Eau et assainissement : que prévoit le projet de loi « engagement » ? [ARTICLE ET VIDÉO]

 

Le projet de loi « Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique » a donc été adopté en conseil des ministres mercredi dernier et c’est peu de dire qu’il revient à câliner les communes et à prendre de la distance face au mouvement intercommunal.

Sur l’eau et l’assainissement, cela se traduirait par une nouvelle nouvelle nouvelle loi pour corriger la loi NOTRe…. avec pour l’essentiel les correctifs à la loi, déjà corrective, n° 2018-702 du 3 août 2018… Et donc avec des changements importants à quelques mois de l’échéance du 1er janvier 2020 :

  • 1/ en matière d’extension de l’opposition par des communes pour s’opposer au transfert de cette compétence en communauté de communes (mais pas en communauté d’agglomération)
  • 2/ en matière de conventions pour gérer la compétence (en communautés de communes comme en communautés d’agglomération avec quelques rigidités inquiétantes car ce nouveau régime pourrait être compris comme interdisant de recourir aux conventions qui, à ce jour, fonctionnent très bien).

 

Faisons donc le point sur le volet eau et assainissement de ce projet de loi (qui n’est donc pas du tout encore le texte de loi définitif) en vidéo (I) et via un article (II).

 

 

I. VIDÉO

 

Voici un commentaire à chaud de ce projet présenté le 17 juillet 2019, par Me Eric Landot, en un peu pus de 11 mn :

 

II. ARTICLE

 

II.A EXTENSION DE L’OPPOSITION OUVERTE À CERTAINES COMMUNES POUVANT JUSQU’EN 2026 BLOQUER CETTE INTERCOMMUNALISATION (en communautés de communes ; rien de neuf en communautés d’agglomération sur ce point)

 

II.A.1 rappel du droit issu de la loi du 3 août 2018

 

Le régime issu de la loi du 3 août 2018, applicable à ce jour peut alors être ainsi décrit :

  • par défaut l’intercommunalisation de ces deux compétences (alimentation en eau potable [AEP], d’une part, et assainissement y compris le SPANC, d’autre part) s’applique au premier janvier 2020 en communauté de communes
  • MAIS il est possible de s’opposer à ce transfert obligatoire pour l’une et/ou l’autre de ces compétences sous deux conditions :
    1. que ladite compétence ne soit pas à ce jour exercée par la communauté. Cette dérogation à l’intercommunalisation ne s’applique donc, en vertu à ce jour de la loi du 3 août 2018, pas si la communauté exerce déjà un fragment de la compétence correspondante, non sans nuances à cette règle :
      • peu importe alors que la compétence figure dans les statuts dans les compétences « optionnelles » ou « facultatives », et ce aux termes exprès de la loi
      • la loi précise qu’il est possible de ne pas transférer tout l’assainissement même si à ce jour la communauté exerce « de manière facultative » à la date de publication de la loi uniquement les missions relatives au service public d’assainissement non collectif (SPANC) au sens du III de l’article L. 2224-8 du CGCT. En ce cas:
        • la loi précise que :
        • « le transfert intégral de la compétence assainissement n’a pas lieu et l’exercice intercommunal des missions relatives au service public d’assainissement non collectif se poursuit dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.»

        • mais selon nous ce texte doit s’interpréter par prudence imposant tout de même le vote prévu par ledit premier alinéa, évoqué ci-avant.
      • si en revanche, à la date d’entrée en vigueur de la loi, la communauté exerce la compétence alimentation en eau potable et/ou une autre partie de la compétence assainissement… alors le report de l’échéance de 2020 ne semble pas possible… même si cette compétence est exercée pour une partie du territoire à la suite d’une fusion de communautés de communes (mais ce dernier point pourrait être discuté en droit).
      • avec sur ce point un traitement spécifique des eaux pluviales urbaines (qui devient une compétence à part, et qui n’est donc pas un fragment de compétence eau ou assainissement au sens de ce régime).

       

    2. qu’avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. A ce jour, ce report n’est pas reportable d’un mandat sur l’autre (il en va autrement que pour le régime qui pourtant servit de modèle en ce domaine, à savoir le régime du PLUI…). Au plus tard, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.

 

N.B. : à tout moment, entre 2020 et 2026, la communauté de communes pourra envisager de se doter de la compétence correspondante ou des compétences correspondantes, avec alors de nouveau un droit d’opposition des communes (ce qui fait une sorte de session de rattrapage après les élections de 2020 !).

 

II.A.2. Le dispositif prévu par le projet de loi « Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique »

 

Le I et le II de l’article 5 du projet de loi sont ainsi rédigés :

« I. – L’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « assainissement », sont insérés les mots : « ou qui exerce en partie seulement l’une ou l’autre » ;

2° Au premier alinéa, les mots : « 1er juillet 2019 » sont remplacés par les mots : « 1er janvier 2020 » ;

3° Le deuxième alinéa est supprimé ;

4° Au troisième alinéa, les mots : « les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement ou l’une d’entre elles » sont remplacés par les mots : « les compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement ou exerce en partie seulement l’une ou l’autre ».

