Après le loup, le renard 🦊 . En attendant la belette. … Autant de complaintes Ă chanter devant les prĂ©toires, devant les tribunaux.
Ainsi MaĂ®tre Renard a-t-il du plaider sa cause devant le TA de Strasbourg comme l’avait fait son compère le Loup avant lui.
Le loup s’en Ă©tait assez mal tirĂ©. Ce sont plutĂ´t les chasseurs et autres louvetiers qui ont gagnĂ© le droit de (le) tirer. Voir par exemple :
- Le CE fait la peau au grand méchant loup
- Loup y es tu ? Entends-tu ces jugements contradictoires ?
Source : fable de La Fontaine (voir ici)
Mais de ces jugements et arrĂŞts un peu contradictoires, il ressortait que le juge exerce un contrĂ´le assez strict :
- de la proportionnalité entre les tirs et abattages prévus et les dangers à obvier
- en prenant en comptes les risques et les dommages pour l’homme et les troupeaux (trop pour les uns, insuffisamment pour les autres… certes)
- et surtout de l’existence ou non de mesures alternatives et moins radicales que l’abattage (voir en ce sens TA Grenoble, 12 octobre 2017, n°1505686,1505897 :2017 jugement-ta-grenoble-12-10-2017-loup-savoie).
C’est le mĂŞme raisonnement, classique en matière de pouvoirs de police, qui vient d’ĂŞtre transposĂ© Ă un autre animal et Ă une autre pratique : le recours aux tirs de nuit pour la chasse aux renards.
Passons sur le fait qu’en tant que randonneur campant la nuit, l’idĂ©e de tirs de nuit peut me ficher plus la frousse que le risque de rencontrer un renard mĂŞme enragĂ©. DĂ©jĂ que le jour en pĂ©riode de chasse je n’en mène pas large… mais revenons au droit.
Le prĂ©fet de la Moselle avait autorisĂ© l’abattage de nuit de renards sur 170 communes du dĂ©partement, et ce Ă la demande de la FĂ©dĂ©ration dĂ©partementale des chasseurs.
Laissons l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages ; voir ici) raconter la suite :
« Dans le cadre de la consultation publique, à laquelle de nombreux scientifiques ont participé, les 674 avis exprimés étaient tous opposés à ce projet. Une pétition citoyenne a recueilli plus de 36 000 signatures, et l’avis du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel a signé à l’unanimité une motion soulignant « l’aberration et le non-sens écologique que représente l’autorisation de destruction du renard roux par tir de nuit, ainsi que les conséquences potentielles sur les activités agricoles et les risques sanitaires induits ». Malgré cette importante mobilisation, le préfet de Moselle avait signé cet arrêté.
« L’ASPAS et la LPO Moselle, toutes deux membres du Collectif Renard Grand Est, ont alors porté cette affaire devant les tribunaux.
« Rappelons que le renard roux peut actuellement être chassé, déterré et piégé toute l’année par des moyens souvent barbares, y compris en période de reproduction. Ce sont plus de 10 000 renards qui sont tués chaque année en Moselle ! Pourtant, de très nombreuses études scientifiques tendent clairement à démontrer que non seulement le renard roux est loin d’être le coupable désigné, mais qu’en plus l’acharnement dont il fait l’objet est totalement contre-productif, aussi bien au niveau écologique que sanitaire et économique.»
Le TA a tranché dans le sens des requérants au mêmes motifs que ceux pris en compte pour le loup, avec des nuances :
- absence de preuve de l’efficacitĂ© de l’abattage par rapport Ă d’autres techniques (motif retenu par exemple par le TA de Grenoble, mais refusĂ© par celui de Nancy, pour le loup [voir Loup y es tu ? Entends-tu ces jugements contradictoires ?]… mais il s’agit peut-ĂŞtre… peut-ĂŞtre moins d’une contradiction que de cas diffĂ©rents)
- proportionnalitĂ© entre les buts d’ordre public et la mesure envisagĂ©e (lĂ encore en lien avec les autres techniques envisageables et les autres vecteurs de maladies), au regard d’Ă©tudes scientifiques (voir notamment l’excellent organisme qu’est l’ELIZ…. sauf que le juge et les requĂ©rants ont fait dire Ă ELIZ Ă peu près l’inverse de ce qui est dans leurs publications. Mais qui va lire la publication intĂ©grale ? Pas le juge si l’Etat, en dĂ©fense, ne la produit pas, voire ne l’a pas lue [publication scientifique en anglais…])
- rĂ©alitĂ©, ampleur du trouble Ă l’ordre public.
Le jugement du TA de Strasbourg est Ă lire. En voici des extraits intĂ©ressants, de quelque chapelle qu’on soit :
Cela ne signifie pas que le renard peut vivre tranquille. Au moins peut-il dormir tranquille. Sous réserve des piégeages.
Plus largement, le droit administratif peine à intervenir pour caler les relations entre les hommes et les animaux :
- que ce soit en matière de vie sauvage, pour le loup ou l’ours (sur ce dernier point, voir par exemple ici), voire pour d’autres espèces (voir pour les tiques ici et là pour le moustique)
- ou en captivité, en matière de :
- cirque (voir Cirque juridique autour du bien-être animal en droit administratif)
- d’abattage (voir La viande d’un animal abattu rituellement (sans étourdissement) peut-elle être labellisée bio ?)
- marinelands (voir Orques, dauphins et autres cétacés : l’arrêté de S. Royal boit la tasse. Un peu.)
- chiens (voir par exemple Le maire de BĂ©ziers peut finalement ficher les chiens du centre-ville)…
… et ce en un dĂ©bat que la science et les sensibilitĂ©s renouvellent de manière majeure, qu’on le dĂ©plore ou qu’on s’en rĂ©jouisse.
Voici donc une nouvelle pièce à ce vaste dossier : TA Strasbourg, 10 janvier 2018, ASPAS et LPO, n° 1700293 :
renard TA Strasbourg 201801
De quoi se lâcher les babines. Si on est un renard…
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