Plages, plans d’eau, lacs, activités nautiques et de plaisance : le juge confirme la large marge de manoeuvre du préfet

Le droit covidien en matière de plages, plans d’eau, lacs, activités nautiques et de plaisance est à ce jour fixé par :

Voir :

 

Faisons le point à ce sujet d’autant que le TA de la Martinique vient de se prononcer sur à ce sujet, confirmant la large marge de manoeuvre du préfet en ce domaine. 

 

 

I. Etat sanitaire des eaux de baignade

 

Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, se pose la question de la fréquentation des baignades et de l’utilisation des eaux issues du milieu naturel.

L’analyse de la littérature scientifique ne permet cependant pas de confirmer, à ce jour, la présence de SARS-CoV-2 infectieux dans les eaux du milieu naturel.

Voir, à ce sujet, l’intéressant avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) en date du 1er mai 2020 :

 

Voir aussi une étude de l’Ifremer :

https://wwz.ifremer.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Aucune-trace-de-SARS-CoV-2-dans-les-premiers-echantillons-d-eau-de-mer-et-de-coquillages-analyses

 

II. Régime d’interdiction sauf décision contraire

 

L’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs demeure interdit. Les activités nautiques et de plaisance le sont également.

Le préfet peut toutefois, sur proposition du maire autoriser l’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs et les activités nautiques et de plaisance si sont mis en place les modalités et les contrôles de nature à garantir le respect des dispositions des distances et gestes barrières.

NB : ces règles ont été adaptées spécifiquement pour St Martin et St Barthelemy. 

Sur la responsabilité des acteurs locaux à ce stade, voir :

 

 

III. En cas de réouverture au public : application des règles sanitaires usuelles (gestes et distances barrières ; règles spéciales pour les activités sportives) avec une information spécifique

 

Mais cela ne change rien aux importantes questions de promiscuité et, donc, de contamination entre êtres humains.

Il faut rappeler les règles du décret 2020-548 précité  :

  • distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes
  •  se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon (dont l’accès doit être facilité avec mise à disposition de serviettes à usage unique) ou par une friction hydro-alcoolique
  •  se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ou éternuant dans son coude
  • se moucher dans un mouchoir à usage unique à éliminer immédiatement dans une poubelle 
  • éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux
  • port systématique des masques par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties (sauf handicap attesté par certificat médical)
  • en cas d’exploitation professionnelle (ce qui est une notion plus large et différente de celle d’exploitation commerciale), « lorsque, par sa nature même, une activité professionnelle, quel que soit son lieu d’exercice, ne permet pas de maintenir la distanciation entre le professionnel et le client ou l’usager, le professionnel concerné met en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir les risques de propagation du virus » 
  • pour les cas de sport dans les établissements ouverts au public en plein air (selon un régime complexe avec une différence entre zones rouges et vertes), la distanciation physique imposée est de cinq mètres pour une activité physique et sportive modérée et de dix mètres pour une activité physique et sportive intense. Mais à ce sujet, voir Parcs et jardins, rassemblements, établissements recevant du public… Quelles sont les règles ? Quelles sont les marges de manoeuvre des collectivités ? 
  • ces règles sont aménagées en cas de handicap. Dès lors que par nature le maintien de la distanciation physique n’est pas possible entre la personne en situation de handicap et la personne qui l’accompagne, cette dernière doit mettre en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus (art. 14 du décret).
  • Tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République. Mais les ERP autorisés à recevoir du public peuvent recevoir plus de 10 personnes si les gestes et distances barrières sont respectées. Le transports de voyageurs ont leurs propres règles, à part. Le préfet peut prendre de mesures plus strictes, voire en sens inverse autoriser des rassemblements, réunions ou activités indispensables à la continuité de la vie de la Nation.

 

S’y ajoutent de nombreuses normes et divers avis (du HCSP et du conseil scientifique Covid-19 notamment) qui en droit sont des avis ou des conseils, des recommandations, mais pas des normes impératives (distinction importante en cas de victime, en droit de la responsabilité).

Sur les activités sportives, voir aussi :

 

Dans les établissements recevant du public (ERP) ouverts au public, l’exploitant (via des articles un peu épars dans le décret…) :

  • met en œuvre ces mesures
  • peut même limiter l’accès à l’établissement à cette fin et/ou en subordonner l’accès au port d’un masque de protection répondant aux caractéristiques techniques fixées par arrêté interministériel.
  • informe les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».

