Nouvelle diffusion (enrichie) à la suite de diverses demandes… et mise à jour au 15/5/2020
Le présent blog a traité abondamment des pouvoirs des exécutifs locaux et des réunions des organes délibérants depuis la loi Covid-19 n° 2020-290 du 23 mars 2020, puis les ordonnances du 25 mars et, surtout, du 1er avril 2020 (surtout l’ordonnance n° 2020-391) :
- Comment réunir l’organe délibérant d’une collectivité durant le Covid-19 ? [VIDEO]
- Quels sont les pouvoirs institutionnels des exécutifs locaux en ces temps de Covid-19 ? [VIDEO]
- Au JO de ce matin : les collectivités armées pour la tempête ; l’exécutif seul maître à bord ; la mutinerie (au besoin en visioconférence…) est cependant permise…
… avec un régime transitoire qui pourrait durer :
… et un dossier qui est relancé depuis l’ordonnance publiée au JO d’hier (n° 2020-562 du 13 mai 2020) et le décret paru au JO de ce matin :
- Installation des conseils municipaux dans les communes où l’élection a été acquise au 1er tour : le décret est au JO de ce matin
- Décorticage de l’importante ordonnance de ce matin relative aux institutions des collectivités locales (dont les futures installations de conseils municipaux)
I. Des réunions en visio ou au téléphone
L’ordonnance (articles 2 et 3) étend le dispositif de l’article 10 de la loi n° 2020-290 en :
- fixant pendant la durée de l’état d’urgence au tiers, au lieu de la moitié, le quorum de membres nécessaires pour une réunion non seulement de l’organe délibérant des collectivités et des groupements, mais également des commissions permanentes des collectivités et des bureaux des EPCI à fiscalité propre.Autre souplesse : le quorum de l’ensemble de ces instances s’apprécie en fonction des membres présents ou représentés.Il prévoit par ailleurs que les membres de ces instances peuvent être porteurs de deux pouvoirs, contre un seul aujourd’hui (ces derniers points étaient déjà dans la version antérieure de la loi Covid-19 n°2020-290 du 23 mars 2020).
- facilitant la réunion de l’assemblée délibérante des collectivités territoriales à la demande de ses membres. Il abaisse la proportion de membres nécessaire pour provoquer une réunion de l’organe délibérant des collectivités et des groupements. Aujourd’hui fixée à la moitié ou au tiers, cette proportion sera fixée, pendant la durée de l’état d’urgence, au cinquième. Un même membre de l’organe délibérant ne peut présenter plus d’une demande de réunion par période de deux mois d’application de l’état d’urgence sanitaire.Lorsqu’une demande est présentée, le chef de l’exécutif de la collectivité ou du groupement disposera d’un délai de six jours pour organiser la réunion, le cas échéant par téléconférence.
NB : la loi engagement et proximité avait déjà prévu l’arrivée possible de la visio en intercommunalité sous certaines conditions à préciser par décret (voir La visio-conférence fait son entrée dans les conseils communautaires ou métropolitains ! ) et nos concitoyens de Polynésie française ont un coup d’avance sur nous depuis l’été 2018 à ce sujet (voir Un conseil municipal peut enfin se tenir en téléconférence… encore faut-il être polynésien )
MAIS AVEC DES NOUVEAUTÉS issues de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 portant pour l’essentiel sur l’élection des maires et adjoints dans les communes où l’élection a été acquise dès le 15 mars :
- maires et adjoints dans les communes où l’élection a été acquise dès le 15 mars vont être élus avec un quorum de 1/3 des membres du conseil (quorum applicable en ces temps d’état d’urgence sanitaire) !
- mais les procurations ne seront pas à prendre en compte dans ledit quorum par dérogation au droit applicable en ces temps d’état d’urgence sanitaire.
- si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, le conseil municipal est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle (classique…). En ce cas, et en ce cas seulement (là aussi on retrouve le droit commun), le conseil municipal délibère alors sans condition de quorum.
- Attention : la nouvelle ordonnance confirme le droit déjà fixé par les ordonnances propres à l’état d’urgence sanitaire, selon lequel, dans tous les cas, un conseiller municipal peut être porteur de deux pouvoirs au stade de cette élection du maire et des adjoints .
Cette même ordonnance prévoit aussi, dans toutes les communes et intercommunalités :
- la possibilité, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, de réunir le conseil municipal en tout lieu, y compris dans un lieu situé hors du territoire de la commune. Cette disposition facilitera les réunions des conseils municipaux (indispensables notamment pour l’élection du maire) qui pourront être organisées dans des endroits permettant un meilleur respect des gestes barrières. Attention : tel que le texte est rédigé (hélas…), il semble qu’il revienne au conseil de décider dudit lieu. Deux solutions donc :
- soit le conseil actuel décide dudit lieu mais avec une installation des nouveaux conseils (pour les cas des communes où l’élection a été acquise dès le 1er tour) au 18 mai cela va être difficile (sauf à estimer que c’est un sujet urgent, ce qui se discute ; voir Installation des conseils municipaux dans les communes où l’élection a été acquise au 1er tour : le décret est au JO de ce matin )
- soit il faut estimer que ce pouvoir revient à l’autorité qui convoque le conseil à charge pour ledit conseil d’approuver (ou non) cette décision lors dudit conseil, ce qui est un peu éloigné du texte mais présente l’avantage d’être opérationnel (nous pensons qu’un juge éventuellement saisi accepterait cette interprétation). A noter : la formulation de la fin du nouvel article selon lequel « le maire informe préalablement le représentant de l’Etat dans le département du lieu choisi pour la réunion du conseil municipal » va dans le sens de cette interprétation (merci à M. Pascal Cochet de mes échanges avec lui sur ce point).