II. – Toutes les délibérations prises avant le 1er janvier 2020 dans les conditions requises au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ayant pour objet de s’opposer au transfert des compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement, de l’une d’entre elles ou d’une partie d’entre elles ont pour effet de reporter le transfert de compétence au 1er janvier 2026. »

 

… ce qui revient (toujours en communauté de communes, pas en communauté d’agglomération) à :

  • reporter du 30 juin 2019 au 31 décembre 2019 la date ultime pour qu’une minorité de communes bloque l’intercommunalisation de cette compétence (quand bien même celle-ci serait voulue par une majorité de communes, rappelons le). A noter :
    • il n’y aurait toujours pas de possibilité de report au delà de 2026… en l’état de ce projet
    • la loi ne corrige toujours pas le problème de nombre de préfectures qui s’inquiètent que déjà le législateur de 2018 n’avait pas imposé aux communes de transférer lesdites délibérations dans un délai particulier. Imaginez que des délibérations soient adoptées le 31 décembre 2019… mais notifiées seulement trois mois après alors qu’au 1er janvier 2020 la compétence est supposée transférée !? A tout le moins serait-il raisonnable que la date de ce projet de loi prévoyant un report à “avant le 1er janvier 2020”, et donc au 31 décembre 2019 (date de la délibération), soit celle, dans le texte définitif, de la notification. Et même là on aura quelques troubles…
  • permettre un refus de cette intercommunalisation (en communauté de communes donc) même si un fragment de la compétence a été déjà transféré à la communauté (ce qui fera des heureux et des malheureux…).

 

 

II.B. Un aménagement conventionnel nouveau, au mieux inutile (ou presque…) et au pire nuisible (en communautés de communes et/ou d’agglomération)

 

 

II.B.1. rappel du droit actuel

 

A ce jour, la compétence peut être intercommunalisée mais elle peut donner lieu :

  • à des conventions confiant la gestion d’ouvrages ou de gestion de services entre la communauté et des communes voire d’autres établissements publics dans certains cas (art. L. 5214-16-1 et L. 5216-7-1 du CGCT… c’est à se demander si la DGCL et/ou les cabinets ministériels concernés étaient au courant de ce régime !)
  • à diverses autres conventions qui en réalité permettent considérablement d’aménager l’intercommunalisation de ces compétences (services communs de l’article L. 5211-4-2 du CGCT notamment dans la variante où le service commun est assuré par la commune ; conventions de maîtrise d’ouvrage désignée, etc.).

 

II.B.2. Le dispositif prévu par le projet de loi « Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique »

 

Ce régime prévoit d’autres types de conventions, bien plus strictes et encadrées que le régime des articles L. 5214-16-1 et L. 5216-7-1 du CGCT, peut-être un peu plus vaste en termes de compétences couvertes par le champ d’application de ce régime (fixation des tarifs ? adoption du règlement de service ?).

Voici ces textes insérés à l’article 5 de ce projet de loi :

 

III. – Après le 7° du I de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La communauté de communes peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences visées aux 6° et 7° à l’une de ses communes membres qui a, par délibération, adopté un plan des investissements qu’elle entend réaliser à cet effet et s’engage à respecter un cahier des charges intégré à la convention, dans un objectif de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures. Ce cahier des charges définit notamment les besoins et les objectifs à atteindre. Il précise, en concordance avec le plan des investissements, les moyens humains et financiers consentis à l’exercice de la compétence déléguée, et fixe des indicateurs de suivi afin d’évaluer l’atteinte des objectifs assignés au délégataire.

« Les compétences déléguées en application de l’alinéa précédent sont exercées au nom et pour le compte de la communauté de communes délégante, qui en reste responsable.

« La convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, précise la durée de la délégation et ses modalités d’exécution ».

IV. – Après le 9° du I de l’article L. 5216-5 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La communauté d’agglomération peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences visées aux 8° et 9° à l’une de ses communes membres qui a, par délibération, adopté un plan des investissements qu’elle entend réaliser à cet effet et s’engage à respecter un cahier des charges intégré à la convention, dans un objectif de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures. Ce cahier des charges définit notamment les besoins, les objectifs à atteindre, précise, en concordance avec le plan des investissements, les moyens humains et financiers consentis à l’exercice de la compétence déléguée, et fixe des indicateurs de suivi afin d’évaluer l’atteinte des objectifs assignés au délégataire.

« Les compétences déléguées en application de l’alinéa précédent sont exercées au nom et pour le compte de la communauté d’agglomération délégante, qui en reste responsable.

« La convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, précise la durée de la délégation et ses modalités d’exécution ».

 

A tout le moins, pour un peu de souplesse, espérons que ce régime sera clairement présenté comme n’interdisant pas d’utiliser les autres régimes, car ce point pourrait faire débat en l’état de la formulation de cet article 5 à ce jour…

 

Voir aussi à propos de ce même projet de loi :

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/20/projet-de-loi-relatif-a-lengagement-dans-la-vie-locale-et-a-la-proximite-de-laction-publique-et-lurbanisme-dans-tout-ca/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/19/pouvoirs-de-police-des-maires-que-prevoit-le-projet-de-loi-engagement/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/20/future-loi-engagement-et-proximite-ladcf-appelle-a-un-reequilibrage-du-projet/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/19/perimetre-des-intercommunalites-que-prevoit-le-projet-de-loi-engagement/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/19/tourisme-que-prevoit-le-projet-de-loi-engagement-reponse-une-nouvelle-exfiltration-possible-pour-les-communes-stations-classees/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/19/gouvernance-des-intercommunalites-que-prevoit-le-projet-de-loi-engagement/

https://blog.landot-avocats.net/2019/07/18/voici-les-12-mesures-emblematiques-du-projet-de-loi-engagement-dans-la-vie-locale-et-proximite-de-laction-publique/

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POUR UN ACCÈS À CE PROJET DE LOI :

http://www.senat.fr/leg/pjl18-677.html