Parcs et jardins, rassemblements, établissements recevant du public… Quelles sont les règles ? Quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités ?

Au JO d’hier, ont été publiés :

 

Hors scolaire, périscolaire et petite enfance, hors transports, hors responsabilité du maire en tant qu’employeur… qui sont autant de points qui ont été traités ou vont l’être via d’autres articles du présent blog…. voyons ce que sont les marges de manoeuvre des collectivités (et notamment des maires) en matière de parcs et de jardins, de rassemblements, d’établissements recevant du public (ERP)… 

 

SOMMAIRE

  • I. Respect des gestes et distances barrières
    • I.A. Règles et distances
    • I.B. En tous lieux…mais avec quelques modulations
    • I.C. Gestes barrières, distances barrières et établissements recevant du public
    • I.D. Une information spécifique pour les parcs, jardins, espaces verts, plages, plans d’eau, marchés…
    • I.E. Distanciation et handicap
  • II. Rassemblements, réunions ou activités
  • III. Parcs et jardins ; établissements de plein air (PA)
  • IV. Plages, plans d’eau, lacs, activités nautiques et de plaisance (avec un pouvoir donné au préfet sur proposition du maire)
  • V. Halles et marchés
  • VI. Etablissements recevant du public (ERP)
    • VI.A. Liste des ERP qui doivent rester fermés au public sauf exceptions
    • VI.B. Mais même ces ERP peuvent rester ouverts au public ou à certains publics sous certaines conditions
    • VI.C. Pouvoirs de fermeture confiée aux préfets après avis du maire
  • VII. Lieux de culte
  • VIII. Pouvoirs du préfet
  • IX. Scolaire, périscolaire, petite enfance
  • X. Reconfinement préfectoral ponctuel toujours possible…
  • XI. Quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités ?
    • XI.A. Un pouvoir d’avis prévu par le décret
    • XI.B. Un pouvoir, non écrit mais réel, de proposition aux dérogations préfectorales
    • XI.C. Un pouvoir de police à bâtir solidement au cas par cas sur la base de circonstances locales réellement spécifiques, justifiant de mesures proportionnellement spécifique
    • XI.D. Une responsabilité claire en tant que gestionnaire d’ERP, que responsable des halles et marchés et/ou des espaces verts, en tant qu’employeur…
    • XI.E. Une responsabilité pénale à ne pas sous-estimer, nonobstant les atténuations très limitées de la loi du 11 mai 2020…
      • XI.E.1. Le risque d’annulation
      • XI.E.2. La responsabilité indemnitaire
      • XI.E.3. La contravention pénale
      • XI.E.4. La mise en danger délibérée d’autrui : une infraction qui peut être très lourde et tentante pour un juge pénal
      • XI.E.5. L’homicide ou les blessures par imprudence… une infraction plus dangereuse qu’il n’y paraît et la loi du 11 mai 2020 n’y changera pas grand chose.

 

 

 

I. Respect des gestes et distances barrières

 

I.A. Règles et distances

En tous lieux, toute personne doit respecter des règles strictes et plus complètes que sous l’empire du droit antérieur :

  • distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes
  •  se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon (dont l’accès doit être facilité avec mise à disposition de serviettes à usage unique) ou par une friction hydro-alcoolique
  •  se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ou éternuant dans son coude
  • se moucher dans un mouchoir à usage unique à éliminer immédiatement dans une poubelle 
  • éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux
  • port systématique des masques par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties (sauf handicap attesté par certificat médical)

 

I.B. En tous lieux…mais avec quelques modulations

 

Sur le considérable champ d’application de ce texte, voir :

 

Il en va de même pour les activités professionnelles ou commerciales : « lorsque, par sa nature même, une activité professionnelle, quel que soit son lieu d’exercice, ne permet pas de maintenir la distanciation entre le professionnel et le client ou l’usager, le professionnel concerné met en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir les risques de propagation du virus » (voir à ces sujets les points V et VI de l’article 10 du décret). 

