Entre la défense de la légalité des actes (et donc la sanction des actes illégaux) et la sécurité juridique (et donc la non sanction des actes illégaux au delà d’un certain délai), l’équilibre ne cesse, depuis quelques années, de progresser en défaveur de la légalité des actes.
Notamment, les actes individuels non notifiés ou mal notifiés ne peuvent plus être attaqués indéfiniment (un délai — indicatif — d’un an pour engager un recours étant alors appliqué par le juge mais avec des modulations au cas par cas). Voir :
Cette jurisprudence Czabaj n’allait pas totalement de soi car à la base, on avait un texte de la partie réglementaire du Code de justice administrative qui posait que faute de notification en bonne et due forme des voies et délais de recours, c’était sans condition de délai que pouvait agir un requérant.
Plutôt que de demander au pouvoir réglementaire de modifier ce texte (le bonheur juridique pouvant être aussi simple qu’un coup de fil…), il a plu au juge administratif de se simplifier la tâche en posant que cette règle devait être contre-balancée par le principe de sécurité juridique conduisant donc à ce fameux délai indicatif d’un an au delà duquel le requérant ne peut plus agir. Avec une riche postérité jurisprudentielle :
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- Actes individuels mal notifiés : application stricte ou non du délai d’un an ? (TA Lille, 7 février 2017, n°1306508)
- La « sécurité juridique », principe réaffirmé avec force par le Conseil d’Etat
- « La sécurité juridique n’a plus de limite » … ou en tous cas elle en a de moins en moins (extension de la jurisprudence Czabaj aux exceptions d’illégalité)
- Peut-on appliquer la jurisprudence Czabaj à un contentieux contractuel ?
- Czabaj fait un petit tour à Strasbourg
- Importante décision sur la conciliation entre la procédure fiscale et la jurisprudence Czabaj.
- Extension de la jurisprudence Czabaj… au rejet implicite d’un recours gracieux cette fois (mais avec une application souple de la date où il y a eu connaissance de la décision)
- etc. (voir les très nombreux articles sur notre blog relatifs à l’application de cette jurisprudence Czabaj).
Cependant, le juge tient compte aussi du comportement de l’administration à ce stade. Voir :
- Voies et délais de recours, délai contentieux… les règles changent-elles si l’administration fait espérer une issue non contentieuse ?
- CAA Douai, 2ème chambre – arrêt n° 16DA00402 – 19 juin 2018
NB en cas de fraude, des solutions subtiles s’imposent. Voir :
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Conseil d’État, 1ère et 4ème chambres réunies, 05/02/2018, 407149
- Acte créateur de droits obtenu par fraude : quel recours pour les tiers, une fois passé les délais de recours contentieux ?
- voir aussi :
- Les tiers ne peuvent contester indéfiniment une décision administrative individuelle qui a fait l’objet d’une mesure de publicité à leur égard… même en cas de fraude (TA Versailles, 15 février 2017, n°1402665)
Cette jurisprudence a été étendue :
- à l’exception d’illégalité d’une décision individuelle. Voir :
- CE, 27 février 2019, M. A. c/ ministre de l’action et des comptes publics, n° 418950
- Le Conseil d’État étend la jurisprudence Czabaj à l’exception d’illégalité d’une décision individuelle.
- aux exceptions d’illégalité. Voir :
- CAA Nancy 18 janvier 2018, M. J., n° 17NC00817
- « La sécurité juridique n’a plus de limite » … ou en tous cas elle en a de moins en moins (extension de la jurisprudence Czabaj aux exceptions d’illégalité)
- … exception d’illégalités également rabotées dans leur possible portée par deux arrêts du 18 mai 2018 (Les moyens tirés de vices de forme ou de procédure dont serait entaché un acte réglementaire doivent-ils être jugés inopérants dans le contentieux du refus de l’abroger et lors de sa contestation par la voie de l’exception d’illégalité ? Le CE répond par la négative par deux arrêts qui forment un revirement de jurisprudence très notable, au profit du principe de sécurité juridique et au détriment du principe de légalité). Voir :
- Conseil d’État, 18 mai 2018, n° 411045 411045
- Conseil d’État, 18 mai 2018, n° 411583
- https://blog.landot-avocats.net/2018/05/18/le-conseil-detat-rabote-la-possibilite-de-soulever-une-exception-dillegalite/
- aux titres exécutoires. Voir :
- CE, 9 mars 2018, Communauté d’agglomération du pays ajaccien, req. n° 401386
- Quel délai de recours contentieux contre un titre exécutoire ?
S’agissant des titres exécutoires, le problème est souvent de savoir comment faire partir le délai indicatif d’un an, posé par l’arrêt Czabaj.
Source sur ces questions, voir : CE 24 avril 2012, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration c/ M. Brun, n° 341146 (instruction postale du 6 septembre 1990) ; CE 15 novembre 2019, Ministre de l’action et des comptes publics c/ Mme Fei, n° 420509 ((Arrêté du 7 février 2007, INDI0750083A, pris en application de l’article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques).
Sachant qu’en cas de pli recommandé, il faut aussi s’assurer que c’est avec preuve de dépôt, y compris en cas de lettre électronique (avec une réforme d’ailleurs à prendre en compte en ce domaine). Voir :
- En contentieux administratif, il ne faut pas utiliser la lettre recommandée électronique de La Poste dans son option sans preuve de dépôt
- Un décret sur le recommandé électronique
- Le recommandé électronique rénové au JO d’hier
La CAA de Nantes a eu à traiter de cette question et elle a posé :
- qu’il incombe à l’administration, lorsqu’elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d’une action introduite devant une juridiction administrative, d’établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l’intéressé. C’est bien à elle notamment qu’incombe la charge de la preuve
- qu’en cas de retour à l’administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de l’intéressé et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l’adresse du destinataire.
- La notification d’un courrier étant réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de son destinataire dûment avisé, un titre exécutoire est devenu définitif à défaut d’avoir été contesté dans le délai raisonnable d’un an suivant cette date alors même que le pli contenant le premier acte procédant de ce titre n’a pas été retiré. Cet acte est en effet réputé avoir été notifié à l’intéressé. Dans ces circonstances, la fin de non-recevoir tirée de ce que son recours juridictionnel aurait été présenté au-delà d’un délai raisonnable peut lui être régulièrement opposée.
Source : CAA Nantes, 4 mars 2022, n° 21NT01507