NB voir aussi :

 

Attention : l’autorité gestionnaire du site, respectivement pour les parcs, les jardins, les espaces verts aménagés dans les zones urbaines, les plages, les plans d’eau, les lacs, les centres d’activités nautiques, les ports de plaisance et les marchés doit informer les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».

 

Ce droit est à distinguer de celui des Parcs et jardins et des établissements de plein air (PA). A ces sujets, voir :

 

IV. La décision du TA de La Martinique

 

Le TA de la Martinique vient de se positionner sur l’état du droit à ce sujet depuis les textes (loi et décret, précités) du 11 mai 2020.

NB : pour le droit antérieur, voir notamment TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001660 (voir ici), et — pour un arrêté municipal ce qui change la donne car un maire doit fonder son arrêté sur des circonstances locales très spécifiques — TA Toulon, 23 avril 2020, LDH, n° 2001178 (voir là).
Plus largement, voir :

 

Mais le droit a évolué avec les textes précités du 11 mai 2020 (loi et décret).

Dans ce cadre, il est intéressant de se pencher sur une ordonnance rendue par le TA de La Martinique.

Saisi en urgence, ce tribunal administratif a refusé d’ordonner la réouverture des plages et de prononcer la levée de l’interdiction de la navigation de plaisance et des activités nautiques en Martinique, décidée par arrêté préfectoral du 11 mai 2020.

L’arrêté du préfet de la Martinique du 11 mai 2020 impose une quarantaine à toute personne qui entre en Martinique par voie maritime, interdit la navigation d’agrément et de loisir, interdit les manifestations nautiques en mer et réglemente les activités sportives en renvoyant à la réglementation sur l’accès aux plages.

Le Tribunal administratif rappelle d’abord que l’interdiction de l’accès aux plages a été décidée au niveau national, par décret du Premier ministre du 11 mai 2020. Elle s’applique dès lors à l’ensemble des activités sportives et nautiques, qui sont donc interdites.

Le juge des référés constate ensuite que les mesures édictées par le préfet dans son arrêté du 11 mai 2020 s’inscrivent dans le cadre de la stratégie locale de déconfinement, qui vise notamment à empêcher l’importation de nouveaux cas de covid-19 par voie maritime.

Il estime que les interdictions de la navigation de plaisance, des manifestations nautiques ainsi que des activités sportives et nautiques permettent d’assurer un contrôle efficace des entrées sur le territoire maritime de la Martinique et du respect des mesures de lutte contre la propagation du virus covid-19 par les services de l’Etat. Il considère que cette mesure est nécessaire et justifiée par la lutte contre la pandémie due au coronavirus.

Le Tribunal relève enfin que le décret du Premier ministre du 11 mai 2020 permet, à titre dérogatoire, aux préfets d’autoriser l’accès aux plages et, partant, la pratique d’activités nautiques et de plaisance. Cette possibilité est toutefois strictement encadrée. Elle nécessite une proposition du maire, ainsi que la mise en place par les communes des modalités et des contrôles de nature à garantir le respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale (« mesures barrières »).

Les maires, qui ont une connaissance précise du terrain et des enjeux en présence, ont ainsi la charge de trouver, en concertation avec les services de l’Etat, un juste équilibre entre la sécurité sanitaire et la reprise progressive des activités.

En Martinique, une concertation a été engagée entre le préfet et les maires des communes concernées. Le préfet de la Martinique a proposé aux maires d’étudier la possibilité d’une ouverture des plages entre le lever du jour et 11h du matin. A ce stade, les maires ont réservé leur réponse et n’ont adressé au préfet aucune proposition visant à ouvrir les plages. En l’absence d’une telle proposition, les conditions réglementaires permettant d’autoriser de manière dérogatoire l’accès aux plages ne sont pas donc pas remplies.

En conséquence, le Tribunal rejette la demande de suspension de l’interdiction de la navigation de plaisance et des activités nautiques en Martinique, ainsi que la demande d’injonction tendant à la réouverture des plages.

Voir l’ordonnance n° 2000236 du 18 mai 2020