NB : pour les cas de sport dans les établissements ouverts au public en plein air (voir ci-après III), la distanciation physique imposée est de cinq mètres pour une activité physique et sportive modérée et de dix mètres pour une activité physique et sportive intense. 

 

I.C. Gestes barrières, distances barrières et établissements recevant du public

 

Dans les ERP ouverts au public, l’exploitant (via des articles un peu épars dans le décret…) :

  • met en œuvre ces mesures
  • peut même limiter l’accès à l’établissement à cette fin et/ou en subordonner l’accès au port d’un masque de protection répondant aux caractéristiques techniques fixées par arrêté interministériel.
  • informe les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».

 

NB voir aussi :

 

I.D. Une information spécifique pour les parcs, jardins, espaces verts, plages, plans d’eau, marchés…

 

Attention : l’autorité gestionnaire du site, respectivement pour les parcs, les jardins, les espaces verts aménagés dans les zones urbaines, les plages, les plans d’eau, les lacs, les centres d’activités nautiques, les ports de plaisance et les marchés doit informer les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».

N.B.: sur ceux de ces lieux qui sont ouverts ou non, voir ci-après III, IV, V et VI.

 

I.E. Distanciation et handicap

 

Dès lors que par nature le maintien de la distanciation physique n’est pas possible entre la personne en situation de handicap et la personne qui l’accompagne, cette dernière doit mettre en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus (art. 14).

 

II. Rassemblements, réunions ou activités

 

Tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République.

Mais les ERP autorisés à recevoir du public peuvent recevoir plus de 10 personnes si les gestes et distances barrières sont respectées. Le transports de voyageurs ont leurs propres règles, à part. 

Le préfet peut prendre de mesures plus strictes, voire en sens inverse autoriser des rassemblements, réunions ou activités indispensables à la continuité de la vie de la Nation.

 

Aucun évènement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020.

 

III. Parcs et jardins ; établissements de plein air (PA)

 

Le vert n’aime pas le rouge.

En effet, l’accès du public aux parcs, jardins et autres espaces verts aménagés dans les zones urbaines est interdit dans les territoires classés en zone rouge.

Sur ce classement et sa base juridique, désormais, voir :

 

Dans les autres territoires, c’est-à-dire les zones vertes devenues bien nommées, les parcs et jardins sont ouverts. 

MAIS attention nombre d’établissements (ERP) de plein air même dans les parcs et jardins peuvent devoir rester fermés. Il s’agit des établissements « de plein air » de type PA (au sens de la nomenclature ERP)… à l’exception de ceux au sein desquels sont pratiquées :

  • soit les activités physiques et sportives mentionnées au IV de l’article 10 du nouveau décret (avec des normes de distance adaptées – voir I et un déplafonnement de la règle des 10 personnes) :
    • activités physiques et sportives de plein air, à l’exception des sports collectifs, des sports de combat et des activités en piscine… et même autorisées ces activités sportives ne peuvent donner lieu à des regroupements de plus de dix personnes
    • avec des dérogations pour les sportifs professionnels (très encadrées)
    • une ouverture possible piscines (types X et PA) pour les épreuves des examens de maître-nageur sauveteur ou à l’obtention du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique.
    • des dérogations très encadrées sont prévues pour le sport à l’école ou en accueil de l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles
  • soit la pêche en eau douce.

 

Attention donc :

  • les parcs et jardins sont fermés en zone rouge
  • et ils sont ouverts en zone verte mais avec fermeture des ERP qui s’y trouvent… sauf pour certaines pratiques de sport ou de pêche en eau douce.

 

Donc ces ERP « PA » sont fermés, un point c’est tout, en zone rouge. Ce n’est qu’en zone verte que certains peuvent être ouvert pour certains sports ou pour la pêche en eau douce. 

 

IV. Plages, plans d’eau, lacs, activités nautiques et de plaisance (avec un pouvoir donné au préfet sur proposition du maire)

 

L’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs demeure interdit.

Les activités nautiques et de plaisance sont interdites.

Le préfet peut toutefois, sur proposition du maire autoriser l’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs et les activités nautiques et de plaisance si sont mis en place les modalités et les contrôles de nature à garantir le respect des dispositions des distances et gestes barrières. 

