Cirque juridique en droit administratif : suite et pas fin (mise à jour au 22/03/2018 avec trois nouvelles décisions de Justice)

(mise à jour au 22/03/2018)

 

I. L’homme et l’animal : des rapports à redéfinir ?

 

Le phénomène est massif et il remet en question notre projection sur le monde qui nous environne mais aussi sur notre propre humanité : l’Humain n’est pas certain d’être très différent de l’animal, et donc il hésite désormais à traiter l’animal comme il le fit durant des millions d’années.

Les scientifiques, eux-mêmes, tâtonnent. Les points de frontière entre humain et animal n’ont-ils pas fortement varié en quelques décennies ? L’homme fut caractérisé :

  • par l’outil… avant que l’on ne découvre des singes et, même, des corvidés habiles à concevoir et, surtout, à conserver par devers eux des outils.
  • par le rire… avant que l’on ne découvre de véritables facéties (gratuites, sans autre bénéfice que la moquerie ou l’humour !) chez certains mammifères marins, des chimpanzés, et même, là encore, des oiseaux.
  • par le sentiment de soi, voire de sa propre mortalité, avant que l’on ne comprenne que l’homme n’a pas le monopole du privilège douteux de se savoir périssable.

Combiné avec un détachement entre l’humain urbain et les animaux qui nous éloigne des rapports ruraux et ancestraux… nulle surprise, dès lors, à voir les droits, dans tout le monde occidental du moins,  notamment anglo-saxons, s’interroger sur la catégorie juridique que constitue l’animal.

Le droit public à la française, dans ce cadre, ne peut évacuer toute interrogation, même s’il est (ô surprise…) à la traîne des mouvements de fond de la société sur ce point. Des mouvements de fond qui se révèlent importants en termes d’évolution des sensibilités et, même, des consommations alimentaires (montée en puissance des pratiques végétariennes ou végétaliennes ou, tout simplement, dites « raisonnées »).

 

II. L’homme et l’animal « à consommer » des évolutions lentes et ponctuelles en droit administratif

 

Le droit public a peu à connaître de cet aspect, celui de la consommation, des relations entre humains et animaux. Citons cependant :

Voir aussi : TA Montreuil, 2e chambre, 21 Janvier 2016, req. n° 1409869, Numéro JurisData : 2016-030099 ; Conseil d’État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 5 juillet 2013, n° 361441, Publié au recueil Lebon ; Conseil constitutionnel, 21 février 2013, décision n° 2012-297 QPC ; CE, 2 mai 1973, Association cultuelle des israélites nord-africains de Paris, n° 81861, rec. p. 313 ; CE, 19 mars 2007, Mme Le Gac et autres, n° 300467 et autres, rec. p. 123.  Voir aussi le 1° du I de l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). 

 

III. L’homme et l’animal sauvage : un équilibre plus exigeant, avec quelques tâtonnements

 

Plus importante est la jurisprudence sur les possibilités de lutter contre des espèces animales sauvages (loup, renard… ou autres) avec des décisions qui en gros permettent des abattages avec un contrôle devenu assez strict sur l’équilibre nécessaire entre les mesures adoptées et le risque à obvier (solution classique en matière de pouvoir de police mais avec un contrôle plus strict de cette proportion entre outils et besoins à satisfaire). Voir :

 

Un même équilibre est recherché, avec quelques gros bémols, par le juge s’agissant des mesures de protection à envisager au regard des projets publics. Voir :

 

Naturellement, une ministre ne peut annoncer qu’elle ne verbalisera pas des chasses d’oies sauvages au delà des dates légales… Faut pas prendre le justiciable pour un canard sauvage. Voir l’arrêt, rendu ce jour même en ce sens, par le Conseil d’Etat :

 

MISE A JOUR AU 22 MARS 2018 voir dans le sens d’une légalité de l’arrêté de destruction d’animaux sauvages (daims) en cas de danger pour la sécurité de la circulation sur voie publique, voir :

TA de Lyon, juge des référés, 19 mars 2018, Assoc. One Voice c/ préfet de l’Ardèche, n° 1801588

