Nous le signalions, le 15 avril dernier : le TA de Paris venait de poser, en référé liberté, que maintien en fonctionnement, dans ces conditions, du centre de rétention de Vincennes portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à l’accès aux soins des personnes placées dans ce centre.
Source : TA de Paris, ord., 15 avril 2020, n° 2006287-2006288-2006289 (centre de rétention)
20062879
Cette ordonnance n’était pas sans évoquer une autre, rendue par le TA de La Martinique pour une prison.
Source : TA de la Martinique, ord., 4 avril 2020, n° 2000200 (c’est par là )
Mais elle contrastait avec la série de jurisprudence des autres juridictions et notamment du Conseil d’Etat.
Sources : CE, ord., 22 mars 2020, n° 439674 (voir iciet là) ; CE, ord., 28 mars 2020, n° 439765, n° 439693 et n°439726 [3 esp. distinctes ; voir ici) ; CE, ord., 29 mars 2020, n° 439798 (voir là) ; CE, ord., 1er avril 2020, n°439762 (voir ici) ; CE, ord., 4 avril 2020, n° 439904, 439905 (voir ici ; la position du TA en 1e instance avait cela dit été en sens contraire) ; TA Bastia, ord., 3 avril 2020, n°2000357 (voir de ce côté-ci) ; TA La Réunion, ord., 6 avril 2020, n°2000289, n° 2000290 et n° 2000292 [3 esp. différentes ; voir là] ; TA de La Guyane, ord., 6 avril 2020, n°2000309 [voir par là] ; CE, ord., 10 avril 2020, n° 439903 et n° 439883, 439892 (voir ici) : pendant ce temps là, également compréhensif, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020 – Loi organique d’urgence, a accepté d’abréger des délais constitutionnels (voir ici) ; TA de Montpellier, ord., 26 mars 2020, n° 2001502 (voir ici) ; TA de la Guadeloupe, ord. 27 mars 2020, n°2000294 (voir de ce côté là) ; TA Caen ord., 31 mars 2020, n°2000711 (voir là) ; TA de Montpellier, ord., 31 mars 2020, n° 2001567 (et voir ici) ; TA de la Martinique, ord., 1er avril 2020, n° 2000186 (voir par là) ; TA de Montpellier, ord., 3 avril 2020, n° 2001599 (voici là) ; TA Montreuil, ord. 3 avril 2020, n°2003861 (2003861) ; TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001647 (et puis jetez donc un coup d’oeil là) ; TA de Montpellier, ord., 7 avril 2020, n° 2001660 (c’est là !) ; CE, ord., 2 avril 2020, n°439763 (voir ici ) ; CE, ord., 27 mars 2020, n° 439720 (voici ) ; ; CE, ord., 8 avril, n°439821 et n°439827 [2 ordonnances différentes ; cliquer sur ce lien ] ; CE, 9 avril 2020, n°439895 : coucou c’est par là ; CE, 15 avril 2020 (n° 440002 et 439910 ; 2 ordonnances distinctes ; voir ici).
Voir aussi : Laisser le poison en prison ?
Et voici que le TA de Paris récidive, signe selon nous (avec quelques décisions récentes du Conseil d’Etat qui sans censurer, mettaient plus de pression sur l’administration : voir ici et là), que le juge administratif sent qu’il devient possible, sans être déraisonnable, d’imposer quelques contraintes supplémentaires à quelques administrations.
Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a en effet été saisi d’un référé liberté, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, par la Ligue des droits de l’Homme, l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, l’association Kali, l’association Utopia 56, l’association l’Ardhis, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), l’association Droits d’urgence et de nombreux demandeurs d’asile.
Dans son ordonnance du 21 avril 2020, le juge des référés a constaté que la fermeture depuis le 23 mars 2020 de la plateforme d’accueil gérée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ainsi que celle des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) rendaient impossible en Ile de France tout enregistrement de demande d’asile alors que, selon les textes applicables, l’administration doit procéder à cet enregistrement dans un délai réduit, doit accorder aux demandeurs d’asile le bénéfice des conditions matérielles d’accueil et leur reconnaître le droit à séjourner sur le territoire français durant l’instruction de leur demande, et que la possibilité pour ces demandeurs d’asile d’être pris en charge dans le cadre du plan d’action mené en direction des personnes sans domicile fixe ne suffisait pas. Par ailleurs, il a estimé que les difficultés liées à la protection de la santé des agents qui travaillent dans les GUDA pouvaient être prises en compte dans le cadre de procédures spécifiques.
Il a alors constaté que la condition d’urgence était remplie et qu’une atteinte grave et manifestement illégale était portée à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile.
Dans ces conditions, il a enjoint au préfet de police et aux préfets des départements de la région Ile-de-France de rétablir, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l’ordonnance et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, le dispositif d’enregistrement des demandes d’asile supprimé au mois de mars, de façon adaptée au flux de la demande et de procéder à la réouverture, dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, d’un nombre de GUDA permettant de traiter ce flux.
Il a également enjoint à l’OFII de procéder sans délai à la réouverture de sa plateforme d’accueil des demandeurs d’asile.
TA Paris, ord., 21 avril 2020, n° 2006359/9