NB : ces règles ont été adaptées spécifiquement pour St Martin et St Barthelemy. 

Voir aussi à ces sujets :

 

V. Halles et marchés

 

Les halles et marché sont rouverts.

Mais le préfet peut, après avis du maire, interdire l’ouverture des marchés (couverts ou non) si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place ne sont pas de nature à garantir le respect des gestes et distances barrières. 

 

VI. Etablissements recevant du public (ERP)

 

VI.A. Liste des ERP qui doivent rester fermés au public sauf exceptions

Continuent à ne pas pouvoir accueillir du public les établissements recevant du public (ERP) relevant des types d’établissements définis par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation et figurant ci-après ne peuvent accueillir de public :

  • établissements de type L : Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles d’audience des juridictions, les salles de ventes et pour les accueils de jour de personnes en situation de précarité et les centres sociaux ;
  • établissements de type N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;
  • établissements de type P : Salles de danse et salles de jeux ;
  • établissements de type T : Etablissements à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire ;
  • établissements de type REF : Refuges de montagne sauf pour leurs parties faisant fonction d’abri de secours ;
  • établissements de type X : Etablissements sportifs couverts ;
  • établissements de type Y : Musées ;
  • établissements de type CTS : Chapiteaux, tentes et structures ;
  • établissements de type PA : voir ci-avant III
  • établissements de type R : Etablissements d’enseignement (mais avec de nombreuses dérogations que nous verrons dans d’autres articles du présent blog) et à l’exception des centres de formation des apprentis, centres de vacances.

 

Cela dit, pour certains de ces équipements, le déconfinement se prépare. Voir par exemple :

 

VI.B. Mais même ces ERP peuvent rester ouverts au public ou à certains publics sous certaines conditions

 

Ces établissements peuvent cependant tous :

  • accueillir du public pour l’organisation d’épreuves de concours ou d’examens dans des conditions de nature à permettre le respect des gestes et distances barrières
  • accueillir les enfants scolarisés et ceux bénéficiant d’un mode d’accueil en application de l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles 
  • être ouverts par le préfet après avis du maire s’il s’agit de musées ou de monuments et parcs zoologiques dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture n’est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population.

 

VI.C. Pouvoirs de fermeture confiée aux préfets après avis du maire

 

Le préfet de département peut, après avis du maire, interdire l’ouverture :

  • d’un commerce de détail
  • ou d’un centre commercial dont la surface commerciale utile est supérieure ou égale à quarante mille mètres carrés

Cette fermeture au public est possible si « la taille du bassin de population où il est implanté et de la proximité de moyens de transport, favorise des déplacements significatifs de population ».

Cette interdiction ne fait pas obstacle à l’ouverture, au sein de ces centres commerciaux, des commerces de détail (listés par l’annexe 3 du décret :

Entretien, réparation et contrôle techniques de véhicules automobiles, de véhicules, engins et matériels agricoles. Commerce d’équipements automobiles. Commerce et réparation de motocycles et cycles. Fourniture nécessaire aux exploitations agricoles. Commerce de détail de produits surgelés. Commerce d’alimentation générale. Supérettes. Supermarchés. Magasins multi-commerces. Hypermarchés. Commerce de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé. Commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé. Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé. Commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé. Commerce de détail de boissons en magasin spécialisé. Autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé. Les distributions alimentaires assurées par des associations caritatives. Commerce de détail de carburants et combustibles en magasin spécialisé. Commerce de détail d’équipements de l’information et de la communication en magasin spécialisé. Commerce de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé. Commerce de détail de matériels de télécommunication en magasin spécialisé. Commerce de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé. Commerce de détail de textiles en magasin spécialisé. Commerce de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé. Commerce de détail de produits pharmaceutiques en magasin spécialisé. Commerce de détail d’articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé. Commerces de détail d’optique. Commerce de détail d’aliments et fournitures pour les animaux de compagnie. Commerce de détail alimentaire sur éventaires sous réserve, lorsqu’ils sont installés sur un marché, des dispositions du III de l’article 9. Commerce de détail de produits à base de tabac, cigarettes électroniques, matériels et dispositifs de vapotage en magasin spécialisé. Vente par automates et autres commerces de détail hors magasin, éventaires ou marchés n. c. a. Hôtels et hébergement similaire à l’exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives. Location et location-bail de véhicules automobiles. Location et location-bail d’autres machines, équipements et biens. Location et location-bail de machines et équipements agricoles. Location et location-bail de machines et équipements pour la construction. Activités des agences de placement de main-d’œuvre. Activités des agences de travail temporaire. Réparation d’ordinateurs et de biens personnels et domestiques. Réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication. Réparation d’ordinateurs et d’équipements périphériques. Réparation d’équipements de communication. Blanchisserie-teinturerie. Blanchisserie-teinturerie de gros. Blanchisserie-teinturerie de détail. Services funéraires. Activités financières et d’assurance. Commerce de gros fournissant les biens et services nécessaires aux activités mentionnées à l’annexe 3.

