Par un important arrêt à publier en intégral au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat :
- étend sa jurisprudence sur les régularisations possibles de vices de procédures aux déclarations d’utilité publique (DUP)
- donne un blanc-seing d’indépendance et d’objectivité aux MRAE pour les nouvelles procédures, puisque la consultation de celles-ci permet de rattraper une procédure ainsi viciée pour manque d’indépendance.
Les vices de procédures ont vu :
- leur portée explicitée, pour ne pas dire limitée, par le fameux arrêt Danthony :
- le développement de la possibilité de donner lieu à régularisation de ces vices dans un grand nombre de domaines. Citons :
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- celui des chemins ruraux :
- celui des autorisations environnementales. En effet, l’article L. 181-18 du Code de l’environnement permet au juge, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, de prendre diverses mesures permettant la régularisation de ladite autorisation ou une reprise de l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité (cf. par exemple CE, Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy c/ M. Merlot, n° 395963, rec. p. 380). Voir entre autres :
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- Autorisations environnementales : plus régularisateur que le CE, désormais, y’a pas
- ICPE : le TA de Lille admet une annulation partielle n’imposant pas de revenir à la case départ de la procédure
- Annulation d’une autorisation environnementale puis reprise de la procédure : quels peuvent être les moyens du requérant, ensuite, contre les actes nouvellement adoptés ?
- La régularisation d’une autorisation environnementale peut être accordée par le juge… sans avoir été demandée
- Anciennes autorisations « loi sur l’eau » et espèces protégées…
- etc.
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- d’urbanisme (art. L. 600-9 du code de l’urbanisme ; voir par exemple ; CE, Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy c/ M. Merlot, n° 395963, p. 380) :
- Le Conseil d’Etat ouvre (un peu plus) les vannes de la régularisation d’un permis de construire en cours de procédure
- Régularisation du permis de construire en cours d’instance : la saga continue…
- La régularisation d’un permis de construire en cours d’instance est conforme à la Constitution
- La régularisation d’un permis de construire peut intervenir postérieurement au délai imparti par le juge
- Régularisation d’un permis de construire en cours de procédure : et ça continue encore et encore…
- pour un cas d’application à une annulation partielle de PLU, voir CE, 16 juillet 2021, Commune de La Londe-les-Maures, req., n° 437562 (Que doit faire la commune lorsque son PLU est partiellement annulé ? )
- etc.
- de contrats publics, mais via d’autres moyens (censure en référé précontractuel qui permet, depuis que cet outil existe, de revenir au stade de la procédure qui a été vicié ; voir aussi d’autres modes de régularisation qui sont plus proches de ce qui se pratique en autorisations environnementales ou en urbanisme avec par exemple : CE, 11 mai 2016, M.B… N°s 383768, 383769 : Le CE censure le contrat de partenariat du stade de Bordeaux, faute d’information suffisante des élus. Mais le juge s’avère souple sur la régularisation possible en ce cas . ; voir aussi : Régularisation d’erreurs formelles lors de la passation d’un marché public : le juge s’assouplit ).
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Par un arrêt à publier en intégral au recueil Lebon, le Conseil d’Etat a étendu ce régime aux déclarations d’utilité publique.
Voici le début du résumé de la base Ariane, lequel préfigure celui du recueil :
« Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents (DUP) des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. »
Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entaché l’arrêté attaqué.
Le Conseil d’Etat donne ensuite le mode d’emploi opérationnel de cette régularisation, notamment pour ce qui est de l’office du juge :
- le juge doit apprécier ce vice de procédure au regard des règles applicables à la date de l’arrêté attaqué,
- et c’est donc aussi selon les modalités prévues à cette même date que le vice de procédure doit être corrigé. Mais si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
En l’espèce, la DUP avait été signée par le préfet de région en sa qualité de préfet du département du projet, alors qu’il a également signé l’avis de l’autorité environnementale, instruit par la DREAL de cette région. Ce qui a conduit à nombre d’illégalités à la suite d’une décision du juge européen sur ce point précis (CJUE, 20 octobre 2011, C‑474/10). Voici r par exemple :
- Le Conseil d’Etat censure le fait que le préfet de région puisse être à la fois autorité décisionnaire en déclaration d’utilité publique et autorité environnementale au stade d’un avis sur le projet… au moment où cette censure n’a plus d’effet pratique (Conseil d’État, 6ème chambre jugeant seule, 21/08/2019, 406892)
- voir aussi par exemple : Les services préfectoraux n’ont pas une indépendance suffisante vis-à-vis du Préfet pour exercer la mission de consultation en matière environnementale pour les autorisations que doit délivrer le préfet en ce domaine
Voir aussi : CE, 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association ” Sauvons le paradis ” et autres, n° 428274, rec. T. pp. 610-847 ; CE, 5 février 2020, Association “Des évêques aux cordeliers” et autres, n° 425451, rec. T. pp. 643-851…
Il y avait donc irrégularité de la DUP pour ce motif et pour ce seul motif.
Le Conseil d’Etat en déduit que ce vice de procédure peut être réparé par la consultation, à titre de régularisation, d’une autorité présentant les garanties d’objectivité requises.
Et, point important, le Conseil d’Etat reconnaît aux missions régionales d’autorité environnementale (MRAE ; articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l’environnement) du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) de la région… un brevet d’indépendance suffisant à ce stade de la procédure. Voir pour nos interrogations antérieures à ce sujet :
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