1801588

 

MISE À JOUR AU 22 MARS 2018 : voir pour une décision de Justice condamnant l’Etat pour une insuffisante protection de l’ours :

 

IV. L’homme et l’animal en captivité : une jurisprudence pour l’instant conservatrice au coeur d’un débat en pleine évolution

 

 

IV.A. Marinelands

 

Plus délicate est la question des animaux en captivité qui remettent en cause l’idée non pas de ce que l’on doit ou peut mettre dans nos assiettes, ou réguler dans la nature, mais de notre propre domination, d’une part, et des libertés ou bien-êtres à laisser à l’animal. Deux exemples cocasses et récents viennent alors à l’esprit en matière de

 

IV.B. Cirques avec animaux sauvages

 

Mais c’est surtout la question des cirques avec animaux sauvages qui fait question.

Voir à ce sujet :

 

 

IV.B.1. L’hippopotame

Le 29 août 2017, est intervenu une décision de Justice administrative en ce domaine, devenu plus controversé, du Cirque.

Le Tribunal administratif de Grenoble avait été saisi, dans le cadre d’un référé suspension, d’un recours formé par une association qui s’inquiétait du sort d’un hippopotame exhibé par un cirque.

Deux décisions du préfet étaient contestées :

  • d’une part, le refus de mettre fin à l’autorisation de présentation de l’hippopotame au public ;
  • d’autre part, le refus de transférer l’animal dans un lieu lui assurant des conditions de vie correcte.

Le juge des référés a estimé que les conditions strictement définies par la loi pour prononcer une suspension de ces décisions n’étaient pas réunies :

  • absence d’urgence pour la présentation au public de l’animal puisque cette décision n’a pas d’effet direct sur ses conditions de vie ;
  • absence de doute sérieux, au vu des pièces produites notamment des avis vétérinaires qui n’établissaient pas la réalité d’une maltraitance, quant à la légalité du refus de transfert de l’hippopotame dans un autre lieu.

Le tribunal administratif reste saisi de l’affaire au fond qui est en cours d’instruction. Mais après une telle ordonnance, rejetant le « doute sérieux » au fond en sus d’un rejet de l’urgence, une annulation au fond s’avère fort hypothétique.

Voici cette ordonnance : TA Grenoble, Ord., 29 août 2017, Association One voice,  n°1704330 :

1704330

 

 

 

IV.B.2. Maya l’éléphante

 

Puis vient le tour de Maya l’éléphante, qui finalement n’étant pas si mal traitée que cela, semble-t-il (voire bien traitée ?) ne sera pas renvoyée en une faune plus sauvage que celle des hommes :

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IV.B.3. L’affaire de Luc en Provence

 

Puis est venue l’affaire de Luc-en-Provence, dont le maire (FN) a souhaité interdire la venue de cirques avec animaux sauvages avant que de voir sa décision censurée par le TA de Toulon (28 décembre 2017, n°1701963). Des extraits de cette décision se promènent sur Internet (twitter notamment) mais à notre connaissance, seul FilDroitPublic a réussi à avoir le jugement en intégralité (à consulter sur ce site pour les abonnés).

Le TA a rejeté les arguments du maire selon lequel les animaux sauvages ne peuvent être bien traités dans un cirque itinérant, avec des espaces de vie réduits et la chaleur estivale. Le Maire a tenté de rattacher sa mesure de police aux « valeurs de respect de la nature et de l’environnement protégés par la constitution ».

La réponse du TA fut sèche, estimant que ces faits ne sont pas établis, d’une part, et que ces éléments ne relèvent pas des troubles à l’ordre public pouvant relever des pouvoirs de police municipale, ce qui selon nous ne va pas de soi d’ailleurs quoi qu’on pense du dossier.

 

 

MISE À JOUR AU 22 MARS 2018 : VOIR DANS LE MÊME SENS

TA MONTREUIL, ORD., 14 MARS 2018, N°1802172 :

1802172

 

 

Voici enfin trouvée la frontière entre l’homme et l’animal ! L’animal, lui, ne fait pas, de cette frontière, tout un cirque…

 

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