Les « Class actions » à la française ont été introduites en droit français du contentieux (judiciaire comme administratif) par la loi du 18 novembre 2016 et par le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017, ainsi que le présent blog s’en est fait l’écho :
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- « Class actions » à la française : le Conseil d’Etat en donne un mode d’emploi simple et opérationnel
- Action de groupe : avant l’heure, c’est pas l’heure (mais pour certaines actions de groupe seulement…)
Ces actions collectives peuvent prendre la forme :
- SOIT des « actions de groupe »
- SOIT des « actions en reconnaissance de droits ».
Le but est que d’une part nulle personne lésée ne puisse être laissée de côté par peur des frais contentieux ou par méconnaissance et, d’autre part, de regrouper en un contentieux, et un seul, les contentieux de masse…
Une des premières décisions en ce domaine avait d’ailleurs été rendue par le TA de Lyon :
Or, à nouveau, le TA de Lyon vient de rendre des décisions intéressantes en ce domaine. Plus précisément, il a statué sur l’action en reconnaissance de droits régie par les articles L. 77-12-1 et suivants, et R. 77-12-1 et suivants du code de justice administrative (CJA).
Cette action peut être exercée devant le juge administratif pour faire connaître des droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt (art. L. 77-12-1 CJA).
L’action en reconnaissance de droits peut tendre au bénéfice d’une somme d’argent légalement due (par exemple le versement d’une prime pour des agents publics) ou à la décharge d’une somme d’argent illégalement réclamée (par exemple une contribution fiscale ou une redevance d’occupation domaniale), mais elle ne peut tendre à la reconnaissance d’un préjudice (à la différence de l’action de groupe).
Une action en reconnaissance de droits est possible dans tous les domaines relevant de la compétence du juge administratif.
Les actions en reconnaissance de droits peuvent être présentées par des associations ou des syndicats professionnels qui ont dans leur objet statutaire la défense des intérêts en faveur desquels l’action est engagée (art. L. 77-12-1 CJA). Aucune condition d’ancienneté de l’association ou du syndicat n’est requise.
C’est là qu’interviennent donc ces deux nouvelles décisions.
Le TA de Lyon pose qu’une telle action en reconnaissance de droits :
- PEUT faire reconnaître des droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt (art. L.77-12-1 CJA).
- PEUT in fine tendre au bénéfice d’une somme d’argent légalement due ou à la décharge d’une somme d’argent illégalement réclamée,
- NE PEUT PAS tendre à la reconnaissance d’un préjudice (à la différence de l’action de groupe).
CELA DIT CELA PEUT DONC SERVIR À UNE ACTION EN DEMANDE DE DÉCHARGE (si l’on ose dire) POUR UNE TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères). Le TA confirme que si le jugement fait droit à la demande et lorsqu’il n’est plus susceptible d’être remis en cause en appel, les personnes concernées peuvent s’en prévaloir directement devant l’administration compétente pour en obtenir l’application à leur cas individuel
En l’espèce, l’association des contribuables actifs du Lyonnais (CANOL) a saisi le tribunal d’une action en reconnaissance de droits* pour faire reconnaître aux contribuables de la métropole de Lyon et du département du Rhône le droit à être déchargés du montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) mise à leur charge au titre de l’année 2016, 2017 et 2018.
Le tribunal rappelle que les taux de TEOM fixés pour ces trois années sont illégaux, le produit de la taxe excédant les dépenses exposées pour assurer le service, et qu’il ne peut leur être substitué les taux antérieurs puisqu’eux-mêmes sont illégaux.
NB : sur cette question des TEOM excédentaires, voir :
- TEOM excédentaires : le juge doit, au besoin, mener l’enquête…
- Illégalité des TEOM trop excédentaires : le Conseil d’Etat rend un nouvel arrêt, strict sur les recettes à prendre en compte, mais souple sur le pourcentage admis, en l’espèce, d’excédent
- TEOM : que change la loi de finances pour 2019 ? [VIDEO]
- La loi de finances 2019 et TEOM : l’Etat règle ses problèmes et se défausse sur les collectivités. Côté fair-play, y’aurait quand même à dire…
- Qu’est-ce qu’une TEOM dont le montant est « manifestement disproportionné » ? (réponse avec — enfin — un jugement un peu rassurant)
- TEOM excédentaire conduisant à une gratuité : sans surprise, le TA de Lyon emboîte — hélas — le pas du CE…
- Le CE confirme qu’il y a décharge TOTALE en cas de TEOM excédentaire (et non recalcul) sauf cas (rares) de retour au taux de l’année n-1
- TEOM excédentaires, pour qui sonne le glas ?
- Communauté urbaine de Dunkerque : interview sur un jugement très intéressant, rendu lundi, en matière de TEOM excédentaire
- TEOM excédentaires : de nouvelles précisions jurisprudentielles
- et autres très nombreux articles écrits sur le présent blog pour traiter de l’abondante postérité de la jurisprudence Auchan (CE, 31 mars 2014, n°368111)…
En l’espèce, donc, le TA de Lyon a écarté les demandes de l’Etat et de la métropole de Lyon tendant à limiter le montant de la décharge à la seule part excédentaire du budget en confirmant la jurisprudence (voir liens précités) selon laquelle :
- d’une part, il n’appartient pas au juge de l’impôt de déterminer le montant de la taxe que le contribuable aurait dû payer,
- d’autre part, la taxe est due par les propriétaires des immeubles, indépendamment de l’utilisation du service d’enlèvement des ordures ménagères .
Le tribunal a alors reconnu aux contribuables de la métropole de Lyon le droit de bénéficier, sur leur demande, de la décharge du montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre des années 2016, 2017 et 2018.
- Sources à consulter sur Alyoda :