Notre blog a souvent parlé des débats sur les réformes territoriales en cours et notamment sur le thème des fusions entre métropoles et départements (voir par exemple ici). Or, à ce jour (14 février 2019), c’est la panique en cuisine : les feuilles s’empilent, le Gouvernement se couche et chacun y va de sa recette…
1/ Le 1er octobre 2018, la nouvelle recette est présentée par le Chef Macron
A la suite d’une réunion tenue à l’Elysée le 1er octobre 2018, filtraient de maigres informations, dont il ressortait que :
- ni l’Assemblée des départements de France ni les présidents des départements concernés n’ont été invités, ce qui fait tache et tranche avec ce qui dans le passé avait, pour Lyon, été la méthode douce, transpartisane et trans-niveaux de collectivités entre G. Collomb et M. Mercier
- le Gouvernement et le Président de la République ont toujours clamé que cette démarche :
- se ferait au consensus, sur la base du volontariat (pour les métropoles concernées)
- ne concernerait que les grandes métropoles
- la Présidente de la Métropole nantaise a claqué la porte des discussions, hier
- de toute manière, la très atypique métropole du grand Paris devra avoir un traitement spécial pour lequel on attend les annonces Gouvernementales depuis décembre (voire septembre) 2017… et alors que d’ici à 2020 de toute manière l’équilibre fiscal actuel devra au minimum être revu (voir entres autres ici et ici, mais surtout là)
2/ du mille-feuille au gloubi-boulga ?
Plus nombreuses étaient les questions laissées en suspens :
- parlait-on :
- de fusion avec les départements et donc avec extension des métropoles aux frontières départementales conduisant à une disparition pure et simple du département ? On en parle par exemple pour Aix-Marseille-Provence…
- OU de transposer comme il l’est, en général, chuchoté, le modèle lyonnais où le département, au contraire, est resté (mais pour la part non métropolitaine du périmètre)(NB l’hypothèse qui tiendrait la corde serait l’extension du modèle lyonnais mais avec un traitement spécial pour les Bouches-du-Rhône où une extension du périmètre de la métropole règlerait la question par coïncidence des périmètres… sauf que cette hypothèse ne concorde pas exactement avec ce qui est annoncé pour les questions électorales évoquées ci-dessous).
- cela se fera-t-il, ou non, avec élection au suffrage universel direct (grand sujet ; voir ici)… on disait du côté gouvernemental que le président ou la présidente du département-métropole serait élu(e) au suffrage universel direct… en 2026.
Plus nombreuses étaient et sont encore les voix évoquant un conseil départemental façon grand conseil des intercommunalités dans sa composition (vieille idée à droite et à gauche – M. Balligand p. ex. ). - cela se combinerait-il avec une élection municipale, mais aussi régionale et départementale les mêmes dimanches comme le suggérait le Conseil d’Etat (voir ici) ?
Or, d’ici à 2020, et même 2019 pour avoir une base stabilisée avant les municipales, le temps presse… Sauf si tout est repoussé à 2026 (hypothèse qui semble tenir la corde ?).
3/ Fin octobre 2018 : un travail de consensus en cuisine
Ce qui a progressé courant octobre ce sont :
- la promotion de Mme Gourault au Gouvernement avec pour tâche de faire de la câlinothérapie (voir La DGCL sous la houlette de J. Gourault )
- la crise qui s’amplifie autour de l’architecture de la Métropole du Grand Paris (voir Le Grand Paris brûle-t-il ? (suite et pas fin) )
- un nouveau régime de DGF qui reposera moins qu’avant sur des catégories de groupements (voir notamment Que prévoit le projet de loi de finances en matière d’intercommunalité ? Voici les brillants éclairages de 5 cabinets financiers )
- le Président du Sénat qui, devant l’ADF, refuse le principe du moule unique pour la possible fusion métropoles/départements (voir ici)
- la quasi-confirmation que Aix Marseille provence métropole aura un régime spécifique avec extension de périmètre à tout le département des Bouches-du-Rhône avec fusion avec les organes départementaux… vécues comme un tour de force de la présidente du Département qui deviendra le catalyseur… et la pacificatrice de ce territoire
Tout ceci confirmait qu’on allait alors vers des scénarios à la carte métropole par métropole, département par département, avec encore de grandes incertitudes sur le régime électoral et l’extension des périmètres (notamment à Bordeaux et à Nantes ?) à l’échéance 2026.