 

Le préfet de département peut, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite, ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont applicables en application du présent décret.

 

Le préfet de département peut, lorsque l’évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, fermer certains types d’ERP (voir le II. de l’article 27 du décret). 

 

VII. Lieux de culte

 

Les établissements de culte (relevant du type V), sont autorisés à rester ouverts.

Mais tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit.

Les cérémonies funéraires sont autorisées dans la limite de vingt personnes.

 

VIII. Pouvoirs du préfet

 

Nous venons de voir ci-avant divers pouvoirs conférés aux préfets, souvent sur avis ou proposition du maire.

Mais le VII de l’article 10 du décret doublonne cela d’un pouvoir général :

« Le préfet de département est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu du présent article. »

S’y ajoutent des pouvoirs de réquisition du préfet tout à fait considérables prévus par l’article 18 du décret (mais qui reprennent ce qui s’était forgé au fil d’un assez grand nombre de décrets depuis mars…).

Et des pouvoirs exceptionnels confiés au préfet nous reconduisent au droit antérieur en cas de reprise de l’épidémie dans tel ou tel lieu (voir notamment l’article 27 du décret).

 

IX. Scolaire, périscolaire, petite enfance

 

Nous avons beaucoup traité ce sujet avant le nouveau décret qui en réalité ne bouleverse pas l’état du droit à ce sujet.

Voir :

 

Mais nous allons bientôt faire un article spécifique pour décortiquer les articles 11 et 12 du nouveau décret dédié à ce sujet. Patience…

 

X. Reconfinement préfectoral ponctuel toujours possible…

 

Le préfet de département peut, lorsque l’évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus (art. 27 du décret), interdire les mouvements de personnes selon une liste… qui nous rappelle à tous quelques souvenirs :

«
1° Trajets entre le lieu de résidence et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;

2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités sont mentionnées à l’annexe 4 ;
3° Déplacements pour motifs de santé à l’exception des consultations et soins pouvant être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d’une affection de longue durée, de ceux qui peuvent être différés ;
4° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables et pour la garde d’enfants ;
5° Déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ;
6° Déplacements résultant d’une obligation de présentation aux services de police ou de gendarmerie nationales ou à tout autre service ou professionnel, imposée par l’autorité de police administrative ou l’autorité judiciaire ;
7° Déplacements résultant d’une convocation émanant d’une juridiction administrative ou de l’autorité judiciaire ;
8° Déplacements aux seules fins de participer à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative et dans les conditions qu’elle précise ou pour se rendre à des examens ou des concours.
Les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions se munissent, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions. »

 

 

XI. Quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités ?

 

XI.A. Un pouvoir d’avis prévu par le décret

 

Les maires ont un pouvoir de donner un avis sur un certain nombre de décisions préfectorales en matière :

  • d’ouverture de plages, plans d’eau, lacs, activités nautiques et de plaisance (voir ci-avant IV)
  • de fermeture de halles et marchés (voir ci-avant V)
  • d’ouverture de musées ou de monuments et parcs zoologiques dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture n’est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population (voir ci-avant VI.B.)
  • de fermeture de certains ERP (voir ci-avant VI.C.)

