Au JO de ce matin se trouve le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020 (NOR: INTA2011843D).
Survolons ensemble son contenu et le calendrier à venir pour ces communes.
- I. Qui est concerné ?
- II. Et dans les communes de moins de mille habitants où parfois il ne reste qu’un ou quelques conseillers à élire ?
- III. Que déduire de la mention de la notice du décret sur le fait qu’une loi va intervenir à ce sujet. Cela est-il un indice sur le point de savoir si on aura, ou non, un second tour des élections dès juin ?
- IV. Et à Paris ?
- V. Qu’avait dit le conseil scientifique ?
- VI. Et quel est le calendrier prévisionnel dans les communes où le conseil municipal a été recomposé dès le 1er tour ?
- VII. Et entre le 18 mai et la date d’installation des conseils (entre le 23 et le 28 mai), aura-t-on une sorte de double indemnité de fonctions ?
- VIII. Et pour les EPCI à fiscalité propre qui ne sont composés que de communes où l’élection a été acquise dès le premier tour, quel devient le calendrier ?
- IX. Quelles seront les modalités d’installation de ces conseils municipaux, communautaires et métropolitains, dans tous ces territoires où nul second tour n’est requis ?
- X. Et dans les autres communes ou intercommunalités ? là où un second tour des élections est nécessaire ?
- XI. Rappel du schéma global
- XII. Voici ce décret
N.B. : une note et une circulaire sont venus compléter et expliciter ce décret. Voir :
I. Qui est concerné ?
Les communes dont le conseil municipal a été entièrement recomposé à l’occasion des élections du 15 mars dernier.
Le III de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (voir La loi ordinaire Covid-19 au JO de ce matin : voici le texte ainsi qu’un court décryptage ) avait prévu que, pour ces communes, pour l’installation au plus tard en juin, il suffisait pour cela d’avoir l’avis du comité de scientifiques puis d’un décret.
Dans ces communes, l’élection a été acquise, et donc maintenant que le déconfinement commence timidement et qu’une ordonnance a été prise (la 2020-562 du 13 mai 2020), l’installation du conseil municipal peut se tenir :
Nonobstant quelques débats juridiques :
II. Et dans les communes de moins de mille habitants où parfois il ne reste qu’un ou quelques conseillers à élire ?
Il suffit d’un seul siège de conseil municipal non pourvu dès le premier tour, dès le 15 mars dernier, pour que le conseil municipal en poste avant le 1er tour reste en fonctions.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants partiellement renouvelées, les modalités d’entrée en fonction des conseillers élus lors du scrutin du 15 mars seront précisées par des mesures législatives à venir… nous dit la notice du décret.
Voir ci-après III.
III. Que déduire de la mention de la notice du décret sur le fait qu’une loi va intervenir à ce sujet. Cela est-il un indice sur le point de savoir si on aura, ou non, un second tour des élections dès juin ?
Or, que dit la loi ? Que si les élections ont lieu en juin, l’installation des conseillers (là où il y a besoin d’un second tour) a lieu au lendemain dudit second tour. Et que si l’élection ne peut sanitairement avoir lieu en juin, alors il faut une loi.
Donc le rédacteur de la notice part implicitement du principe que le second tour aura lieu soit à la rentrée (septembre – octobre 2020) soit en mars 2021.
Et comme nous on va partir du principe que le rédacteur de ladite notice est mieux informé que nous sur l’état des discussions à ce sujet, alors oui on a là un indice, mais un indice seulement, sur le fait qu’on devrait avoir un report des municipales (premier et second tour donc) via une loi à venir, à ce sujet. Mais tout peut encore changer… pour des raisons politiques, sanitaires, ou autre.
Voir à ces sujets :
IV. Et à Paris ?
Ce décret ne concerne pas non plus les conseillers d’arrondissement et les conseillers de Paris (dont l’entrée en fonctions aura lieu à la suite du second tour de l’élection ou, s’il n’y a pas lieu — pour l’unique arrondissement où l’élection a été acquise au premier tour —, dans les conditions prévues par un prochain vecteur législatif).
V. Qu’avait dit le conseil scientifique ?
Nous avions déjà eu l’avis dudit comité scientifique :
… qui :
- donne des mesures de prudence pour une réunion en présentiel avec respect de la règle des 4m2 par personne quitte à ce qu’on se réunisse ailleurs qu’en mairie
- suggère le huis clos et l’abaissement du quorum (cette dernière mesure pour une élection est démocratiquement tout de même problématique…), ainsi que des souplesses en matière de procurations
- conseil un ordre du jour très limité pour limiter la durée de la réunion (sic)
- propose des réunions en visioconférence pour d’autres réunions
- transpose ensuite tout ceci aux EPCI
VI. Et quel est le calendrier prévisionnel dans les communes où le conseil municipal a été recomposé dès le 1er tour ?
Le décret fixe au 18 mai la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires des communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales.