4/ novembre 2018 : le mille-feuille se rebiffe
Lors du congrès de l’Assemblée des départements de France, tenu à Rennes début novembre, les départements représentés ont adopté une motion demandant au Gouvernement :
« d’abandonner définitivement les projets de fusion forcée des départements et leurs métropoles respectives comme cela a été évoqué dans les Alpes-Maritimes, la Haute-Garonne, la Gironde, la Loire-Atlantique et le Nord. »
A cela, recevant les maires (au lieu de les rencontrer au Congrès de l’AMF), le Président E. Macron a confirmé les 21 et 22 novembre 2018 :
- que certains départements ne seront finalement pas concernés (le Nord avec Lille par exemple, ce qui semble logique vu un périmètre départemental largement hors métropole… sauf si la réforme n’est pas une vraie fusion mais une transformation du CD en grand conseil des intercommunalités, mais ce n’est pas le projet du Gouvernement ou ne l’était pas en novembre-décembre 2018)
- que les solutions seraient différentes d’un département à l’autre
Le 28 novembre, les présidents des départements des Alpes-Maritimes, de la Gironde et de la Haute-Garonne tentèrent un baroud d’honneur pour demander au Gouvernement « de renoncer à passer en force », à la suite d’une réunion qu’ils ont eu avec les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu et qui ne leur a pas laissé le sentiment qu’ils disposaient d’une vraie marge de négociation.
5/ L’abandon du canelé bordelais… panique en cuisine
Alain Juppé, président de Bordeaux-Métropole (et pas encore, à l’époque, supposé rejoindre le Conseil constitutionnel), a renoncé à la fusion département et métropole de Bordeaux, a-t-on appris le vendredi 18 janvier 2019.
Il ne restait donc plus en lice, sauf improbable passage en force gouvernemental, que :
- les Bouches-du-Rhône, mais avec un calendrier et un processus sur-mesure, dans le cadre d’une fusion avec la Métropole… le Préfet devait remettre un rapport fin décembre 2018 à ce sujet (voir ici)
- Toulouse et Nice qui étaient encore, à l’époque, plutôt volontaires pour l’expérience
- les dossiers lillois et nantais semblaient déjà fort mal partis
- et la situation de la MGP qui sera de toute manière à traiter mais d’une autre manière que par une fusion avec les départements croit-on comprendre même si le dossier est encore très, très flou après 18 mois de suspens dans ce dossier. Voir :
6/ fin Janvier 2019 : nouvelle contre-offensive…
De leur côté, le Président du Sénat et les membres de Territoires unis (AMF ; ADF ; ARF) forment (et réaffirmèrent le 21 janvier 2018) un front du refus plutôt peu enclin à la négociation (voir ici l’article de Localtis/Banque des territoires), ce qui est logique vu l’équilibre interne à ces associations d’élus, tout à fait original depuis l’élection d’E. Macron (voir surtout ici mais aussi là)… ce à quoi la réception à l’Elysée de l’AMRF (pendant que l’AMF n’était reçue « que » par un Ministre) a fait l’effet d’un coup de pied de l’âne (voir ici).
7/ Février 2019 : Nice et Toulouse jettent l’éponge à leur tour…
Les présidents de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, et de la Métropole Nice Côte d’Azur, Christian Estrosi, ont annoncé le 13 février qu’ils jetaient eux-aussi l’éponge…
Chacun y va donc de sa recette et les solutions de chaque territoire semblent devoir varier du tout au tout, le projet initial étant de toute manière resté dans le flou en termes électoraux notamment (ces conseils départementaux devaient-ils être des grands conseils des intercommunalités ?). Et chacun y va aussi de sa recette dans le cadre dugrand débat national (voir ici).
8/ En bref, le mille-feuille reste au menu, chacun concocte son plat, les clients débattent des menus et le cuisinier joue au gâte sauce
Bref :
- le mille feuille (ou la lasagne, selon que l’on est salé ou sucré) résiste : il reste à la carte du restaurant
- le cuisinier ne sait plus quel plat préparer
- mais ce sera territoire par territoire : chaque table du restaurant peut donc faire son menu
- avec une rationalisation qui n’aura lieu que dans le 13…
- pendant que les territoires eux, les clients en quelque sorte, débattent territoire par territoire, voire rond point par rond point, à l’infini de ce qu’ils veulent commander comme plat au restaurant. Le grand débat national (voir ici) sera-t-il l’occasion de dégager une piste de sortie, puisque c’est l’un des thèmes ? A voir… la réforme envisagée n’étant pas très gilet-jaune compatible, et étant rejetée par les maires péri-urbains et ruraux, rien n’est moins sûr. Sauf piste habile (le département devenant un grand conseil des intercommunalités pourrait être une solution de consensus par exemple).
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