Pour éviter la notation à la tête du client, le juge impose de longue date à l’Education nationale ne pouvoir accepter des demandes d’octroi d’un contrat simple présentées par un établissement privé d’enseignement qu’à l’aune, stricte, des seules conditions limitativement fixées par les articles L. 442-12, L. 442-13 et L. 442-14 du code de l’éducation.
Citons notamment les 3e et 4e alinéas de l’article L. 442-12 de ce code :
« Peuvent bénéficier d’un contrat simple les établissements justifiant des seules conditions suivantes : durée de fonctionnement, qualification des maîtres, nombre d’élèves, salubrité des locaux scolaires. Ces conditions sont précisées par décret.
« Les communes peuvent participer dans les conditions qui sont déterminées par décret aux dépenses des établissements privés qui bénéficient d’un contrat simple. […]»
… et son article L. 442-13 :
« La conclusion des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12 est subordonnée, en ce qui concerne les classes des écoles privées, au respect des règles et critères retenus pour l’ouverture et la fermeture des classes correspondantes de l’enseignement public, toutes conditions de fonctionnement étant égales.
« En ce qui concerne les classes des établissements d’enseignement privés du second degré, la conclusion des contrats est subordonnée aux règles et critères mentionnés à l’alinéa précédent et, en outre, à la compatibilité avec l’évaluation de l’ensemble des besoins figurant aux schémas prévisionnels, aux plans régionaux et à la carte des formations supérieures prévus aux articles L. 214-1 et L. 214-2. »
Sources : CE, Section, 13 janvier 1965, Association d’ Education populaire des Ecoles libres de Réalmont, n° 60046, rec. p. 28 ; CE, 1er octobre 1993, Messager et Association « Ecole de la Croix », n° 116557, rec. p. 254.
Le caractère limitatif de ce qui peut être demandé ressort nettement du 3e alinéa, précité, de l’article L. 442-12 de ce code, et la qualification des maîtres conduit à un contrôle non de la qualité, mais des seules qualifications sur le papier.
CEPENDANT le Conseil d’Etat vient sur ce point de faire évoluer sa jurisprudence. La Haute Assemblée vient de rappeler le principe : « La demande d’octroi d’un contrat simple présentée par un établissement privé d’enseignement est examinée par l’administration au regard des seules conditions limitativement fixées par les articles L. 442-12, L. 442-13 et L. 442-14 du code de l’éducation» ….
Donc une liste limitative de critères.
MAIS en y ajoutant un bémol qui en réalité représente l’ajout d’un nouveau critère (le soulignement est, bien sûr, de nous) :
« Cependant, l’administration peut, également, prendre en considération dans son appréciation, sous le contrôle du juge, la capacité de l’établissement à respecter le principe du droit à l’éducation et à garantir l’acquisition des normes minimales de connaissances, en vertu des exigences posées par les articles L. 111-1 et L. 131-1-1 de ce code. »
… ce qui d’ailleurs conduit l’administration à pouvoir prendre son compte ses propres mises en demeure, au risque à l’avenir qu’on puisse « bâtir un dossier » contre telle ou telle école :
« A cet égard, elle peut tenir compte de l’existence d’une mise en demeure adressée par l’Etat au directeur de cet établissement, en application de l’article L. 442-2 du même code, à la suite des contrôles que les autorités académiques doivent mener sur les établissements d’enseignement privés demeurés hors-contrat et portant, notamment, sur le respect de telles normes minimales de connaissances et sur l’accès au droit à l’éducation. »
Sur la forme, le Conseil d’Etat n’a pas résisté à son vieux démon consistant à tenter de faire accroire à une apparence de continuité de sa jurisprudence même quand il opère un tête-à-queue.
Mais nuançons toute moquerie car :
- en droit, la position du Conseil d’Etat n’est pas sans logique au regard des principes des articles L. 111-1 et L. 131-1-1 de ce code…. comment admettre qu’une école ne puisse garantir les standards minima d’éducation de notre jeunesse ?
- en opportunité, le développement d’écoles sous contrat simple avec un très faible niveau de formation, avec des financements et des buts pédagogiques parfois inquiétants (pas toujours, précisons-le car ce point importe) est un phénomène qu’il est légitime de contrer.
En revanche, si un établissement est de qualité mais qu’il est victime de sa mauvaise image auprès des services de l’Education nationale, quels seront ses moyens de prouver sa qualité ? Ce point ne pourra qu’inquiéter ceux qui sont épris de Justice et d’égalité de traitement…
Source : CE, 3 septembre 2021, n° 439008, à mentionner aux tables du recueil Lebon
Voir aussi :
- Ecoles privées : temps souple pour l’administration, temps rigide pour le demandeur
- Un tour de vis supplémentaire en matière d’ouverture d’écoles privées au JO
- Ecoles privées : la privation de cour ne prive pas de cours
- Le maire qui bloque la création d’une école musulmane ne peut en plus faire, faute d’urgence, un référé suspension à ce même sujet contre l’Etat
- Le CE valide le décret de 2016 sur le contrôle des écoles hors contrat et sur l’instruction à domicile
- Décryptage de la loi Blanquer [ARTICLE + TUTO VIDÉO + INTERVIEW]
- Instruction à domicile : le Conseil d’Etat valide le principe des contrôles inopinés
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- La Loi «séparatisme » (respect des principes de la République ou RPR), arrimée au JO de ce matin
- Le décret « écoles privées » au JO
- Cf. aussi l’interview de M. F. Burnier ici : Future loi principes de la République /séparatisme » : état des lieux avant CMP [VIDEO avec Weka]
- voir aussi :
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