Titre exécutoire : le pli recommandé, même non retiré, fait courir le délai indicatif d’un an de la jurisprudence Czabaj

Entre la défense de la légalité des actes (et donc la sanction des actes illégaux) et la sécurité juridique (et donc la non sanction des actes illégaux au delà d’un certain délai), l’équilibre ne cesse, depuis quelques années, de progresser en défaveur de la légalité des actes.

Notamment, les actes individuels non notifiés ou mal notifiés  ne peuvent plus être attaqués indéfiniment (un délai — indicatif — d’un an pour engager un recours étant alors appliqué par le juge mais avec des modulations au cas par cas). Voir :

Cette jurisprudence Czabaj n’allait pas totalement de soi car à la base, on avait un texte de la partie réglementaire du Code de justice administrative qui posait que faute de notification en bonne et due forme des voies et délais de recours, c’était sans condition de délai que pouvait agir un requérant.

Plutôt que de demander au pouvoir réglementaire de modifier ce texte (le bonheur juridique pouvant être aussi simple qu’un coup de fil…), il a plu au juge administratif de se simplifier la tâche en posant que cette règle devait être contre-balancée par le principe de sécurité juridique conduisant donc à ce fameux délai indicatif d’un an au delà duquel le requérant ne peut plus agir. Avec une riche postérité jurisprudentielle :

 

Cependant, le juge tient compte aussi du comportement de l’administration à ce stade. Voir :

 

NB en cas de fraude, des solutions subtiles s’imposent. Voir :

 

Cette jurisprudence a été étendue :

 

S’agissant des titres exécutoires, le problème est souvent de savoir comment faire partir le délai indicatif d’un an, posé par l’arrêt Czabaj.

Source sur ces questions, voir : CE 24 avril 2012, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration c/ M. Brun, n° 341146 (instruction postale du 6 septembre 1990) ; CE 15 novembre 2019, Ministre de l’action et des comptes publics c/ Mme Fei, n° 420509 ((Arrêté du 7 février 2007, INDI0750083A, pris en application de l’article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques).

Sachant qu’en cas de pli recommandé, il faut aussi s’assurer que c’est avec preuve de dépôt, y compris en cas de  lettre électronique (avec une réforme d’ailleurs à prendre en compte en ce domaine). Voir :

 

La CAA de Nantes a eu à traiter de cette question et elle a posé :

  • qu’il incombe à l’administration, lorsqu’elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d’une action introduite devant une juridiction administrative, d’établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l’intéressé. C’est bien à elle notamment qu’incombe la charge de la preuve
  • qu’en cas de retour à l’administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de l’intéressé et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l’adresse du destinataire.
  • La notification d’un courrier étant réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de son destinataire dûment avisé, un titre exécutoire est devenu définitif à défaut d’avoir été contesté dans le délai raisonnable d’un an suivant cette date alors même que le pli contenant le premier acte procédant de ce titre n’a pas été retiré. Cet acte est en effet réputé avoir été notifié à l’intéressé. Dans ces circonstances, la fin de non-recevoir tirée de ce que son recours juridictionnel aurait été présenté au-delà d’un délai raisonnable peut lui être régulièrement opposée.

 

Source : CAA Nantes, 4 mars 2022, n° 21NT01507