agglomération : régime applicable depuis le 13 juillet 2015
- Tout signe est enseigne : c’est insigne.
- Affichage publicitaire : sécurité routière ou sécurité juridique, il faut choisir
- etc.

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.