Des pompiers antivaxx tentent d’éteindre leur obligation vaccinale en demandant des « mesures provisoires » à… la CEDH. Leur recours a fait long feu. Quelles leçons en tirer ?

672 sapeurs-pompiers ont tenté de saisir en référé (mesures provisoires) la CEDH contre l’obligation vaccinale qui leur est imposée en France.

Leur recours en référé est (évidemment !) rejeté (suspendre une législation nationale de ce type n’est pas une mesure provisoire au sens de la CEDH). On peut y voir un indice selon lequel, conformément à d’autres décisions récentes, cette vaccination n’est pas ou ne sera pas considérée par la CEDH comme imposant « à un risque réel de dommages irréparables » à ces agents. 

Mais il ne faut pas en tirer des leçons excessives, car la CEDH, qui est une juridiction qui normalement n’est saisie qu’après épuisement des recours de droit interne, n’accepte que rarement de telles « mesures provisoires ». La seule leçon à en tirer avec certitude est donc l’extrême optimisme contentieux des requérants en l’espèce dans le cadre d’un débat qui de toute manière laisse pantois… 

 


 

Certains agents publics, depuis loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, ont l’obligation d’être vaccinés contre la Covid-19.

Nous avons tenté de distinguer lesquels, y compris dans quelques cas débattus, dans l’article ci-dessous :

 

A défaut, un régime de prise de congés, voire de suspension, est prévu. Nous avons tenté de le décrire dans la vidéo ci-dessous :

Voici donc cette vidéo, présentée en 6 mn 48 par Me Guillaume GLENARD, avocat associé au cabinet Landot & associés :

https://youtu.be/gBrtQUIeSpw

 

Voir aussi :

 

Et, moins, directement :

 

Sources juridiques : loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire (NOR : PRMX2121946L) ; décision du Conseil constitutionnel n° 2021-824 DC du 5 août 2021 ; Décision n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 ; CE, ord., 6 juillet 2021, 453505 ; Avis du Conseil d’Etat, non contentieux, section sociale, 19 juillet 2021, n°403.629 (important) ; CE, ord., 26 juillet 2021, n° 454754 ; CE, ord., 26 juillet 2021, n° 454792-454818 ; CE, ord., 26 juillet 2021, n° 454832 ; décrets n° 2021-1056, n° 2021-1058 et n° 2021-1059 du 7 août 2021 ; voir aussi une circulaire du 4 août 2021, une autre du 10 août 2021 et deux du 11 août 2021, en accès sur notre blog (voir les liens vers nos articles, ci-avant).

 

Dans ce cadre, avec les polémiques ébouriffantes que nous connaissons alimentées par de puissantes expertises sur Twitter et dans quelques médias, le 19 août 2021, 672 sapeurs-pompiers (professionnels et volontaires) des Services départementaux d’incendie et de secours de France (SDIS) ou travaillant dans le milieu hospitalier ont carrément saisi la CEDH (Cour européenne des Droits de l’Homme)… qui est une Cour que l’on ne saisit normalement qu’après épuisement des voies de droit interne.

OUI mais ces requérants (sous le numéro de requête 41950/21, Abgrall et 671 autres c. France) ont tenté une procédure d’urgence en se fondant sur les articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Leurs demandes étaient à ce titre radicales :

– À titre principal, de « suspendre l’obligation vaccinale telle que prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 ».

– À titre subsidiaire, de « suspendre les dispositions prévoyant l’interdiction d’exercer leur activité, opposée aux personnes n’ayant pas satisfait à l’obligation vaccinale », et de « suspendre les dispositions prévoyant l’interruption du versement de leur rémunération pour les personnes qui n’auraient pas satisfait à l’obligation vaccinale, telle que prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 ».

Passons sur tout ce que l’on aurait envie de dire sur ce sujet.

Revenons au droit pur.

En droit pur :

  • l’article 39 du règlement de la CEDH limite de tels référés à l’adoption de mesures provisoires dans des cas très particuliers, à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l’absence de telles mesures – à un risque réel de dommages irréparables. Sur cette notion, voir cette excellente fiche faite par les services de cette Cour, dont on rappelle qu’elle relève du Conseil de l’Europe (rien à avoir avec les institutions de l’UE donc) et qu’elle siège à Strasbourg :
  • de toute manière sur les obligations vaccinales on a envie de rappeler aux requérants que la position de la CEDH semble assez fixée par la décision de la CEDH n° 47621/13 du 8 avril 2021, Vavricka c. République tchèque, paragr. 265 à 311… et qu’à cette aune là je ne parie vraiment pas sur les chances de ces requérants, indépendamment de ce que chacun peut penser sur ce point d’un point de vue extra-juridique… et pour tout dire s’agissant de nombreuses personnes d’un point de vue extra-scientifique.

 

Conclusions :

  • les requérants étaient très optimistes sur ces procédures. Y’en a qui osent tout…
  • pour la CEDH, la vaccination à court terme ne fait donc pas courir è n risque réel de dommages irréparables » à ces agents, même s’il ne faut pas sur-interpréter une décision rendue dans cette sorte de référé devant la CEDH
  • mais bon si l’on combine cela avec la décision
  • de la CEDH n° 47621/13 du 8 avril 2021, Vavricka c. République tchèque… je ne parie pas du tout sur les chances de ces requérants au fond, à terme, quand ils y viendront.

 

Source : CEDH, 25 août 2021, Abgrall c. France, n° 41950/21