PUIS le décret est muet. Il ne dit rien de plus. Et pour cause : la loi précitée du 23 mars nous donne la suite du mode d’emploi via les points III et suivants de son article 19 :
« La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction. »…
Il ne s’agit pas de jours francs, donc on va supposer que ce sont des jours calendaires normaux, et donc cela nous
DONC les réunions d’installation du conseil doivent avoir lieu entre le 23 mai et le 28 mai 2020, ces dates étant incluses.
… ce qui correspond d’ailleurs aux informations que l’on connaissait depuis le 12 mai dernier :
VOIR UNE MINI VIDÉO D’À PEINE PLUS DE 3 MN À CE SUJET :
VII. Et entre le 18 mai et la date d’installation des conseils (entre le 23 et le 28 mai), aura-t-on une sorte de double indemnité de fonctions ?
Non. Voir :
VIII. Et pour les EPCI à fiscalité propre qui ne sont composés que de communes où l’élection a été acquise dès le premier tour, quel devient le calendrier ?
La loi Covid-19 du 23 mars 2020, précitée, prévoit un délai spécial :
« l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III. »
Pas de chance : ledit premier alinéa prévoit deux dates : celle de l’entrée en fonctions (le 18 mai) et les dates ensuite d’installation du conseil (entre le 23 et le 28 mai donc).
MAIS :
- la date d’entrée en fonctions est une date
- l’autre est un délai
DONC il est raisonnable en droit de faire partir le délai de 3 semaines à compter du 18 mai.
… ce qui nous conduit à une date d’installation de ces conseils communautaire ou métropolitains, pour les EPCI uniquement composés de communes où l’élection a été acquise au premier tour… au plus tard le 7 juin. Car là encore il ne s’agit pas d’un délai franc.
Si au lieu de compter en semaines complètes on calcule cela jour par jour, on pourrait même défendre la légalité des dates du 8, voire du 9 juin. Mais pourquoi prendre le moindre risque ?
IX. Quelles seront les modalités d’installation de ces conseils municipaux, communautaires et métropolitains, dans tous ces territoires où nul second tour n’est requis ?
Ce point a été traité par la loi du 23 mars 2020, précitée, puis — surtout — par trois ordonnances (25 mars, 1er avril 2020 et n° 2020-562 du 13 mai 2020), dont une publiée au JO d’hier.
Maires et adjoints dans les communes où l’élection a été acquise dès le 15 mars vont être élus avec un quorum de 1/3 des membres du conseil (quorum applicable en ces temps d’état d’urgence sanitaire) !
Mais les procurations ne seront pas à prendre en compte dans ledit quorum par dérogation au droit applicable en ces temps d’état d’urgence sanitaire (hors élection du maire et des adjoints, on revient à la règle de l’état d’urgence sanitaire selon laquelle les procurations sont à prendre en compte pour le quorum).
Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, le conseil municipal est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle (classique…). En ce cas, et en ce cas seulement (là aussi on retrouve le droit commun), le conseil municipal délibère alors sans condition de quorum.
Attention : la nouvelle ordonnance confirme le droit déjà fixé par les ordonnances propres à l’état d’urgence sanitaire, selon lequel, dans tous les cas, un conseiller municipal peut être porteur de deux pouvoirs.
N.B. : rappel le conseil municipal d’installation peut être convoqué de toute manière dans un délai de trois jours francs (même pour les communes au delà du seuil de 35 00 habitants) mais ce délai ne s’applique pas aux EPCI (art. L. 2121-7 du CGCT ; CE, 22 juillet 2015, n°383072).
Les modalités de convocation sont de toute manière assouplies :
- Comment réunir l’organe délibérant d’une collectivité durant le Covid-19 ? [VIDEO]
- Comment réunir l’organe délibérant d’une collectivité durant le Covid-19 ?
L’article 9 de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 prévoit la possibilité, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, de réunir le conseil municipal en tout lieu, y compris dans un lieu situé hors du territoire de la commune. Cette disposition facilitera les réunions des conseils municipaux (indispensables notamment pour l’élection du maire) qui pourront être organisées dans des endroits permettant un meilleur respect des gestes barrières.