 

 

XI.B. Un pouvoir, non écrit mais réel, de proposition aux dérogations préfectorales

 

Le préfet dispose de divers pouvoirs de dérogations notamment en matière d’établissements recevant du public. Certes les préfets ne peuvent-ils pas tout.

Ils ne peuvent pas rouvrir des parcs et jardins en zone rouge, par exemple, nonobstant les tapages médiatiques, dénués de toute base juridique, à ce sujet (sic).

Mais tout de même, nous avons vu ci-avant (voir supra IV., V, VI et VIII…) combien les pouvoirs préfectoraux étaient vastes et rien n’interdit au maire de faire, informellement, des propositions…

 

XI.C. Un pouvoir de police à bâtir solidement au cas par cas sur la base de circonstances locales réellement spécifiques, justifiant de mesures proportionnellement spécifique

Le maire (et parfois le président de l’EPCI à fiscalité propre dans certains domaines sauf re-transfert de la compétence aux maires… voir les articles L. 5211-9-1 et L. 5211-9-2 du CGCT…) dispose certes aussi d’un pouvoir de police générale. Et il peut en user même dans ces domaines où le Préfet dispose de pouvoirs de police spéciale.

Et, même, commencent à se trouver quelques arrêtés de police de maires (couvre-feu ; refus d’arrivée de vacanciers…) non censurés par le juge, au milieu d’un océan de censures en référé.

Le secret de ces maires ? Celui de bien respecter la grille de lecture imposée par une décision du Conseil d’Etat du 17 avril 2020… autrement dit, il faut bâtir solidement son arrêté de police avec mesure (limitations sur le fond, dans le temps et l’espace…), au cas par cas, avec des sur la base de circonstances locales réellement spécifiques (et que l’on peut prouver), justifiant de mesures proportionnellement spécifique à ce danger spécial qu’il s’agit d’obvier. Si ce mode d’emploi n’est pas scrupuleusement respecté, la censure est certaine.

Sources : CE, ord., 17 avril 2020, n°440057.  Voir aussi : TA de Montpellier, ord., 26 mars 2020, n° 2001502  ; TA de la Guadeloupe, ord. 27 mars 2020, n°2000294 ; TA Caen ord., 31 mars 2020, n°2000711  ; TA de Montpellier, ord., 31 mars 2020, n° 2001567  ; TA Versailles, ord. 3 avril 3020, n° 2002287 (refus de dérogation de réouverture d’un marché)  ;  TA de Montpellier, ord., 3 avril 2020, n° 2001599  ; TA Montreuil, ord. 3 avril 2020, n°2003861 (couvre-feu) ;  TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001647  ; TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001660  ; TA Cergy-Pontoise, ord., 9 avril 2020, LDH, n°2003905 ; TA de La Guadeloupe, ord.,  20 avril 2020, n°2000340 ;  TA Nancy, ord. 21 avril 2020, n°2001055 ; TA Nice, ord., 22 avril 2020, n°200178 ; TA Toulon, 23 avril 2020, LDH, n° 2001178  ; TA Nantes, ord., 24 avril 2020, n°2004365 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 24 avril 2020, n°2004143 ;  CE, ord. 24 avril 2020, n° 440177 ;  TA Cergy-Pontoise, ord., 27 avril 2020, n°2004144 ; TA Nantes, ord., 28 avril 2020, n°2004501 (couvre-feu) ;  TA Bordeaux, ord., 28 avril 2020, n°2001867 (circulation ; recevabilité des référés liberté) ; CE, ord., 30 avril 2020, n°440179 (vélo) ; CE, ord., 30 avril 2020, n° 440267 (déplacement) ; TA Grenoble, ord., 28 avril 2020, 20022394 (refus d’arrivée de nouveaux vacanciers)…

Voir :

 

XI.D. Une responsabilité claire en tant que gestionnaire d’ERP, que responsable des halles et marchés et/ou des espaces verts, en tant qu’employeur…

Surtout, les collectivités seront concernées et leur responsabilité au besoin sera engagée (voire celle, au pénal, de leurs décideurs locaux) en tant qu’employeur ou que gestionnaire de ces établissements ou équipements ou services publics. Des halles et marchés gérés en régie feront peser de plein fouet la responsabilité de l’organisation des gestes et mesures barrières sur les épaules de la commune ou de l’EPCI compétent, par exemple.

