Nouvelle diffusion
La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui a maintenant passé le cap du Conseil constitutionnel, comporte de nombreuses dispositions importantes.
Focalisons-nous, via un article (II) et une courte vidéo (I) sur le volet dédié à la commande publique de cette loi. Un volet qui a beaucoup, beaucoup fait couler d’encre et qui va sans doute nourrir quelques jurisprudences dans les mois à venir…
- I. Courte VIDEO
- II. Article
- II.A. Rappels généraux sur cette loi
- II.B. Extension des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence préalables
- II.C. Plan de redressement et commande publique
- II.D. Marchés globaux
- II.E. Résiliation des marchés et redressement judiciaire
- II.F. Circonstances exceptionnelles
- II.G. Avenantabilité des contrats antérieurs au 1er avril 2016
- II.H. Avocats
- II.i. Plafond provisoire à 100 K€ HT
- II.J. Marchés globaux pour les infrastructures de transport de l’Etat
- II.k. Autres mesures
NB : pour accéder au texte de cette loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (NOR : ECOX1935404L), voir :
I. Courte VIDEO
Me Evangelia Karamitrou et Me Eric Landot ont, en 4 mn 28, balayé les points à retenir, en commande publique, de cette loi :
https://youtu.be/_wQ1dpD54U0
II. Article
II.A. Rappels généraux sur cette loi
Comme nous l’avions, annoncé, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) a donné lieu à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive entre Assemblée Nationale et Sénat.
Pour sa mouture initiale, voir :
Nous avions, il y a 3 semaines, avec notre partenaire WEKA, présenté un grand dossier vidéo sur ce projet de loi qui va donc concerner notamment les marchés publics, l’environnement, les relations avec les citoyens, sécurité publique…
Avec, notamment, un grand entretien avec Monsieur Jean-François LONGEOT, sénateur (UC) du Doubs ; Président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ; Président de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
VOIR :
Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont il avait été saisi par plus de soixante députés. Il a censuré nombre de cavaliers législatifs mais il a validé les mesures de ce projet de loi qui étaient attaquées sur le fond, dont le volet commande publique (mais largement parce que tout ce qui est délicat allait être traité par décret, et donc la passe a été pour l’essentiel faite par le Conseil constitutionnel à destination du Conseil d’Etat) :
II.B. Extension des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence préalables
très discutée est l’extension des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence préalables (article L. 2122-1 du Code de la commande publique) … pour tout « motif d’intérêt général ».
Mais attention ce n’est pas la porte ouverte à n’importe quoi.
Regardons ce qu’a dit le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée :
« 43. Par les dispositions contestées, le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination des motifs d’intérêt général susceptibles de justifier, compte tenu des circonstances de l’espèce, de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables. Il a précisé que ces dérogations ne sauraient s’appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs. Le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de l’étendue de sa compétence doit donc être écarté.
« 44. Par ailleurs, ces dispositions n’exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l’article L. 3 du code de la commande publique.
« 45. Il résulte de ce qui précède que les mots « ou à un motif d’intérêt général » figurant aux articles L. 2122-1 et L. 2322-1 du code de la commande publique, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. »
Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020
DONC
- un décret est à venir qui définira cette notion (la balle est donc passée du Conseil constitutionnel au Conseil d’Etat qui, lui, aura à entrer dans le concret lors de l’examen — probable — de futur décret)
- ces dérogations « ne sauraient s’appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs », précise le Conseil constitutionnel qui, donc, trace là d’importantes limites
- et « ces dispositions n’exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalitédevant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l’article L. 3 du code de la commande publique » (application, donc, même en ce cas, des grands principes de la commande publique).
II.C. Plan de redressement et commande publique
Les entreprises en redressement judiciaire (qui vont être nombreuses au fil et au lendemain de cette crise sanitaire) ont déjà eu de nombreux coups de main ces temps-ci :
- Covid-19 : interdiction de résilier un marché public dont le titulaire est une société placée en redressement judiciaire !
- Ajustements pour les entreprises en difficultés au JO de ce matin
- Commande publique et soutien aux entreprises en raison du Covid-19 : des nouveaux textes au JO de ce jour !
- Une très copieuse loi « fourre-tout », avec des dispositions notamment en matière de fonction publique, de commande publique, etc. … Au JO de ce matin
Avant la loi ASAP, l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique (CCP) excluait de la procédure de passation des marchés les personnes :
- 1° Soumises à la procédure de liquidation judiciaire prévue à l’article L. 640-1 du code de commerce ou faisant l’objet d’une procédure équivalente régie par un droit étranger ;
- 2° Qui font l’objet, à la date à laquelle l’acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, d’une mesure de faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer en application des articles L. 653-1 à L. 653-8 du code de commerce, ou d’une mesure équivalente prévue par un droit étranger ;
- 3° Admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger, et qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.
Désormais : au 3° de l’article L. 2141‑3, le mot : « et » est remplacé par les mots : « qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou ».