Attention : tel que le texte est rédigé (hélas…), il semble qu’il revienne au conseil de décider dudit lieu. Deux solutions donc :
- soit le conseil actuel décide dudit lieu mais avec une installation des nouveaux conseils (pour les cas des communes où l’élection a été acquise dès le 1er tour) au 18 mai cela va être difficile (sauf à estimer que c’est un sujet urgent, ce qui se discute ; voir Installation des conseils municipaux dans les communes où l’élection a été acquise au 1er tour : le décret est au JO de ce matin )
- soit il faut estimer que ce pouvoir revient à l’autorité qui convoque le conseil à charge pour ledit conseil d’approuver (ou non) cette décision lors dudit conseil, ce qui est un peu éloigné du texte mais présente l’avantage d’être opérationnel (nous pensons qu’un juge éventuellement saisi accepterait cette interprétation). A noter : la formulation de la fin du nouvel article selon lequel « le maire informe préalablement le représentant de l’Etat dans le département du lieu choisi pour la réunion du conseil municipal » va dans le sens de cette interprétation (merci à M. Pascal Cochet de mes échanges avec lui sur ce point). La position de la DGCL est également que ce choix revient au maire qui convoque (voir ici).
NB : ATTENTION le droit intercommunal est souple sur cette question (mais encore faut-il avoir une délibération…). En raison d’un oubli ou d’une confiance (exagérée) sur le fait que chaque EPCI aurait délibéré… les rédacteurs de l’ordonnance ont porté leur attention sur l’article du CGCT propre au droit municipal et ont omis de déroger à l’article sur ce point propre au droit de l’intercommunalité…
L’article 10 de ce même texte permet au maire, au président d’une collectivité locale ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de décider, en amont de la réunion du conseil municipal, que celle-ci aura lieu sans présence de public ou avec un effectif limité et adapté à la salle et au respect des mesures barrières. Le caractère public de la réunion pourra être assurée par sa retransmission en direct.
Sur la retransmission en direct, entre contraintes juridiques et solutions techniques, voir :
Pour en savoir plus, voir :
X. Et dans les autres communes ou intercommunalités ? là où un second tour des élections est nécessaire ?
Voir :
- Probable report des élections (2nd tour voire, probablement, 1er et 2nd tour) au delà de juin : esquisses de réponses à une question juridico-politique sensible…
- Covid-19 : quels scénarios, maintenant, pour les municipales ? [courte VIDEO]
Dans ces communes :
- les exécutifs restent en place (y compris depuis l’ordonnance d’hier les membres de bureaux intercommunaux qui ne sont ni président ni vice-présidents)
- avec un régime de report des délégations des articles L. 2122-22 et L. 5211-10 du CGCT selon des modalités complexes.
Voir :
- Comment réunir l’organe délibérant d’une collectivité durant le Covid-19 ? [VIDEO]
- Quels sont les pouvoirs institutionnels des exécutifs locaux en ces temps de Covid-19 ? [VIDEO]
- Au JO de ce matin : les collectivités armées pour la tempête ; l’exécutif seul maître à bord ; la mutinerie (au besoin en visioconférence…) est cependant permise…
- Conseils municipaux en temps de Covid-19 : comment rendre « publique » une séance téléphonique ou en visioconférence ?
- Démissions, décès… Quelle continuité de l’exécutif local durant l’état d’urgence sanitaire ?
- Comment réunir l’organe délibérant d’une collectivité durant le Covid-19 ?
- Covid-19 : il y a-t-il maintien de l’obligation de réunir, trimestriellement, les assemblées délibérantes locales ? [spoiler : la réponse est moins uniforme qu’il n’y paraît… mais ce n’est pas bien grave]
- Quelles sont les compétences des communes et intercommunalités par les temps qui courent ?
- Probable report des élections (2nd tour voire, probablement, 1er et 2nd tour) au delà de juin : esquisses de réponses à une question juridico-politique sensible…
- EPCI à fiscalité propre : quand changerons-nous d’organe délibérant ? d’exécutifs ?
Voir aussi
XI. Rappel du schéma global
Voici un schéma que nous avons pu produire dans le cadre de nos travaux pour synthétiser cette gouvernance et ses « 3 temps » :
Gouvernance transitoire COVID19
NB : ce schéma n’est pas utilisable sans notre autorisation
(droits d’auteurs : cabinet Landot & associés)
XII. Voici ce décret
Décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020
NOR: INTA2011843D
Décrète :
Pour l’application, d’une part, du premier alinéa du III de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, et d’autre part, de l’article 4 de l’ordonnance du 22 avril 2020 susvisée, les conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dans lesquelles le conseil municipal a été élu au complet lors du scrutin organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction le 18 mai 2020.
Le ministre de l’intérieur, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la ministre des outre-mer et le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française, et entrera en vigueur le lendemain de sa publication sur l’ensemble du territoire de la République.
Fait le 14 mai 2020.
Edouard Philippe
Par le Premier ministre :
Le ministre de l’intérieur,
Christophe Castaner
La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales,
Jacqueline Gourault
La ministre des outre-mer,
Annick Girardin
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