 

XI.E. Une responsabilité pénale à ne pas sous-estimer, nonobstant les atténuations très limitées de la loi du 11 mai 2020…

A ce sujet, que risque (au delà d’une amende…) un maire qui par exemple :

  • rouvrirait un marché de plein air ou une halle fermée au commerce par décision préfectorale
  • accueillerait du public dans des parcs et jardins qui seraient pourtant fermés de plein droit car situés en zone rouge (voir ci-avant III.)
  • accueillerait, en zone verte (où parcs et jardins sont par défaut ouverts) du public dans des établissements de plein air en dehors des cas autorisés pour certaines pratiques sportives ou de pêche (voir ci-avant III.)
  • etc. ?

Distinguons 5 risques à ce sujet.

 

XI.E.1. Le risque d’annulation

Naturellement, s’impose d’emblée un premier risque : celui de l‘annulation de la mesure prise par la collectivité devant le juge administratif.

Ce n’est pas ce qui freine le plus certains maires, mais c’est un paramètre tout de même…

 

XI.E.2. La responsabilité indemnitaire

Moins connue, s’y ajoute la responsabilité administrative de la collectivité.

Exemples :

  • indemnisation d’une entreprise pour un marché de plein air fermé illégalement par arrêté municipal par exemple,
  • ou en sens inverse perte de revenus pour un auto-entrepreneur rendu malade en raison d’insuffisantes mesures de sécurité provenant de manière claire des agissements illégaux de la commune…

Ce risque sera rare, car difficile à prouver et moins usuel pour nombre d’avocats que les voies de l’annulation  ou du pénal. 

XI.E.3. La contravention pénale

Naturellement le décideur local est comme tout contrevenant : il peut se voir sanctionner au titre d’une contravention pour avoir violé telle ou telle règle du nouveau décret (135 euros la plupart du temps mais les peines en cas de récidive grimpent vite…).

 

XI.E.4. La mise en danger délibérée d’autrui : une infraction qui peut être très lourde et tentante pour un juge pénal

Plus dangereuse pour le décideur local est l’infraction de mise en danger délibérée de la vie d’autrui par la violation délibérée d’une mesure identifiée de sécurité (art. 223-1 du Code pénal… un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).

Ce délit ne réprimera certes que des cas graves, manifestement volontaires, aux violations de règles de sécurité vraiment dangereuses (et encore ces règles doivent-elles être obligatoires et leur méconnaissance doit vraiment faire entraîner, directement, un péril précis). Mais…

Mais pour les cas de graves imprudences face à des règles de sécurité précises (et ce décret n’en manque pas…), ce risque est réel. Et, même, il peut être tentant pour un juge pénal (difficile de prouver que telle ou telle personne est décédée de la maladie à cause de la mairie… mais il est facile de prouver que le maire a dit qu’il voulait passer outre telle ou telle règle de sécurité vraiment importante et obligatoire…). 

NB : idem pour les chantiers via l’obligation de sécurité de l’article L. 4531-1 du Code du travail.  

 

XI.E.5. L’homicide ou les blessures par imprudence… une infraction plus dangereuse qu’il n’y paraît et la loi du 11 mai 2020 n’y changera pas grand chose.

 

l’homicide ou les blessures par négligence ou imprudence ne sont pas à négliger non plus en pareil cas, nonobstant les problèmes de preuve pour les victimes ou leurs ayant-droits, et pour le Parquet, en de pareils cas.