Désormais, les entreprises qui sont en plan de redressement ne sont donc plus exclues de la commande publique.
II.D. Marchés globaux
Le code de la commande publique prévoit désormais que :
« Art. L. 2152‑9. – L’acheteur tient compte parmi les critères d’attribution des marchés globaux mentionnés àl’article L. 2171‑1 de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou àdes artisans. »
Les dispositions du code de la commande publique prévoient l’obligation pour un acheteur qui passe un marché de partenariat de prévoir une part minimale de l’exécution du contrat que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (art. L. 2213‑14), et de tenir compte de cette part dans les critères d’attribution (L. 2222‑4).
Or, les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance ou les marchés globaux sectoriels ne sont pas concernés aujourd’hui par ce dispositif incitatif de sous-traitance au profit des PME.
Le texte nouveau le prévoit, ce qui est une petite révolution pour ces contrats globaux, même si bien sûr ceux-ci sur le terrain font appel à des sous traitants PME.
II.E. Résiliation des marchés et redressement judiciaire
En matière de résiliation des marchés, se trouve une encore meilleure protection des entreprises en redressement judiciaire à l’article L. 2195-4 du CCP (même en cas de non information donc ?) puisque :
5° Après le mot : « marché », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2195‑4 est ainsi rédigée : « au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en application de l’article L. 631‑1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622‑13 du même code. » ;
N.B. : voir dans le même sens, toujours dans le CCP, les nouvelles formulations du 6° L’article L. 2322‑1, du dernier alinéa de l’article L. 2395‑2, du dernier alinéa de l’article L. 3136‑4 du 3° de l’article L. 3123‑3…
II.F. Circonstances exceptionnelles
Une toute nouvelle partie du CCP prévoit un droit adapté (comme nous l’avons connu lors du premier confinement) en cas de circonstances exceptionnelles (art. L. 2711‑1 et suiv. et décret à venir).
Avec :
- 1/ possibilité d’apporter en cours de procédure les adaptations nécessaires à sa poursuite
- 2/ prolongation unilatérale par l’acheteur des délais de réception des candidatures et des offres
- 3/ prolongation du contrat dans certains cas (assez encadrés)
- 4/ pas de sanction contre le titulaire se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter le contrat (mais souplesses pour les marchés de substitution en pareil cas aux frais de l’acheteur public)
Et Idem pour les concessions (voir les articles L. 3411‑1 et ss. du CCP).
II.G. Avenantabilité des contrats antérieurs au 1er avril 2016
Par un article non codifié de la loi, est enfin réglée la question de l’avenantabilité des contrats antérieurs au 1er avril 2016 (avec une formulation qui reste cependant susceptible de donner lieu à débats) :
« I. – Les contrats répondant à la définition des contrats de la commande publique énoncée àl’article L. 2 du code de la commande publique pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence aété envoyé à la publication avant le 1er avril 2016 peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions définies par le code de la commande publique. »
II.H. Avocats
De nouvelles souplesses sont à noter pour les contrats avec un avocat (fin d’une fameuse « sur-transposition » du droit européen) :
I. – Le code de la commande publique est ainsi modifié :
1° Le 8° de l’article L. 2512‑5 est complété par des d et e ainsi rédigés :
« d) Les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits ;
« e) Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure mentionnée au d du présent 8° ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure. » ;
1° bis À l’article L. 2514‑2, la référence : « c » est remplacée par la référence : « b » ;
2° La cent sixième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 2651‑1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
II.i. Plafond provisoire à 100 K€ HT
En décembre 2019, le seuil des marchés publics dispensés de toute procédure de publicité et de mise en concurrence est passé à 40 000 € HT (voir ici).
Puis avec la pandémie nous virent déjà des seuils provisoires (à 100 K€ HT pour les marchés de denrées alimentaires et 70 K€ HT pour les marchés de travaux). Voir :
Un nouveau pas est franchi avec ce texte qui prévoit que jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes.
Ce qui ne veut pas dire que les grands principes de la commande publique ne seront pas à respecter. De plus, le montant cumulé des lots d’une valeur de 100 € ne doit pas excéder 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. :
« I. – Jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes.
« Ces dispositions sont applicables aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 100 000 € hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
« Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.
« II. – Le présent article s’applique aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de la publication de la présente loi. »
II.J. Marchés globaux pour les infrastructures de transport de l’Etat
Est insérée aussi une réforme des marchés globaux sectoriels (articles L. 2171-4 du CCP) avec un nouveau cas de recours, réservé à l’Etat pour ses infractructures de transport, de recours à ces contrats.
Ce nouveau cas est ainsi libellé :
« 5° La conception, la construction, l’aménagement, l’exploitation, la maintenance ou l’entretien des infrastructures linéaires de transport de l’État, hors bâtiments. »
II.k. Autres mesures
D’autres mesures existent ici ou là dont :
- la possibilité de marchés globaux pour la construction et la valorisation immobilière de projets connexes au Grand Paris Express
- une mini-réforme relative aux marchés réservés (EA, ESAT, SIAE…)
- etc.