- qu’il est loisible au maire, au président d’une collectivité locale ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de décider, en amont de la réunion du conseil municipal, que celle-ci aura lieu sans présence de public ou avec un effectif limité et adapté à la salle et au respect des mesures barrières. Le caractère public de la réunion pourra être assurée par sa retransmission en direct.
II. Mais la séance doit rester publique
Dans nos articles, nous signalions que l’article 6 de l’ordonnance autorise la réunion à distance des organes des collectivités territoriales et de leurs groupements, par visioconférence ou à défaut audioconférence.
A l’évidence, même si l’ordonnance ne le dit pas, l’exécutif est donc libre de choisir ses outils (multiconférence téléphonique ; Microsoft Teams ; zoom ; What’sApp ; skype ; FaceTime; GoTomeeting ; etc.).
N.B. : exit donc le vote à distance par voie postale prévu aussi par la loi Covid-19 du 23 mars 2020… La Poste fonctionnant comme chacun sait (pas un seul courrier postal à notre cabinet d’avocats depuis le 16 mars…) !
Les convocations à la première réunion de l’organe délibérant à distance, précisant les modalités techniques de celles-ci, sont transmises par le maire ou le président par tout moyen (ce qui déroge à l’envoi électronique par défaut posé par la loi engagement et proximité donc, voir ici).
En clair, les services municipaux auront intérêt à en faire le maximum pour montrer leurs diligences à convoquer tout le monde.. ce qui avec le confinement et la fracture numérique de certaines personnes ou de certains territoires va être du sport. L’usage du courriel doublon de SMS (quand on a les coordonnées) va devoir être envisagé…
Le maire ou le président rend compte des diligences effectuées par ses soins lors de cette première réunion.
Sont déterminées par délibération au cours de cette première réunion :
– les modalités d’identification des participants, d’enregistrement et de conservation des débats ;
– les modalités de scrutin.
Nous signalions dès notre premier post à ce sujet que :
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.
… reste que comme nous l’a signalé avec justesse une cadre territoriale lectrice du présent blog, Mme Geraldine Descargues, cela peut être un piège difficile à déjouer car d’une part la notion d’électronique pourrait être débattue sur certaines solutions et d’autre part on risque d’organiser des réunions par visioconférence ou téléconférence (multiconférence téléphonique donc)… en oubliant ce point important.
ATTENTION il faut bien distinguer :
- d’une part les modalités de huis clos qui restent celles du droit commun
- et d’autre part le nouveau régime de l’article 10 de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020, précitée, qui permet au maire, au président d’une collectivité locale ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de décider, en amont de la réunion du conseil municipal, que celle-ci aura lieu sans présence de public ou avec un effectif limité et adapté à la salle et au respect des mesures barrières. Le caractère public de la réunion pourra être assurée par sa retransmission en direct.
Dans ce dernier cas, il faudra bien prévoir une retransmission en direct.
NB et en cas de réunion en présentiel, gare aux limites prévues en ce domaine : voir :
- Parcs et jardins, rassemblements, établissements recevant du public… Quelles sont les règles ? Quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités ?
- Mets pas tes doigts dans ta bouche, mon fils… un décret l’interdit
III. Des solutions techniques existent
Alors comment faire ? Les solutions vont varier de la technicité à l’évitement :
- Solution 1
Tout d’abord, une solution consiste à renvoyer sur le site Internet ou la chaîne YouTube de la collectivité ou du groupement : ce n’est pas techniquement très difficile à faire. Mais la rediffusion doit être instantanée.
Une diffusion sur FaceBook Live (voir ici entre autres) suffit-elle ? Réponse oui car on peut y accéder même sans être inscrit sur FaceBook mais il faut alors bien gérer ses réglages. Idem pour Instagram.
Cela peut s’appliquer aussi aux simples conférences téléphoniques (renvoi vers la chaîne YouTube ou même vers un podcast en live).
Certaines plate-formes de visioconférence permettent un renvoi automatique vers YouTube.Avec une large information du public, à prévoir, sur cet outil.
- Solution 2
Ensuite une solution peut consister à prendre des outils permettant un grand nombre de personnes connectées (mais attention aux failles de sécurité de certains outils comme Zoom… dont les atouts ne sont pas à négliger mais hors abonnement le plafonnement à 40 mn peut être un problème…) qui permettent de distinguer les personnes pouvant intervenir des autres. Teams, par exemple, a une fonction de ce type (expliquée ici… avec hélas l’habituelle pédagogie Microsoft).
En cas de conférence téléphonique pure et simple, cette solution semble délicate à mettre en place, hélas (pas d’ouverture à des dizaines ou centaines d’habitants que l’on obligerait de rester silencieux, d’où en pareil cas le renvoi vers une diffusion en live sur d’autres médias, ce qui était la solution 1 ci-avant.Avec une large information du public, à prévoir, sur cet outil.
- Solution 3
On peut combiner les solutions 1 et 2. Faire une réunion mixant présentiel et distantiel comme le droit covidien le permet, avec renvoi de la plate-forme (zoom, teams…) vers YouTube par exemple ou FaceBook live ou autre.
Avec une large information du public, à prévoir, sur cet outil.
- solution 4
Enfin une solution consiste à… contourner l’obstacle en votant le huis clos (voir à ce sujet d’ailleurs : Huis clos : quels sont les recours ouverts ? ). Mais si c’est systématique… ça va se voir en cas de contentieux. 😉
Hélas ces solutions seront vite très lourdes pour les plus petites des communes rurales… à l’exception de celles, de plus en plus nombreuses, qui ont su gérer la transition numérique (pensons à l’exemple remarquable de Bras-sur-Meuse)…