Depuis la loi « Fauchon » (en fait préparée par plusieurs sénateurs, dont bien sûr, en premier plan, le Sénateur Fauchon) n° 2000-647 du 10 juillet 2000 (insérée dans les disposions, aujourd’hui, à l’article 121-3 code pénal) « tendant à préciser la définition des délits non intentionnels », il importe de distinguer deux situations en matière d’infractions commises, non pas volontairement, mais par négligence ou par imprudence :

  • cas 1 : soit le comportement du prévenu a causé directement le dommage : la simple imprudence, négligence, maladresse, suffisent alors à constituer le délit… Sur ce point, la loi Fauchon et la jurisprudence qui ont suivi n’ont rien changé 
  • soit la personne poursuivie n’a « que » créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter. Dans ce cas, elle ne sera condamnée que :
    • cas 2 : soit si elle a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement… … Sur ce point, la loi Fauchon et la jurisprudence qui ont suivi n’ont rien changé 
    • cas 3 : soit si elle a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité et qu’elle ne pouvait ignorer….

C’est sur ce dernier point que certaines affaires ont vu leur cours changer (par exemple , relaxe en appel de Mme le Maire de l’Ile d’Ouessant condamnée en première instance pour ne pas avoir interdit ou fortement déconseillé la pratique du vélo sur les chemins en hauteur des falaises…). Mais dans l’ensemble, force est de constater que le juge a plutôt eu la main lourde, voyant des fautes caractérisées là où le commun des mortels verrait plutôt un péché véniel… 

Voir à ce sujet un rapport que nous avions fait pour l’ANEM, en présence du Sénateur Fauchon, pour les 5 ans de la loi portant son nom. Ce rapport est dans ses grandes lignes encore tout à fait d’actualité :

 

En matière de Covid-19, les décideurs locaux :

  • ne seront presque jamais la cause directe du préjudice au sens de cette loi Fauchon (cas 1 au sens de la nomenclature ci-avant)
  • ne violeront que rarement des normes identifiées, obligatoires, dont la violation peut entraîner un risque grave et immédiat pour autrui (cas 2 au sens de la nomenclature ci-avant)
  • mais peuvent commettre des fautes caractérisées dans ce domaine (en matière scolaire par exemple). Cela dit… au pénal… sauf chaîne statistique considérable, avant de prouver l’imputabilité d’une contamination à tel ou tel acte d’un décideur local, il y a une marge énorme qui ne sera presque jamais franchie. Les dangers sont donc surtout à redouter dans les actions identifiables, précises (fourniture de savon ; respect des procédures lors de l’identification d’un cas déterminé, etc.)

 

Sur ce point est intervenue la loi du 11 mai 2020 :

 

Ce qui conduit à l’insertion dans le code de la santé publique de l’insipide mention ci-après :

« Art. L. 3136-2. – L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. »

Bref :

  • on nous rappelle que pour les infractions involontaires, on applique l’article 121-3 code pénal, i.e. la loi Fauchon (certes…)
  • et qu’alors le juge pénal doit faire une analyse in concreto (certes… comme toujours) en appréciant les moyens dont on disposait et la nature de ses missions ou fonctions (certes…).

Donc on rappelle au juge son mode d’emploi. Avec des éléments peut être un peu plus précis, en tous cas précisément énumérés (ce que ne fait pas le code pénal à ce jour)…

Quant à la nouveauté d’une distinction selon les niveaux d’intervention qui serait apportée par ce texte, et qui a ouvert les vannes de nombreuses gloses, il nous sera permis d’en relativiser vivement la nouveauté…

Toutefois, et nonobstant la révérence due à nos amis magistrats, notre expérience nous prouve qu’hélas il est parfois utile, et même difficile, de leur rappeler. Donc ce texte est surtout pédagogique, mais il n’en est pour le moins pas malvenu.

Cela dit, protégerait-il un élu qui violerait une règle de sécurité identifiée ? NON.

 

A chacun ensuite de doser les risques au cas par cas en se souvenant qu’une fois qu’un accident arrive ou qu’un rebond de pandémie nous revient… les habitants qui vous demandaient l’ouverture de tel ou tel équipement sont les mêmes que ceux qui vous en feront, ensuite, le reproche…